Douze expositions qui vont marquer la rentrée artistique lyonnaise
Sélection / Ruines et fantômes, architectures poreuses et silhouettes inquiétantes : les espaces lyonnais s'ouvrent cet automne à des mondes où l'héritage dialogue avec l'effritement, où la mémoire surgit autant des falaises que des rituels. Ici, le visible se fissure pour laisser place au tremblement, là des figures oubliées reviennent hanter le présent. Entre éclats de blancheur, halos sombres et fragments d'histoires, chaque lieu se fait seuil, traversée ou vacillement.

Photo : Scénographie de l' « armée des ombres », exposition Zombis. La mort n'est pas une fin ? au musée du quai Branly - Jacques Chirac, Paris © musée du quai Branly - Jacques Chirac, photo Léo Delafontaine
Husz, haunt, hôtes
Art contemporain / Blankett, le duo formé par Juliette George et Rodrigue de Ferluc, célèbre les 30 ans de la BF15 avec un dispositif activant une mise en résonance entre archive et présent. Une gravure de 1499 montrant un atelier d'imprimeur lyonnais - où les squelettes de la danse macabre se glissent parmi les artisans - dialogue ici avec l'histoire des bouquinistes du quai de la Pêcherie. La proximité de l'espace d'art avec les boîtes qui ponctuent les bordures de la Saône devient l'occasion d'interroger la transmission et la survivance des savoirs. Les silhouettes en métal de l'extérieur résonnent ainsi dans l'exposition grâce à un meuble contemporain qui rejoue, entre copie et recommencement, une histoire reliant artisanat et édition, mémoire et héritage.

Husz, haunt, hôtes par le duo Blankett (Juliette George et Rodrigue de Ferluc)
Du 12 septembre au 7 novembre 2025 à la BF15 (Lyon 1er) ; entrée libre
Ode Caduc
Sculpture / Chez Romain Coppin, la forme n'advient qu'au prix de son effritement. Ses pièces ne se donnent pas comme des objets définis mais comme des états transitoires, où la matière conserve la mémoire de ses blessures. Si la commissaire Marian Arbre insiste à juste titre sur « la tension permanente entre la structure et sa ruine » qui traverse l'ensemble, chaque pièce articule une hypothèse d'équilibre plutôt qu'une certitude. Ce travail, nourri de restes et de rémanences, met en crise la distinction entre le construit et le détruit, rappelant que l'art n'est pas refuge mais clairvoyance : lucidité inquiète face à l'impermanence, où le visible ne cesse de vaciller entre apparition et disparition.

Ode Caduc par Romain Coppin
Du 12 septembre au 31 octobre 2025 à la galerie Tator (Lyon 7e) ; entrée libre
The most beautiful song
Mur peint et illustration / L'histoire d'amour entre Lyon et Jean-Luc Navette se poursuit, intacte, comme suspendue dans le temps. Dix ans après une première fresque - aujourd'hui disparue - le Marché Gare renouvelle l'expérience en conviant à nouveau l'artiste afin d'investir ses espaces intérieurs. Sur une paroi, surgit désormais le visage sans regard d'une femme, effigie spectrale arrachée aux canons glacés de l'american way of life des années 50. Une figure familière et pourtant inquiétante, comme un fantôme des suburbs, hantant le présent de son élégance défunte. Sa silhouette, auréolée d'une citation à la fois énigmatique et révélatrice, s'impose à la fois comme un repère visuel et présence troublante dans les abords de la salle. Pour accompagner le dévoilement de cette œuvre, d'autres murs du Marché Gare accueillent The most beautiful song, une exposition d'une trentaine de pièces de Navette : illustrations, pochettes d'albums et inédits (bientôt rassemblés dans une nouvelle publication chez Banzaï). Une plongée dans un univers peuplé d'icônes crépusculaires et de visions obscures, où se croisent le vernis impeccable des fifties et les ombres qui en fissurent l'illusion.

The most beautiful song par Jean-Luc Navette
Du 13 septembre au 19 décembre 2025 au Marché gare (Lyon 2e) ; visitable les soirs de concerts
Empreintes
Sculpture / Blancheur éclatante, puis noir saturé : la traversée s'orchestre comme une partition qui s'use au toucher. Ici, les œuvres ne se contemplent pas à distance mais se frottent à la peau, dans une proximité troublante. Chaque volume, chaque surface, devient un seuil incertain entre l'intime et le rituel, entre le soin et la perte. Fragments dispersés, gestes suspendus, voix muette de la matière, les œuvres de Prune Nourry construisent un labyrinthe sensoriel, où le verbe et la vue s'émancipent de leur performativité afin de céder la place à l'haptique - pure expérience du toucher. Brisant la distance, la main retrouve ainsi l'immédiateté tourmentée du contact, la découverte d'une connaissance procédant à tâtons, afin de réapprendre l'importance d'un corps.

Empreintes par Prune Nourry
Du 18 septembre au 2 décembre 2025 à la Fondation Bullukian (Lyon 2e) ; entrée libre
Whispering Architectures
Sculpture / Entre dessin algorithmique, impression 3D et modelage traditionnel, Raphaël Emine façonne des écrins où la céramique se confronte à l'intrusion du vivant. À travers des architectures cristallisant la jonction parfaite entre anthropique et zooïque, entre l'artefact humain et la fabrication animale, ses habitats désagrègent toute hiérarchie afin d'activer une porosité entre les deux régimes. L'œuvre devient ainsi un véritable lieu vivant, résultat d'une technique hybride pouvant s'installer dans le rassurant cadre d'un espace d'art ou dans un organique terrain naturel, à la fois projet sculptural et protocole écologique.

Whispering Architectures par Raphaël Emine
Du 19 septembre au 20 décembre 2025 au Centre d'art Madeleine Lambert (Vénissieux) ; entrée libre
Histoires personnelles / Réalités politiques
Art contemporain / Avec une centaine d'œuvres réparties sur les deux premiers niveaux du musée, Histoires personnelles / Réalités politiques met en résonance les collections d'art contemporain de Lyon et de Belgrade. L'exposition, s'articulant autour des tensions entre l'intime et le collectif, le vécu individuel et l'histoire partagée, dresse à la fois un tableau du passé récent des deux Pays ainsi que des volontés politiques inscrites au sein des collections. Les œuvres, lieux de réverbération de réalités historiques, s'interrogent sur le concept même de relation, dans une inédite interaction entre ces deux riches collections.

Histoires personnelles / Réalités politiques
Du 19 septembre 2025 au 4 janvier 2026 au Musée d'art contemporain (Lyon 6e) ; de 0 à 9€
Saturn
Hybridation médiatique / Ni fiction ni reportage, les espaces opérationnels conçus par Emmanuel Van der Auwera sont contaminés par les logiques de flux, rumeurs et croyances. Ses dispositifs filmiques et vidéographiques ne cherchent pas à délivrer un message, mais fabriquent des zones d'incertitude où l'image, épuisée, se retourne contre elle-même. Plus que suivre le chemin d'une dénonciation, l'artiste semble opter pour une perturbation dans la monstration médiatique, qu'il s'agisse d'un fait divers ou de l'anonymat menaçant des réseaux sociaux.

Saturn par Emmanuel Van der Auwera
Du 20 septembre au 29 novembre 2025 au CAP (Saint-Fons) ; entrée libre
Every entrance is an exit
Art contemporain / Cet automne, la Salle de bains se mue en théâtre d'ombres et marionnettes, rassemblées à l'instar d'un conclave discret. Des figures animales, sorties d'armoires de compagnies ou de vitrines muséales, prennent place face au public laissant résonner d'anciennes fables autant que des querelles d'aujourd'hui. Le loup, figure menaçante et menacée, rencontre Guignol dans une arène mouvante, traversée de voix, de mécanismes et d'images qui rejouent la manière dont une société fabrique ses figures de peur ou de résistance. Ni conte ni leçon, Every entrance is an exit s'annonce comme un espace suspendu où l'on observe comment des figures reléguées aux marges reviennent hanter le présent, nous rappelant que toute histoire est toujours affaire de partage et de pouvoir.

Every entrance is an exit par Gina Proenza
Du 26 septembre au 15 novembre 2025 à la Salle de bains (Lyon 1er) ; entrée libre
Intrications
Afrofuturisme / À Villeurbanne et à la Part-Dieu, Josèfa Ntjam construit des environnements saturés où se télescopent héritages occultés, fragments technologiques et voix multiples. S'opposant à la narration linéaire, son œuvre incarne une traversée discontinue, où archives, sons et formes composites s'entrechoquent pour produire des images neuves. L'installation présentée à la Biennale de Venise déployait déjà cette logique de métamorphose : explorer des profondeurs imaginaires pour faire surgir d'autres cosmologies. Entre laboratoire plastique et champ de résistance, Ntjam détourne matériaux et outils pour composer un langage ouvert, qui refuse l'autorité des récits dominants et fait émerger de nouvelles cartographies sensibles.

Intrications par Josèfa Ntjamdu
Du 3 octobre 2025 au 11 janvier 2026 à l'IAC (Villeurbanne) et du 13 septembre 2025 au 11 janvier 2026 à la station de métro Gare Part-Dieu (Lyon 3e) ; de 0 à 6€
Zombis, aux origines
Généalogie culturelle / Au musée des Confluences, le zombi s'éloigne des clichés gore pour réacquérir son épaisseur historique. Né dans le contexte de la traite et du marronnage, il dit la dépossession du corps, la servitude imposée, mais aussi la résistance des imaginaires. L'exposition instaure une dialectique entre objets rituels, récits haïtiens et images contemporaines, montrant la circulation de cette figure entre croyance, folklore et pop culture mondialisée. Ce détour par Haïti et ses héritages permet un déplacement de notre regard : ce que l'on croyait n'être qu'un monstre de série B révèle une mémoire politique et spirituelle, toujours à l'œuvre dans nos cultures visuelles.

Zombis, aux origines
Du 17 octobre 2025 au 16 août 2026 au musée des Confluences (Lyon 2e) ; de 0 à 12€
William Bouguereau et les Lyonnais. Regards croisés entre Paris et Lyon
Peinture et dessin / Défini par Charles Vendryes comme « l'un des plus renommés et des plus habiles représentants de l'école idéaliste », William Bouguereau incarne cette figure d'artiste célébré de son vivant, mais tombé dans l'ombre (du moins, en France) après sa disparition. Si près de 90 % de son œuvre a gagné les États-Unis, la redécouverte tardive de celui qui fut l'un des peintres majeurs de la Belle Époque a nourri bien des regrets, partiellement apaisés par l'ouverture d'une salle au musée d'Orsay en 2010. L'exposition offre l'occasion d'explorer des pièces méconnues, des études préparatoires rarement montrées, et de mesurer l'écho de Bouguereau dans la production lyonnaise de ses contemporains, parmi lesquels Louis Janmot, Paul Borel, Paul Chenavard, Puvis de Chavannes ou encore Paul Flandrin.

William Bouguereau et les Lyonnais. Regards croisés entre Paris et Lyon
Du 21 octobre 2025 au 21 février 2026 à la Tomaselli collection (Lyon 9e) ; de 0 à 10€
Étretat, par-delà les falaises. Courbet, Monet, Matisse
Art moderne / Retraçant la construction du mythe d'Étretat, village de pêcheurs de la côte d'Albâtre devenu au XIXᵉ siècle un haut lieu artistique, l'exposition conçue en collaboration avec le Städel Museum de Francfort-sur-le-Main, s'annonce comme un des événements majeurs de la fin de l'année. Les falaises se dressant face à la mer incarnent non pas un motif, mais l'aiguillon d'une réflexion picturale, photographique et littéraire où la lutte avec le visible se renouvelle et se dramatise. La masse des vagues affrontée par Courbet, la vibration de la lumière peinte par Monet, les aplats intenses de Matisse insufflent leur force à un parcours expositif où romantisme, impressionnisme et symbolisme dialoguent. Étretat, par-delà les falaises, ouvre aussi sur la part d'énigme et de fascination que font résonner les œuvres de Maurice Leblanc et de Guy de Maupassant, entre imaginaire romanesque et vertige des falaises.

Étretat, par-delà les falaises. Courbet, Monet, Matisse
Du 29 novembre 2025 au 1er mars 2026 au Musée des Beaux-Arts (Lyon 1er) ; de 0 à 8€