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"Ma vie de courgette" : gratin d'amour sauce résilience
Par Vincent Raymond
Publié Lundi 17 octobre 2016
Ma vie de courgette
De Claude Barras (Sui-Fr, 1h06) animation
cinéma / Avec ce portrait d'une marmaille cabossée par la vie retrouvant foi en elle-même et en son avenir, le réalisateur Claude Barras se risque sur des sentiers très escarpés qu'il parcourt pourtant avec une délicatesse infinie. Un premier long-métrage d'animation en stop motion vif et lumineux ; et un véritable un chef-d'œuvre.
Que vous soyez un enfant de 5 ou de 105 ans, accordez sans tarder un peu plus d'une heure de votre vie à cette grande œuvre qu'est Ma vie de courgette ; elle vous ouvrira davantage que des perspectives : des mondes nouveaux. Le film d'animation est de ces miracles qui redonnent confiance dans le cinéma, qui prouvent sans conteste que tout sujet, y compris le plus sensible, est susceptible d'être présenté à un jeune public sans qu'il faille abêtir les mots ni affadir le propos.
« Tout est affaire de décor » écrivait Louis Aragon en d'autres circonstances : ce film l'illustre en traitant successivement d'abandon, d'alcoolisme et de mort parentales, des maltraitances enfantines, d'énurésie (le pipi au lit), d'éveil à l'amour et à la sexualité... Un catalogue de tabous à faire pâlir le moindre professionnel de l'enfance. Des thématiques lourdes, donc, attaquées de front, sans ingénuité falote ni brutalité, amenées par le fil éraillé de l'existence des petits héros du film : Courgette et ses amis vivent dans un foyer, où ils tentent de guérir de leurs traumatismes passés. Où on les entoure de l'amour et l'attention dont ils ont été frustrés. Voilà pour le premier décor.
Dense et intense
Pourquoi est-on à ce point touchés par la vérité de ces marionnettes aux couleurs trop iréelles pour représenter la réalité, à ce point confondus par le réalisme de ce cadre épuré ? Sans doute l'image des pantins nous protège-t-elle de la crudité de l'histoire portée par les voix, criantes de vérité et lestées d'une charge psychologique que chaque âge de spectateurs sera à même de déchiffrer.
Claude Barras encapsule le scénario de Céline Sciamma (réalisatrice de, notamment, Bande de filles et de Tomboy) dans son interprétation visuelle et le prodige alchimique de la transmutation opère. Ce second décor qu'il offre à la narration ne fait pas écran : il était le seul possible et acceptable, comme une évidence.
Il en va de même pour la durée : atypique de brièveté, mais juste. Barras n'a pas succombé à la tentation d'ajouter une séquence creuse pour atteindre un format plus traditionnel. À l'instar de Philippe Faucon pour Fatima, César 2016 mérité du meilleur film, il raconte dans un temps court et dense ce qu'il a à raconter.
On attend donc de pied ferme les Oscars, où Ma vie de courgette devrait concourir (sous bannière helvétique, représentant la patrie de son réalisateur) dans la catégorie meilleur film étranger, mais surtout les César : le long-métrage mérite largement d'abord de faire recette, puis d'être la première œuvre d'animation à recevoir la récompense suprême de Film de l'année.
Ma vie de courgette
de Claude Barras (Sui.-Fr., 1h06) animation, avec les voix de Gaspard Schlatter, Sixtine Murat, Paulin Jaccoud, Michel Vuillermoz...
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