Yamê : « J'ai envie d'aborder des sujets personnels et touchants, avec simplicité »

Yamê

Épicerie Moderne

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Entretien / Découvrez Yamê, le rappeur et chanteur franco-camerounais de 30 ans qui fait sensation avec son 2ᵉ projet, ELOWI. Mélange savant de rap, de soul et de sonorités africaines, son titre “Bécane” est sur toutes les lèvres. Nommé aux Victoires de la Musique 2024, il se prépare à enflammer L’Épicerie Moderne à Lyon le 3 février prochain. Entretien.

Choisi pour faire les premières parties de Stromae, nommé dans la catégorie révélation masculine de l’année aux prochaines Victoires de la Musique, votre ascension a été fulgurante. Est-ce que cela vous fait peur ?

Yamê : Je vis les choses plutôt sereinement. Mon socle, c'est mon équipe. J’ai vraiment confiance en elle et ça me rassure. Après, ma vie n’a pas changé. Pour l’instant ce ne sont que des chiffres, j’attends de voir les résultats avec les lives, c'est surtout là que le succès se matérialise. 

Votre père est le chanteur camerounais M’Backé Ngoup’Emanty, vous a-t-il communiqué le goût de la musique ?

Complètement, il y avait plein d’instruments à la maison, et j’ai pu m’essayer à plusieurs d’entre eux dès mon plus jeune âge. J’ai choisi ce qui me paraissait le plus simple, le piano. Mon père est guitariste, il aurait pu me pousser à pratiquer des instruments à cordes, mais j’ai préféré suivre mes propres envies.

Mes deux parents écoutaient beaucoup de musique, c’est de là que sont venues mes premières influences. J’écoutais de la variété française, de France Gall à Fernandel, et de la musique africaine, avec Meiway, Henri Dikongué, ou Papa Wemba.

Vous avez vécu en France et au Cameroun avec votre père et votre mère. Vous évoquez régulièrement le sentiment d’être "de partout et de nulle part". Est-ce toujours le cas ?

J’ai appris à mûrir ce sentiment avec le temps, et je le vois maintenant comme une chance, celle d’avoir pu m’approprier deux cultures. C’est quelque chose qui m’enrichit dans ce que j’écris, qui me donne du contexte. Ce n’est pas un critère différenciant, mais on ressent dans ma musique une certaine hybridation, qui représente ce que je suis finalement. 

Vous vous êtes fait connaître dans des jams sessions parisiennes aux influences plutôt jazz. Un passage crucial dans le développement de votre style ?

Vers mes 18 ans, j’ai commencé à découvrir les jams sessions, en jazz, en soul, ou en rock notamment à la jam de la Casserole à La Petite Halle de la Villette ou encore à celle du New Morning qui sont les plus connues. Au début, j'y allais surtout pour m’amuser et c’est là que j’ai eu envie de performer avec un instrument.

Je me suis fait beaucoup d’amis et d’expériences. On apprend énormément sur scène, on se questionne sur la direction qu’on veut donner à sa musique. Les jams sessions sont l’équivalent des open mic pour les rappeurs. J’ai donc pu me tester et me découvrir artistiquement. 

En 2021, vous avez sorti votre tout premier projet, Agent 237, qui était résolument tourné vers le rap. Et en 2023, vous revenez avec ELOWI, où vous chantez. Qu’est-ce qui explique ce changement ? 

C’est plus une évolution qu’un revirement. J’ai digéré ce que j’aimais dans le rap et je l’ai appliqué autrement à ma musique. Au départ, j’avais envie de faire du "gros" rap parce que c’est ce que j’écoutais beaucoup. J’ai dû apprendre à écrire pour la musique. Je cherchais sur internet des instru que l’on appelle type beats et je commençais à poser ma voix dessus. 

Au départ, il y avait dans ma musique quelque chose de très rappé, mais avec déjà les prémices de ce que je fais aujourd’hui. Dans les backs, il y avait beaucoup d’aigus, mais je ne les mettais pas en voix de lead. Un jour, je me suis dit : “Allez, j’envoie les voix aiguës” et ça a donné ce nouveau projet.

Y a-t-il des thèmes particuliers qui vous inspirent dans votre travail d’écriture ?

Je voudrais aborder plus de thématiques personnelles, m’ouvrir aux autres et leur permettre de me découvrir un peu plus. Je n’ai pas encore confiance en ma plume, c’est normal car c’est encore récent pour moi.

Il y a beaucoup de choses que je n’arrive pas encore à dire, avec la sonorité et la texture que je recherche. Jusqu’alors, j’ai abordé des situations qui n’étaient pas personnelles sauf dans le titre Bécane, où j’insiste sur mon envie de liberté. 

Vous abordez cette recherche de liberté, maintenant que votre carrière se lance, est-ce que vous craignez de la perdre d’un point de vue créatif ? 

Je vois l’industrie musicale, un peu comme un jeu. Il y a des règles et il faut les connaître. Selon moi, il faut créer de bonnes synergies dès le départ, avec les bonnes personnes. 

C’est aussi important d’avoir de bonnes connaissances entrepreneuriales quand on se lance. C’est le cas de beaucoup de jeunes artistes d’ailleurs, qui sont capables de s’autoproduire, se distribuer, faire leur promo. Je suis moi-même producteur et en licence, donc je garde une certaine indépendance. Il s’agit juste de trouver sa place. 

Des collaborations rêvées pour la suite ?

Il y en a plein. Je n’ai plus envie de dire des noms de personnes avec qui collaborer, mais honnêtement, je n'ai pas trop de limite si ce n’est le propos artistique. Un feat reste quand même quelque chose qui doit être réfléchi, surtout si je suis amené à travailler avec des artistes confirmés, car ce sont deux couleurs qu’il faut savoir mélanger. 

Vous êtes en tournée jusqu’en 2025, que vous conclurez par l’Olympia. Avez-vous d’autres projets dans les cartons ? 

J’écris mon album. J’ai envie de le sortir bientôt pour développer davantage l’EP. Les concerts qui arrivent restent mon plus gros challenge. J’ai voulu créer une véritable expérience pour le public, qu’il ne soit pas simplement là pour écouter les versions studio en live. Par exemple, je m’accompagne sur scène avec mon piano, mais je suis également entouré d’une basse, d’une batterie, de trois choristes et d’un DJ. Donc, je me concentre pour le moment à défendre cet EP sur scène.


Yamê, l'artiste français qui fait tourner la tête de Timbaland

Yamê est un artiste qui ne cesse de surprendre. Après avoir sorti son titre La Quête en version acoustique, il a attiré l’attention d’un des plus grands producteurs de la scène hip-hop américaine : Timbaland. Ce dernier a été tellement séduit par le flow et la voix de Yamê qu’il a décidé de lui faire un remix et de le partager sur son compte Instagram. « Croyez-moi, quand je dis que c’est chaud, c’est chaud », a-t-il écrit en légende, faisant ainsi découvrir son talent à ses millions de followers.

Timbaland n’est pas le seul à avoir remarqué le potentiel de Yamê. Lors de la Fashion Week de septembre dernier à Paris, il était accompagné de son ami et collaborateur Pharrell Williams, l’artistique prolifique derrière les tubes Happy, Get Lucky ou Blurred Lines. Les deux acolytes ont eu envie de rencontrer Yamê en personne et lui ont proposé de dîner avec eux. À ce moment-là, Yamê était à Barcelone pour une semaine de travail, et aurait finalement décliné l’invitation. Un refus culotté, qui, déjà, écrit la légende autour du jeune prodige.


Bécane : bienvenue dans un monde de liberté

Une douce instrumentale, rapidement accompagnée d’une voix mielleuse qui virevolte aisément des aigus aux graves. Yamê attend l’arrivée des basses pour exprimer une voix plus affirmée, révélant ses influences rap, qui s’accompagnent d’ailleurs d’une gestuelle plus expressive.

À l’instar de sa musique, le look de l’artiste est inclassable : vanilles discrètes, tee-shirt oversize, et veste à franges effet plumes. Yamê mélange les genres sur la chaîne YouTube allemande Colors, célèbre pour ses vidéos épurées d’artistes internationaux émergents. Sur une toile de fond marron, il interprète son refrain entêtant Bécane. Une ode à la liberté dans lequel il mime la consommation d’un joint, tenu fermement dans l'interstice de ses dents manquantes — n’en déplaise aux règles de sécurité routière — et décrit sa course effrénée dans les rues de Paris.

Avec 33 millions de vues au compteur, Bécane est la vidéo francophone la plus regardée sur la chaîne pourtant culte Colors. Peut-être parce que l’état d’esprit du jeune artiste transcende la langue, peut-être parce que le sentiment de liberté offert par sa bécane nous emmène tous.

Yamê 
À l'Épicerie Moderne le samedi 3 février 

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