Made in Japan

par JED
Mercredi 15 novembre 2006

Expo / Le Musée d'art contemporain présente trois jeunes artistes japonais sortis de l'écurie de Takashi Murakami. Aya Takano mérite à elle seule le détour. Jean-Emmanuel Denave

Photo : Courtesy Galerie Emmanuel Perrotin, Paris / Miami

«La première fois que j'ai eu un orgasme, c'était avec une personne qui avait un pénis courbe. Nous avons parlé du fait que nous nous assemblions aussi bien», écrit Aya Takano sur l'une de ses aquarelles érotiques où les corps flottent et s'étalent à la manière des dessins érotiques de Klimt ou Schiele. L'ensemble de ces œuvres sur papier constitue une sorte de journal très intime où la Japonaise livre (par l'image et l'écrit) ses fantasmes, ses expériences, ses plaisirs et ses déconvenues, de façon à la fois crue et poétique. «J'ai senti son pénis contre moi. Il avait peut-être une érection. Un vent frais et beau a fait s'envoler mes cheveux. Le soleil était une orange d'or» : on dirait presque un haïku. D'ailleurs, dans ses grandes acryliques aux tons passés exposées sur d'autres cimaises, Aya Takano mêle volontiers tradition et pornographie, licence et vie quotidienne, innocence et perversion : de très jeunes filles filiformes aux pommettes rougies et aux grands yeux noirs prennent des postures équivoques au beau milieu d'une cuisine aménagée, se livrent à des caresses lesbiennes dans un décor traditionnel japonais, posent à moitié nues au milieu de peluches... JaponaiseriesParmi les trois artistes japonais présentés au MAC, le travail d'Aya Takano s'avère de loin le plus singulier et le plus captivant. Ses deux comparses, Mr. et Chiho Aoshima, restent quant à eux beaucoup plus proches de l'univers de leur «maître» Takashi Murakami, célèbre pour avoir entremêlé dans les années 1990 l'esthétique manga à celles du Pop'Art et de la peinture traditionnelle japonaise. Le directeur de la Kaikai Kiki (sorte de Factory à la Wharol, mais gérée comme une redoutable et fructueuse entreprise) décline notamment sous des formes diverses une tête de Mickey revisitée à la sauce manga... Les peintures aux perspectives photographiques (contre-plongées, gros plan) et les grandes sculptures hydrocéphales d'enfants signées Mr. s'inscrivent dans cette lignée néo-pop-manga japonaise mâtinée d'ambiguïtés sexuelles. Ça en jette au premier regard, tout est formidablement maîtrisé techniquement, mais devient vite ennuyeux... La maîtrise et les effets visuels sont encore plus impressionnants chez Chiho Aoshima avec ses infographies tirées sous diassec. Son univers, au premier abord féerique et clinquant, très proche du jeu vidéo et du film d'animation, est en réalité hanté par les pires cauchemars, apocalypses et déluges. Une jeune femme fend un cœur en deux d'un coup de sabre. La nature déchaîne ses tsunamis et ses tornades de feu. Un cyclone vomit un grouillement de zombies et de squelettes... D'où un étrange alliage entre le morbide et le décoratif qui là encore saisit d'emblée, puis s'essouffle rapidement.Chiho Aoshima, Mr. et Aya Takano Au Musée d'Art Contemporain, jusqu'au 31 décembre