Quand le cabaret investit les théâtres

Cabaret / Depuis quelques années, le cabaret est à la mode dans les théâtres, ravis d'encanailler leur public traditionnel et d'en attirer un nouveau en proposant une forme artistique inclusive et engagée. Tour d'horizon de la foisonnante saison lyonnaise qui s'annonce.

Décembre 2023, au Théâtre de la Croix-Rousse. Cinq soirs avant les fêtes, la grande salle de presque 600 places accueille un public varié, mêlant habitués du lieu dédié au théâtre contemporain et nouveaux venus. Tout ce beau monde s'est réuni pour voir les « créatures » (c'est ainsi qu'elles se définissent) pleines de strass et de paillettes du cabaret parisien Madame Arthur. Une heure durant, ces dernières vont chanter, raconter leur vie, alpaguer la foule avec humour... Standing ovation chaque soir, même si quelques abonnés sortent de la salle désarçonnés par le côté grivois de la proposition – à l'image de cette relecture très gay et très crue d'À toutes les filles de Didier Barbelivien.

« À la Croix-Rousse, nous soutenons un théâtre qui s'hybride au contact d'autres formes artistiques. Le cabaret est vraiment né de cette hybridation », s'enthousiasme Courtney Geraghty, la directrice du lieu qui a décidé de réinviter Madame Arthur en fin d'année pour cinq soirs déjà bien remplis. Un choix de programmation qui élargit son public autant qu'il porte un message. « Nous défendons beaucoup la question de la représentativité de la société, de sa diversité. Le cabaret est aujourd'hui emblématique de cette diversité. »

« Ça fait sans doute moins peur »

Depuis plusieurs années, et notamment le succès de l'émission télé de drag queen RuPaul's Drag Race (dont le spectacle de la version française passera les 27 et 28 septembre à l'Amphithéâtre 3000), le cabaret est en plein renouveau et en pleine effervescence, ce que le milieu culturel plus institutionnel a bien compris. « C'est une discipline artistique qui mélange vraiment tout ce que j'aime : la danse, la musique, le théâtre, le chant, le spoken word... Avec un attachement très social, très politique, et au centre le corps des artistes qui se transforme » explique Tiago Guedes, le directeur de la Maison de la danse qui, depuis l'an passé, met en avant des cabarets sur la petite scène du restaurant. Les spectatrices et spectateurs sont à chaque fois au rendez-vous.

La Maison de la danse a ainsi convié le cabaret La Bouche, ouvert en 2022 à Paris, à venir se produire à Lyon en avril 2025. Bili, qui travaille également chez Madame Arthur, en est l'une des figures. Elle aussi a constaté l'engouement toujours plus fort du public pour le cabaret. « C'est un genre pas très institutionnel, on joue dans des lieux privés qui sont à part... Ça fait sans doute moins peur de pousser les portes d'un cabaret. Nous à La Bouche, à Paris, on est au sous-sol d'un bar-restaurant, les gens viennent facilement ! »

Sur scène, que ce soit à Paris ou en tournée, Bili est accompagnée de ses camarades Soa de Muse (vue dans la première saison de Drag Race France), Mascare et Grand soir : quatre artistes qui se définissent comme queer, c'est-à-dire qui ne se reconnaissent pas dans l'hétéronormativité dominante. « On est un cabaret de l'intime où l'on se raconte beaucoup. On parle de nos vies, de choses qui nous concernent, qui nous bousculent dans l'actualité... On reprend la parole » poursuit Bili, qui a transformé la chanson de William Sheller Un homme heureux en Gouine heureuse. Leur cabaret s'affiche alors ouvertement politique, intersectionnel, aux croisements de plusieurs formes de domination. « Je parle par exemple d'être transfuge de classe ; Soa va chanter du créole en disant que c'est aussi la langue française ; Mascare fait tout un numéro autour du colonialisme... »

« Cabaret afro-futuriste queer »

Cette saison lyonnaise, plus encore que les précédentes, sera donc riche en cabarets aux esthétiques différentes mais tous guidés par la même envie de briser les codes. À la Maison de la danse, en plus de La Bouche, seront programmés les excellents 12 Travelos d'Hercule (un incroyable show drag alternant lip syncs et chansons live) et le performeur glamour Romain Brau en mode tour de chant. À la Croix-Rousse, un mois avant Madame Arthur, aura lieu la première du spectacle Diaspora de Soa de Muse et deux autres artistes (Sheitan et Mami Watta) : un « cabaret afro-futuriste queer et militant » afin d'imaginer « de nouvelles mythologies pour libérer les peuples racisés des stéréotypes oppressifs » écrit le théâtre.

Aux Célestins, c'est La Barbichette, cabaret du fantasque Monsieur K., que l'on retrouvera dans la grande salle entre Noël et le 31 décembre. Et d'autres salles de spectacle proposeront aussi du cabaret, comme les Clochards célestes fin septembre. Quant aux flamboyants artistes de Madame Arthur, en plus de leur venue à la Croix-Rousse en fin d'année, ils seront le 5 octobre au Transbordeur pour un show autour de Mylène Farmer, icône queer par excellence. Tout un programme.

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