Photographie / En consacrant une exposition aux vélos dans les photographies de Robert Doisneau, le Fonds Glénat et l'atelier Robert Doisneau nous invitent à une amusante traversée de 60 ans de l'histoire de la petite reine à travers l'œil acéré du maître de la photographie humaniste.
Les vélos donc. Un choix qui résonne avec l'engouement actuel pour ce mode de transport mais qui peut paraître étrange tant ce moyen de locomotion n'a jamais réellement été un sujet abordé comme tel par Robert Doisneau. En effet, dans les archives, aucun des 300 regroupements thématiques réalisés par le photographe n'aborde ce thème. On y trouve le cirque, les épouvantails, le clergé, les coiffures..., mais pas les vélos... C'est donc en sélectionnant 70 clichés, parmi les 450 000 que conserve l'Atelier Robert Doisneau, que les commissaires se sont rendu compte de l'intérêt de leur projet. Car si le vélo est parfois le sujet central des images, il n'est souvent qu'un prétexte à raconter un morceau de l'histoire de France de la fin des années 1930 aux années 1990. En effet, organisé en cinq sections (de "la petite reine des dimanches et des vacances" à "la fin du vélo" en passant par "durant la guerre"), le parcours permet de porter un regard amusant (et sans prétention scientifique) sur une certaine histoire des usages du vélo.
On reste pantois devant les saisissantes photographies de lancers de tracts pendant l'occupation (le vélo permettant au Résistant de filer après son forfait), on se réjouit de voir l'organisation complètement foutraque d'un cyclo-cross dans les terrains vagues de la périphérie parisienne, on hallucine devant la marée de vélos parqués aux abords d'un vélodrome... Comme toujours chez Doisneau, figure fondamentale de la photographie humaniste, on trouve tout un tas d'images magnifiques certes, mais un poil agaçantes, par la vision un peu monolithique qu'elles donnent d'une France rigolarde et sympathique que certains souhaiteraient éternelle parce que réconfortante (c'est méconnaître les complexes réalités du monde d'alors qui, effectivement, ne transparaissent pas souvent dans ces images). Mais il serait dommage d'en rester là et de ne pas reconnaître le regard aiguisé et plein de tendresse que Doisneau sait également porter sur les banlieues des années 1980 – il n'est pas l'affreux réactionnaire nostalgique que l'on pourrait croire, bien au contraire ! Il suffit, pour s'en assurer, d'observer cette photographie d'un père qui, sous le regard bienveillant de sa fille, s'entraîne sur un vélo dans un passage souterrain, ou encore celle de ces jeunes qui font des roues arrières sur les immenses dalles caractéristiques des grands ensembles que Doisneau rend éminemment photogéniques.
Les Vélos de Doisneau jusqu'au 21 janvier au couvent Sainte-Cécile, 5€/7€