Actualité Lyon | Annonces légales

Camille redouble

Camille redouble

Noémie Lvovsky signe son meilleur film avec cette comédie à la fois burlesque et mélancolique où une quadragénaire revit ses 16 ans, retrouve ses parents défunts et son grand amour. Comme si Nietzsche, Coppola et la psychanalyse étaient passés à la moulinette d'une fantaisie foutraque.Christophe Chabert

Actrice condamnée à jouer les silhouettes dans des films gore, quadragénaire larguée par son mari Eric, Camille voit son existence partir à vau-l'eau, se laissant glisser dans les volutes de cigarettes et les vapeurs d'alcool — apesanteur retranscrite dans un générique génial, comme on n'en voit pas souvent dans le cinéma français. Par la grâce d'un horloger un peu sorcier (Jean-Pierre Léaud, apparition émouvante) et après un nouvel an entre copines très arrosé, elle fait un malaise et se réveille le 1er janvier 1985 à l'hôpital, quelques jours avant de rencontrer Eric et quelques semaines avant la mort de sa mère. Elle a toujours quarante ans dans sa tête mais pour son entourage elle en a à nouveau seize. Magie de la mise en scène : Noémie Lvovsky, qui a choisi avec courage de se mettre en scène dans le rôle de Camille, n'opère aucun rajeunissement physique pour marquer cette transformation. Ce coup de force figuratif est à l'image du film tout entier : absolument libre, s'appuyant sur la croyance du spectateur et lui offrant en retour un joyeux foutoir dans lequel se glissent de beaux moments de mélancolie.

Grande école

Camille est donc confrontée à un double dilemme : essayer de sauver sa mère — pour s'épargner la douleur du deuil — et éviter que son histoire avec Eric s'enclenche à nouveau — mais passer du coup à côté de ce grand amour. Questions très nietzschéennes que Lvovsky emprunte aussi au Coppola de Peggy Sue s'est mariée, et qu'elle résout par des situations de pure comédie. Il y a d'un côté l'hilarante galerie de personnages secondaires — Amalric en prof barbu ou le duo des Beaux gosses, Vincent Lacoste et Anthony Sonigo, le premier en intello bloqué sur Stendhal, le second en adolescent dépassé par la maturité sexuelle de Camille ; de l'autre, l'environnement amical et familial, un clan de copines allumées et au bord de l'hystérie, cousines burlesques des filles de La Vie ne me fait pas peur, et les parents, bougons et dépassés par le comportement incompréhensible de leur fille (Yolande Moreau et Michel Vuillermoz, excellents). L'ensemble s'apparente à une version littérale du travail psychanalytique, mais Lvovsky a le bon goût de ne pas trop s'y arrêter, préférant irriguer son film d'une énergie purement adolescente. C'est aussi le parcours de son héroïne : son regard d'avance sur les événements cède face au plaisir de l'insouciance retrouvée, son envie d'infléchir le destin plie devant l'impératif de vivre intensément dans le présent, encore.

à lire aussi

vous serez sans doute intéressé par...

Mercredi 18 janvier 2023 Comédie burlesque sur les liens familiaux envahissants, satire de notre époque et du milieu de l’édition ; réflexion métaphysique sur l’alchimie prodigieuse du “mentir-vrai“ de la création, Youssef Salem a du succès se hisse au niveau de Mother...
Mercredi 24 juin 2020 Axelle, Dominique et Conso, trois voisines du Nord de la France, franchissent la frontière belge chaque jour pour proposer leurs faveurs en maison close afin d’améliorer un ordinaire misérable. Les rêves en berne, l’usure morale le dispute à la...
Lundi 26 août 2019 Juste n’est plus vraiment de ce monde : invisible aux vivants, il a négocié avec las “autorités” de l’au-delà pour accompagner les défunts de l’autre côté, en leur faisant raconter un souvenir. Il croise un jour Agathe, bien vivante, qui le voit et...
Mardi 22 novembre 2016 Une ingénue sort du couvent pour se marier et mener une existence emplie de trahisons et de désenchantements. Maupassant inspire Stéphane Brizé pour un récit ascétique situé dans un XIXe siècle étrangement réaliste, et habité jusqu’à la moelle par...
Mardi 18 octobre 2016 Avec ce portrait d’une marmaille cabossée par la vie retrouvant foi en elle-même et en son avenir, Claude Barras se risque sur des sentiers très escarpés qu’il parcourt avec une délicatesse infinie. Un premier long-métrage d’animation en stop motion...

Suivez la guide !

Clubbing, expos, cinéma, humour, théâtre, danse, littérature, fripes, famille… abonne toi pour recevoir une fois par semaine les conseils sorties de la rédac’ !

En poursuivant votre navigation, vous acceptez le dépôt de cookies destinés au fonctionnement du site internet. Plus d'informations sur notre politique de confidentialité. X