Théâtre / L'auteur-metteur en scène portugais et directeur du Festival d'Avignon Tiago Rodrigues s'installe début février au théâtre de la Croix-Rousse avec un spectacle coup de poing au titre explicite.
Chaque famille a ses propres traditions. Dans celle (portugaise) de Catarina, on tue des fascistes depuis plus de 70 ans car l'une des leurs a disparu sous la dictature de Salazar. C'est justement au tour de Catarina d'accomplir, pour ses 26 ans, le geste fatal. Tout est prêt, l'homme capturé pour l'occasion est retenu dans la maison de campagne familiale, au sud du pays. Sauf que Catarina a des doutes...
Dans Catarina et la beauté de tuer des fascistes, le parti pris de Tiago Rodrigues, metteur en scène et auteur portugais devenu il y a deux ans directeur du prestigieux Festival d'Avignon, est limpide : user des armes de la fiction pour questionner frontalement le public en ces temps où l'extrême droite est on ne peut plus vivace dans de nombreux pays démocratiques, incapables de l'endiguer.
Suspens
Un axe qui, s'il confère à l'ensemble un côté théâtre à thèse, renferme une véritable force dramaturgique mêlant suspens — tuera-t-elle ? ne tuera-t-elle pas ? — et matière à penser. Une pièce qui rappelle Bertolt Brecht (dont le texte Grand-peur et misère du IIIe Reich est joué en ce mois de février au TNP), et qui va au bout de son propos, jusqu'à un final qui amène les spectateurs et spectatrices à se positionner.
Dans une scénographie en bois matérialisant ladite maison de campagne, les personnages, campés par huit interprètes portugais investis (et surtitrés), se déchirent face au refus de la plus jeune, sorte d'Antigone contemporaine. Pourtant, l'extrême droite est bien au pouvoir dans le futur proche qu'a imaginé Tiago Rodrigues.
Si ce dernier ne donne pas de réponse toute prête, laissant son théâtre (plutôt bavard sur les 2h30 de représentation) parler pour lui, son spectacle s'apparente à un coup de poing salutaire. Encore plus aujourd'hui, cinq ans après sa création, au vu des récents résultats électoraux ici (en France) et là (aux États-Unis notamment).
Catarina et la beauté de tuer des fascistes
Les 6 et 7 février au théâtre de la Croix-Rousse (Lyon 4e) ; de 6 à 29 €