Rock / Songwriter généreux, John Dwyer, homme-lige de Thee Oh Sees, voit sa discographie grossir de manière spectaculaire au fil des ans, sans jamais rien perdre d'une verve créatrice qui doit autant à un art consommé du recyclage qu'à une inspiration inépuisable.
Peu en prise avec les impératifs du temps, John Dwyer et ses Thee Oh Sees semblent vivre à une époque où il était tout naturel, au sein d'une industrie musicale soucieuse de ne pas laisser les esgourdes prendre le goût du farniente et sûre que créer du désir par l'attente était un mauvais calcul, de sortir un maximum de disque en un minimum de temps. Cela explique sans doute aussi une notion du temps toute relative.
Ainsi lorsque leur stakhanoviste leader annonçait fin 2013, lors d'un concert à San Francisco, que le groupe ne rejouerait pas avant un bon moment, cela sembla étrange. Plus encore lorsque Dwyer confiait le lendemain dans une interview que Thee Oh Sees étaient mis entre parenthèse pendant une durée indéterminée. C'était juste après l'album Floating coffin ("Cercueil flottant") et certains purent sans doute y voir une petite mort des Oh Sees.
Mais les congés et Dwyer cela fait plus que deux (sans doute un nombre égal à ses projets parallèles). Par durée indéterminée, il fallait donc entendre : « pas pour longtemps. » Et se souvenir que Dwyer fait valser les membres de son groupe à l'envie, celui-ci ne se réduisant au fond qu'à lui-même.
Appendice
Car dès le mois d'avril suivant, Thee Oh Sees publiaient Drop, quinzième album en 11 ans, toutes appellations confondues (OCS, The Oh Sees, Thee Oh Sees), puis en 2015 Mutilator Defeated at last, avant qu'en 2016, An Odd entrances ne fasse suite de trois mois à A Weird exits comme pour résumer, dans leurs titres, l'épisode évoqué plus haut.
Sur la pochette d'An Odd entrances un mille-pattes envahit (ou quitte, on ne saurait trop dire) le canal auditif d'une gigantesque oreille. Pas question donc de laisser les oreilles tranquilles. Mélange d'instrumentaux (trois sur six morceaux) aux portes de l'expérimentation et de ballades oscillant entre Syd Barrett et Donovan, An Odd Entrances gratouille à merveille la curiosité du fan, loin des envolées garage.
Et surtout résonne en écho (ou se regarde en miroir) avec A Weird Exits – détonnant, lui, de rock cosmique et de krautrock (le garage rock n'est plus qu'un marche pied pour Thee Oh Sees) – dont il est une sorte d'appendice, né des mêmes sessions studios. Parce qu'en plus de ne pas perdre son temps, chez Thee Oh Sees, grand artisan d'un recyclage accouchant toujours de matière neuve, on ne jette rien. Mais on donne tout.
Thee Oh Sees + Decibelles
À l'Épicerie Moderne le samedi 13 mai