Danse avec Lulu

Critique / Lulu fascine, Lulu secoue le cocotier de tous les inconscients collectifs. Lulu, femme de tous les contrastes : fragile et perverse, intelligente et sensuelle, éperdument perdue. Pascale Clavel

Lulu est l’opéra de tous les dangers. Pour son héroïne tout d’abord, pour son compositeur Alban Berg ensuite qui jongle comme un équilibriste entre musique tonale et sérialisme. Enfin, Lulu est un danger pour tout metteur en scène, ce chef-d’œuvre étant une montagne dont le sommet reste quasi inaccessible. Drôle de parcours pour cet opéra inachevé pour cause de décès du compositeur en 1935, achevé par le compositeur autrichien Friedrich Cerha qui finit d’orchestrer le troisième acte en 1979. Créé à Paris par Pierre Boulez la même année, c’est un véritable succès. L’opéra de Lyon programme Lulu dans sa version définitive. Alban, Peter, Lulu et nous
Berg scrute avec son dernier opéra la misère de la condition humaine dans ses moindres recoins. Personnage ambigu, à la fois bourreau et victime, Lulu reste magnétique. Tout au long de l’opéra, on sait que Lulu ne pourra échapper à son destin parce que sans cesse se pose cette lancinante question : y a-t-il eu traumatisme initial ? S’est-elle faite violée par le Docteur Schön ? Les personnages qui évoluent autour d’elle sont envoûtés, veulent assouvir au plus vite leurs fantasmes les plus délirants. Elle épouse un professeur de médecine qui meurt d’une crise cardiaque, puis un peintre qui se tranche la gorge. Elle connaît la prison, la prostitution et meurt sous le couteau de Jack l’éventreur. Cette production lyonnaise est d’une grande pertinence : Kazushi Ono, nouveau directeur musical de l’opéra fait un travail remarquable dans la fosse. Il aime cette musique du début du XXe siècle, on le sait, mais ici, on l’entend. Sa gestique est élégante, d’une précision chirurgicale. Il conduit l’orchestre vers des pâtes sonores que lui seul sait révéler et contourne tous les pièges tendus par une partition terriblement complexe. On peut saluer la magnifique prestation de l’orchestre, déconcertant d’aisance, qui sait s’abandonner aux alternances constantes entre couleurs intenses et clairs-obscurs. Sur scène, c’est tenues Années folles signées Moidele Bickel et ambiance Art Déco imaginée par Ferdinand Wögerbauer. Vision kitsch qui fonctionne, beau clin d’œil à la version Boulez/Chéreau de 1979, beaux tableaux où chaque intérieur reflète le pompeux, le fric et le pouvoir des hommes si pathétiques que croise Lulu. Laura Aikin campe une Lulu énigmatique et magnétique et assume sans aucune défaillance l’écrasant rôle-titre. Cette soprano à la tessiture exceptionnelle sait interpréter aussi bien Sœur Constance du Dialogue des Carmélites de Poulenc qu’elle éblouit dans le rôle de la Reine de la nuit au Festival de Salzbourg. Elle est là une Lulu pleine de volupté, se mue en femme décadente ou en femme brillante sans le moindre problème. Elle offre au public ébloui des moments d’une rare intensité. Laura Aikin habite Lulu comme personne, elle en donne une version totalement touchante. Lulu de Berg
Direction, Kazuchi Ono
Mise en scène, Peter Stein
À l’Opéra de Lyon jusqu’au 2 mai.

pour aller plus loin

vous serez sans doute intéressé par...

Dimanche 26 avril 2009 Mise en scène / Peter Stein est le metteur en scène qu’il fallait absolument pour "Lulu". Il sait prendre l’œuvre à bras le corps, ne veut rien prouver, colle ses idées au texte, à la musique et l’ensemble fonctionne à merveille. PC

Suivez la guide !

Clubbing, expos, cinéma, humour, théâtre, danse, littérature, fripes, famille… abonne toi pour recevoir une fois par semaine les conseils sorties de la rédac’ !

En poursuivant votre navigation, vous acceptez le dépôt de cookies destinés au fonctionnement du site internet. Plus d'informations sur notre politique de confidentialité. X