Théâtre / Au TNP, en dari, dans leur langue, les jeunes artistes afghanes reprennent "Les Messagères" qu'elles avaient créé avec un aplomb stupéfiant il y a 15 mois.
D'un coup, comme une évidence, elles ont été Créon, Antigone, Ismène, Tirésias. Quand en juin 2023, les neuf afghanes ont débarqué sur le grand plateau du TNP dirigées par le directeur de la maison, Jean Bellorini. Cela n'avait rien d'assuré qu'elles soient si convaincantes. Pas par un absurde procès anticipé en incompétence — en Afghanistan, elles se formaient déjà au théâtre — mais parce que ces jeunes femmes exfiltrées, comme une centaine d'autres, vers la France dans les heures chaotiques et déterminantes de l'immédiate après reconquête du pouvoir par les talibans, avaient bien d'autres préoccupations que le jeu. Il leur a fallu gérer l'exil et la séparation d'avec leur famille, apprendre le français, enchaîner les rendez-vous administratifs, tout en fêtant, pour certaines, leurs 18 ans.
Ne pas abdiquer
Sur le plateau d'eau, que le metteur a repris de son ancienne création Paroles gelées, avec la lune immense qui veille sur leur chœur, Freshta Akbari, Atifa Azizpor, Sediqa Hussaini... sont les messagères autant antiques que contemporaines de rituels fondamentaux comme celui de ne pas abdiquer, et faire une sépulture à son frère, comme Antigone le fait pour Polynice. En les emmenant à la rencontre de Sophocle, Jean Bellorini amplifie le combat de cette bande d' « Afghan Girls », telle que se nommait leur troupe là-bas. Elles ont si bien relevé ce défi qu'elles font l'ouverture de saison du CDN. Grande idée.
Les Messagères
Au TNP du 7 au 13 sept ; de 7 à 26 euros