L'été 2014, une découverte extraordinaire est faite sur la toile : en Normandie sommeille le piano du compositeur français Hector Berlioz. Désormais installé dans le musée du même nom à la Côte-Saint-André, la réapparition de l'instrument est digne d'une enquête policière. Retour sur une acquisition à rebondissements.
L'histoire commence en novembre 1847 alors qu'Hector Berlioz se trouve à Londres. Sa maîtresse la cantatrice Marie Recio achète un piano Érard sous le nom de Madame Berlioz. Les coquins se marient quelques années plus tard et, au décès de la vocaliste, puis de sa mère, Berlioz hérite du piano. Avant de finir lui aussi six pieds sous terre, le compositeur prit soin de léguer l'objet à son ami et mécène Édouard Alexandre. On est alors en mars 1869.
Puis le piano se volatilise, jusqu'au fameux été 2014 durant lequel une vente sur le site internet Le Bon Coin affole le net. Une Normande souhaite se débarrasser d'un piano, dont Emmaüs ne veut pas, pour la somme de 800 euros. Mais pas folle la guêpe tout de même, elle mène une enquête et découvre qu'il s'agit du piano d'Hector Berlioz grâce au numéro de série 19972 inscrit sur les touches. Elle fait alors grimper le prix, consciente de la forte valeur patrimoniale de l'instrument, et contacte le musée Hector Berlioz à la Côte-Saint-André pour lui faire une offre. C'est alors qu'un bras de fer s'engage et qu'un comité d'experts est réuni pour valider les dires de la dame.
Tout est bien qui finit Berlioz
Chantal Spillemaecker, conservatrice au musée Hector Berlioz, consulte archives, correspondances et registres du fabricant pour attester de l'appartenance de ce piano au compositeur français. Mieux qu'une lumière noire, ces éléments deviennent des indices solides. À ce dossier déjà bien ficelé s'ajoute un portrait d'Hector Berlioz devant l'instrument réalisé par Melchior Blanchard en 1865. La preuve est faite, la conservatrice n'a plus qu'à plaider sa cause devant une commission d'acquisition. Un accord est passé à 55 000 euros comprenant la restauration de l'objet et son déplacement jusqu'au musée
Aujourd'hui installé dans le grand salon devant le fameux tableau, le piano n'est pas seulement un instrument qui peut restituer la pureté et l'intensité du son d'alors, c'est aussi le symbole de la vie musicale du XIXe siècle, un emblème de l'âge d'or de la manufacture Érard dans toute l'Europe et un témoin d'innovations techniques qui ont influencé la manière de composer la musique de tout un siècle. Oui, rien que ça, et c'est un dossier classé à découvrir au musée Hector Berlioz.