De Boris Lojkine (Fr.-Centr.-, avec avert., 1h30) avec Nina Meurisse, Fiacre Bindala, Bruno Todeschini...
Jeune photographe fascinée par l'Afrique, Camille Lepage part en indépendante couvrir les remous en Centrafrique qui déboucheront sur la guerre civile. Sans couverture, elle va plus loin que les photo-reporters de guerre professionnels. Au risque de se perdre...
C'est un double, voire un triple film que Boris Lojkine signe ici. D'abord, évidemment, un portrait de Camille Lepage (1988-2014) au cours des derniers mois de son intense existence. Le biopic d'une journaliste investie par la nécessité d'éveiller les consciences occidentales à l'imminence du drame centrafricain, mais aussi d'une jeune femme piégée par sa trop grande proximité avec son sujet. Une proximité affective se retrouvant dans sa pratique photographique, puisqu'elle cadre physiquement au plus près des événements et des gens, mais qui dénote également un manque de recul dans son approche.
Ce qui conduit à l'insoluble question éthique de la photographie de guerre : celui (ou celle) qui la réalise peut-il/doit-il rester neutre lorsqu'il témoigne d'une situation ? À côté de confrères expérimentés accrédités par les grands quotidiens se conduisant en expats hautains et désabusés pouvant partir le lendemain pour un théâtre d'opération à l'autre bout du monde, Camille possède une connaissance du terrain qui est sa force autant que sa faiblesse. La passion qu'elle place dans son sujet l'atteint quand les autres photographes ont appris à se protéger : leur appareil est un filtre dont Camille, trop pure sans doute et encore trop tendre, est dépourvue.
Et puis il y a le portrait historico-politique de la République de Centrafrique, et du sanglant massacre qui l'a affectée dans une quasi indifférence internationale. Le mort-kilomètre ayant hélas encore de beaux jours, Camille a des chances d'ouvrir les yeux à pas mal de monde, grâce aussi à Nina Meurisse interprète habitée du rôle-titre.