Le Vent se lève

Le Vent se lève
Le Vent se lève
De Hayao Miyazaki (Jap, 2h06) animation

Pour ses adieux au cinéma, Hayao Miyazaki propose une fable ample, adulte et très personnelle mêlant histoire du Japon et envol romanesque pour dessiner un autoportrait en créateur aveuglé par sa passion. Magnifique.Christophe Chabert

Ce n'est pas la première fois qu'Hayao Miyazaki annonce sa retraite cinématographique ; c'est même devenu un sujet de plaisanterie comme furent, en leur temps, les adieux des mythiques Compagnons de la chanson... Non seulement Le Vent se lève donne un crédit évident à ce départ longtemps reporté, mais il explique aussi en creux les tergiversations du maître. Le parcours de son protagoniste, Jiro, évoque ainsi métaphoriquement celui de Miyazaki lui-même : celui d'un homme mû par une passion si exclusive qu'elle lui fait passer à côté du monde et de la vie.

Ainsi, dès son plus jeune âge, Jiro s'obsède pour l'aviation, ayant trouvé un mentor imaginaire en la personne de Giovanni Caproni, pionnier italien de la construction. Devenu ingénieur, il va tout faire pour donner au Japon des modèles dignes de ceux fabriqués en Europe, et notamment dans l'Allemagne hitlérienne. Car Le Vent se lève se déroule dans une période tumultueuse de l'Histoire japonaise que Miyazaki circonscrit à deux événements : le séisme qui dévaste la région de Kanto et la participation de son pays à la Deuxième Guerre mondiale.

Une dernière envolée

Du premier, spectaculairement recréé à l'écran, le cinéaste fait la source romanesque de son récit : Jiro réussit à sauver une jeune fille lors du déraillement d'un train et, lorsqu'il la retrouvera des années après dans un sanatorium où elle soigne sa tuberculose, une histoire d'amour va naître entre eux, sans cesse contrariée par les activités professionnelles du héros. Quant au second, il permet à la fois de pointer la réussite du projet de Jiro et son versant amer, sa récupération par un pouvoir belliqueux et destructeur.

Dans la romance comme dans la fable historique, Miyazaki pousse son art jusqu'à des hauteurs encore jamais atteintes : ainsi de la splendide scène du balcon, qui tient la comparaison avec celles, mythiques, écrites par Shakespeare et Rostand ; ou lorsqu'il s'agit de faire voler ses images comme si son héros se perdait entre le rêve et la réalité, dans l'oscillation terrible entre l'émerveillement face au monde et la brutale découverte de sa cruauté. Surtout, Le Vent se lève porte en lui toute la mélancolie d'une vie dévouée au travail, au point d'en devenir aveugle à la souffrance alentour. La conclusion du film est en cela sublime : avec ce point final, c'est comme si Miyazaki disait qu'enfin quelque chose pouvait commencer, malgré tout ce qui a été irrémédiablement perdu...

Le Vent se lève
D'Hayao Miyazaki (Jap, 2h06) animation

à lire aussi

vous serez sans doute intéressé par...

Mardi 9 janvier 2024 La nouvelle année réserve des belles découvertes dans nombreux lieux d’art en ville et au-delà, interrogeant notre relation avec le visuel, la nature et l’autrui.
Vendredi 13 mai 2022 Une semaine seulement après la Japan Touch Haru, les férus de cultures asiatiques lyonnais vont devoir sacrifier un autre week-end. Mais c’est pour la bonne cause : la sixième édition d’Animēshon, qui déroule au cinéma Le Scénario de...
Mardi 13 mai 2014 Après une édition 2013 dominée par un fort contingent franco-américain, les sélections du festival de Cannes 2014 sont beaucoup plus ouvertes sur les cinémas du monde, avec (déjà) des favoris et quelques outsiders que l’on va suivre de...
Jeudi 2 janvier 2014 Après une année 2013 orgiaque, 2014 s’annonce à son tour riche en grands auteurs, du maître Miyazaki à une nouvelle aventure excitante de Wes Anderson en passant par les vampires hipsters croqués par Jarmusch et les flics tarés de Quentin...
Vendredi 13 septembre 2013 C’est la dernière annonce (fracassante) du festival Lumière : comme le lapin sorti du chapeau, un hommage aux studios Ghibli du grand Hayao Miyazaki, qui (...)
Jeudi 11 octobre 2012 Pour avoir suivi de près les trois premières éditions de Lumière, on sait d’expérience à quel point le choix de la personnalité pour recevoir le Prix Lumière influe (...)
Jeudi 12 juillet 2012 Après trois semaines de suspense, c’est finalement le réalisateur anglais, chef de file d’un cinéma social plus noué qu’on ne le croit, qui se verra décerner le quatrième Prix Lumière en octobre prochain. Christophe Chabert
Mercredi 9 janvier 2008 Ken Loach s'immerge dans le quotidien d'une jeune et jolie femme transformée en vaillant petit soldat du libéralisme sauvage, sans changer pour autant son regard empathique et réaliste. La première gifle cinématographique de 2008. Christophe...

Suivez la guide !

Clubbing, expos, cinéma, humour, théâtre, danse, littérature, fripes, famille… abonne toi pour recevoir une fois par semaine les conseils sorties de la rédac’ !

En poursuivant votre navigation, vous acceptez le dépôt de cookies destinés au fonctionnement du site internet. Plus d'informations sur notre politique de confidentialité. X