Aménagement urbain / Place Bellecour, l'installation de l'œuvre "Tissage urbain" a été perturbée ce jeudi 24 avril par des tensions sur le chantier. Porté par le budget participatif de la Ville, le projet remplace une ambition initiale de végétalisation, jugée irréalisable.
Une forêt urbaine ? Trop complexe. Une place laissée à nu ? Trop brûlante. Entre ces deux impasses, la Ville de Lyon a opté pour un projet intermédiaire : Tissage urbain, vaste installation temporaire censée apaiser la chaleur et redessiner l'espace mais qui cristallise aujourd'hui les tensions.
Un projet qui a évolué
Tissage urbain ne correspond pas à l'intention initiale de la Ville de Lyon, celle qui fut présentée en 2023. À l'époque, le projet visait plutôt une approche végétale, avec des plantations pérennes et une volonté de renaturer la place Bellecour. Mais très vite, les contraintes techniques ont freiné le projet, le sous-sol de la place — station de métro, parking souterrain, galeries techniques — a empêché toute éventualité de plantation en pleine terre. Quant à l'installation de grands bacs ou arbres en pot, ils n'auraient pas tenu le choc face aux grandes chaleurs. Un argumentaire notamment porté par Audrey Hénocque (EELV), première adjointe au maire de Lyon, en charge des finances, de la culture et des grands évènements
Faute de forêt, donc, ce sera un treillis de bois et de toile, monté sur des plots en béton, pour créer un parcours ombragé à travers la place. Le projet signé par l'artiste plasticien Romain Froquet et le cabinet Tristan architecture, lauréat du budget participatif 2022, est financé à hauteur de 1, 5 million d'euros par la Ville de Lyon, dont 300 000 dédiés à son entretien.

Pensée pour rester cinq ans sur la place, l'installation modulable doit se compléter dans les semaines à venir avec un parcours piétons, des assises en bois, des "micro-événements" culturels... Au total, trois "tracés" symboliques, de l'eau, de la lumière et des usages, dessinent une nouvelle déambulation entre drapés suspendus et arches en bois, clin d'œil revendiqué aux métiers à tisser des Canuts. « Les matériaux ont été sélectionnés avec soin », explique Tristan Israël, l'architecte de la structure, « nous avons utilisé bois certifié PEFC du Massif Central, des textiles tissés à la Tour du Pin, du béton bas-carbone... » poursuit-il.
Le chantier se poursuivra en deux temps, et transformera la partie est jusqu'à mi-mai avant d'attaquer la partie ouest jusqu'au mois de juillet, le tout sans évincer les grands événements estivaux — comme la tenue des Fêtes consulaires qui se dérouleront du 14 au 15 juin, ou encore l'installation d'un village rugby dans le cadre des demi-finales du Top 14 les 20 et 21 juin.
Toiles tendues, nerfs aussi
Toutefois, ce jeudi, la conférence de presse n'a pas reçu l'accueil escompté. Lors de cette dernière, qui s'est tenue directement sur le chantier, l'ambiance s'est vite tendue. Pierre Oliver, maire du 2e arrondissement (LR) et opposant notoire au projet, apostrophait les passants : « Vous trouvez ça beau, vous ? ». Interrogé, il fustige un « boulet du mandat » et promet de « remettre la place en l'état » s'il accède à la mairie. Un passant, plus inquiet que furieux, prophétise déjà le vandalisme, évoquant des squats à venir.
L'agitation a culminé avec l'irruption du collectif des "Défenseurs de Lyon", banderole et klaxons de sortie, dénonçant « une place historique défigurée par des bouts de tissu et un gaspillage d'argent public ». S'en est suivi une tentative d'interpellation virulente d'Audrey Hénocque par Édouard Hoffman, un candidat sans étiquette aux municipales de 2026, qui lui a reproché de n'avoir jamais souhaité le recevoir. Plus tard, les manifestants rencontrés ont assuré vouloir garder un ton pacifique, tout en exprimant leurs doutes sur la pertinence artistique et climatique du projet.
Suite à ces altercations, l'architecte Tristan Israël reste stoïque. « Les réactions autour du projet prouve qu'il suscite de l'intérêt, mais celui-ci est exprimé de façon aléatoire. Je trouve ça important d'écouter les retours Lyonnais, mais ça ne doit pas se faire dans la violence ». De son côté, Audrey Hénocque juge cet acte inadmissible, « On ne coupe pas la parole des gens. Il a été virulent, très agressif. On est dans une démocratie, il n'y a aucun problème à parler avec lui » a-t-elle martelé.