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Clea Petrolesi : « Alors que le handicap fait souvent peur, j'ai voulu montrer à quel point ces jeunes sont beaux »

Clea Petrolesi : « Alors que le handicap fait souvent peur, j'ai voulu montrer à quel point ces jeunes sont beaux »
Personne n'est ensemble sauf moi

Théâtre du Point du Jour

Du 18 au 20 février 2025, à 20h

Théâtre / Avec "Personne n'est ensemble sauf moi", la metteuse en scène et autrice Clea Petrolesi a imaginé un spectacle autour du vécu de jeunes en situation de handicap invisible. Une émouvante et régénérante réussite à découvrir mi-février dans deux théâtres de la métropole.

Personne n'est sauf moi : en voilà un titre poétique et énigmatique. Ce titre, la metteuse en scène et autrice Clea Petrolesi de la compagnie Amonine l'a emprunté à un jeune autiste qui, lors d'un stage théâtre, posait des mots sur sa vie. Il est devenu le fil rouge d'un émouvant spectacle. Sur scène accompagnés d'un musicien, plusieurs jeunes adultes au handicap invisible se confient, entre vérité et fiction, sur leur vécu avec franchise, humour, poésie... Un véritable tourbillon d'émotions que nous avons abondé avec sa conceptrice.

Comment cette aventure a-t-elle débuté ?

Clea Petrolesi : J'ai animé des ateliers théâtre pendant plusieurs années dans le cadre d'un projet du centre d'égalité des chances de l'Essec [NDLR : une école de commerce] pour que des jeunes en situation de handicap de la troisième à la terminale puissent penser leur orientation, rêver leur avenir... Je les ai vus grandir, s'épanouir avec le théâtre... J'étais très attachée à eux en tant que professeure. Jusqu'à ce que l'une d'entre eux me demande de leur faire un spectacle rien que pour eux !

L'idée a alors germé. Pendant le deuxième confinement, j'ai commencé à écrire à partir de moments passés avec ces jeunes, de ce qu'ils m'avaient dit, en m'autorisant une liberté sans bornes. Certaines choses sont rapportées fidèlement, d'autres sont mixées, d'autres encore réinventées... Quand j'ai eu une ébauche de texte, j'ai rappelé une partie des quelque 200 jeunes que j'avais croisés. Je les ai interviewés pour encore nourrir mon texte. Et l'aventure a ensuite commencé sur scène avec quelques-uns.

En tant que metteuse en scène, vous avez dû vous adapter à vos interprètes.

Il y avait des impératifs de santé, médicaux, qu'on a tout de suite pris en compte. Plusieurs rôles ont été créés dès le début avec deux acteurs en situation de handicap pour pouvoir permettre à l'un et à l'autre de jouer librement sans se plier à nos modes de production. Il n'aurait par exemple pas été possible de tourner ce spectacle avec, pour l'un des rôles, seulement une jeune fille susceptible de faire une crise d'épilepsie la veille d'une représentation et d'être hospitalisée. En même temps, on n'allait pas l'empêcher d'être avec nous à cause de ça. Des acteurs sont donc distribués sur certaines dates, d'autres se tiennent toujours disponibles au cas où, et on inverse ensuite.

Sur scène, les interprètes parlent-ils forcément d'eux ?

Non. Il y a des acteurs qui racontent des choses qui ne sont pas du tout vraies, et ça nous fait rire ! Car c'est une manière pour eux de reprendre le pouvoir sur tout ça : ils ont eu droit à la création, à l'art, même sur le sujet du handicap ! Le rire n'empêche pas d'aborder des sujets importants.

L'émotion est très présente et emporte une partie du public.

Quand, lors des ateliers, les jeunes me confiaient des choses aussi dures que celles qui peuvent être racontées dans le spectacle, j'essayais de rester dans la posture de l'enseignante. Puis, lorsque j'ai mis ces récits en scène, dans celle de la directrice d'acteurs. C'est au moment où j'ai découvert des spectateurs en larmes pendant les premières représentations que, d'un coup, j'ai été émue : ils pleuraient aux endroits où je ne me m'étais pas autorisée à pleurer pendant le processus de création parce que ce n'est pas mon rôle de pleurer !

Diriez-vous que votre spectacle est politique ?

Clairement. Alors que le handicap fait souvent peur, j'ai tout simplement voulu montrer à quel point ces jeunes sont beaux et ont toute leur place sur scène et dans la société. Là, ils sont carrément les stars d'une soirée, on a juste envie d'être leur pote à la fin, de faire partie de leur fête ! C'était tout l'enjeu du spectacle.

Le spectacle interroge en filigrane l'idée de normalité.

Je voulais que ces jeunes posent les bases de leur monde et réinventent une société où eux penseraient la normalité. On questionne sur scène de grandes figures de pouvoir comme, par exemple, Christophe Colomb. Avec cette idée sous-jacente de s'interroger sur qui décide de ce qui est normal ou pas, et de se demander pourquoi ça ne serait pas eux.

Et cela, dans un décor en forme d'amphithéâtre.

Ce décor peut autant être les marches sur lesquelles on traîne que l'endroit où l'on fait société. D'ailleurs, dans ce décor, les comédiens en situation de handicap sont mêlés à des comédiens professionnels avec l'envie de faire du théâtre ensemble. Ça aussi, c'est politique.

Comment le monde du handicap a-t-il reçu votre spectacle ?

L'accueil est très beau. Pendant les temps d'échange après le spectacle, on a souvent des jeunes en situation de handicap qui osent prendre la parole devant tout le monde pour dire avec émotion : « moi je suis comme vous, merci ». On a aussi des spectateurs qui expliquent que leur regard sur le handicap a changé. C'est toujours très touchant de voir à quel endroit le spectacle bouscule. On est fiers de nous là-dessus !

Personne n'est sauf moi
Vendredi 14 février au Centre culturel Charlie-Chaplin (Vaulx-en-Velin) ; de 6 à 13 €
Du mardi 18 au jeudi 20 février au Point du jour (Lyon 5ᵉ) ; de 5 à 18 €


Parole de comédien

Oussama Karfa, 24 ans aujourd'hui, est l'un des jeunes en situation de handicap que Clea Petrolesi a rencontrés pendant ses ateliers théâtre avec l'Essec. Il est maintenant comédien dans le spectacle et il est le seul à n'avoir pas de doublure et donc à faire toutes les dates. Il revient avec nous sur cette expérience.

Les ateliers

« Deux samedis par mois on allait à l'Essec à Cergy-Pontoise [NDRL : Île-de-France]. On faisait de l'anglais, parlait d'actualité, de culture générale... Et chaque année, une semaine pendant les vacances de février, on avait un atelier théâtre avec Clea où on travaillait l'improvisation. À la fin de la semaine, on faisait une restitution. »

Le spectacle

« J'avais 19 ans, ça faisait à peu près un an et demi qu'on ne se côtoyait plus – même si on avait gardé contact sur les réseaux sociaux – quand, un beau matin, j'ai reçu un message de Clea. Elle m'a dit qu'elle avait un projet de spectacle avec des jeunes en situation de handicap et qu'elle aimerait que j'en fasse partie. J'ai été agréablement surpris qu'elle pense à moi. J'ai bien sûr accepté, en me disant que ça ferait une expérience en plus. Mais jamais je n'aurais imaginé que ça prendrait l'ampleur que ça a aujourd'hui ! »

Son texte

« Je dirais que c'est du 70-30 : 70% sont inspirés de ma vie, et 30% sont inspirés de la vie d'autres personnes. Car toutes les anecdotes sont vraies, même si elles ne nous appartiennent pas forcément. »

Le message

« C'est une amitié entre des personnes en situation de handicap.Ce spectacle dit qu'on fait partie de la société, qu'on a le droit de rire, de pleurer, de s'énerver parfois aussi... Comme tout le monde en fait ! »

Le futur

« Je vais rester comédien le temps de ce spectacle, parce qu'à la base j'ai un master en journalisme culturel. J'ai aussi été assistant de production pendant un an pour la compagnie, et ça m'a énormément plu. Si je peux continuer dans cette voie, pourquoi pas. Mais je verrai ça quand il y aura un peu moins de dates ! »

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