Tron l'héritage

De Joseph Kosinski (ÉU, 2h06) avec Garrett Hedlund, Jeff Bridges…

"Tron l’héritage", suite d’une folie 80’s devenue culte, est sans conteste le premier film post-"Avatar", autrement dit celui qui prolonge les leçons technologiques et théoriques du monument de James Cameron. Il en partage d’ailleurs les mêmes faiblesses (plus criantes encore) : un scénario sur lequel on a toujours plusieurs longueurs d’avance et un acteur principal transparent. Osera-t-on dire qu’on se fout un peu de ces défauts ? Cela laisse au moins le cerveau disponible pour apprécier les incroyables arabesques visuelles créées par Joseph Kosinski (un réalisateur venu de la pub, mais ayant étudié le design et l’architecture) et se plonger dans le puissant sous texte qui rend "Tron l’héritage" passionnant.

Le film démarre en 2D à l’époque du premier film, et se poursuit de nos jours par un hacking sauvage du fils de Kevin Flynn sur l’entreprise fondée par son père disparu, récupérée par des costards-cravates cupides. Linux contre Microsoft ? C’est une première piste que le film abandonne rapidement, mais qui témoigne de son envie d’élever le débat. Quand Flynn débarque dans le monde virtuel inventé par son paternel, le film bascule dans la 3D et affiche son véritable enjeu : le combat entre le réel et sa reproduction virtuelle, entre l’humain et ses clones numériques. T

out cela tient presque entièrement dans le double rôle de Jeff Bridges : sa copie lissée de manière à ressembler à l’acteur au moment du premier "Tron", devenu souverain de ce monde sans matière, purement électronique, et «l’original», le vrai, avec ses rides et ses kilos en trop. Kosinski le filme d’abord dans une reproduction minutieuse de la chambre de "2001", soit un environnement qui renvoie à un passé glorieux du cinéma. Quelle est l’ancienne image ? Quelle est la nouvelle ? Et laquelle choisir ? Le film ne joue que sur ces collisions de sens, d’époques et d’icônes, comme ce passage où un étonnant Michael Sheen, un peu Bowie période Ziggy Stardust, un peu Alex dans "Orange mécanique" (Kosinski est visiblement un admirateur fervent de Kubrick), dirige les deux musiciens casqués de Daft punk — la pop qui soumet l’électro.

En définitive, "Tron l’héritage" choisit le réel plutôt que le virtuel, soit l’option inverse de celle de Cameron, qui prônait l’abandon de l’humain. Jusqu’où cette philosophie est-elle assumée ? Y a-t-il un paradoxe à ce que cette célébration de la technologie aboutisse in fine à sa condamnation ? Le seul fait de se poser la question mérite qu’on prenne les montagnes russes de "Tron l’héritage" au sérieux.

CC

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