Pablo Cobo (Tropic) : « Les scènes d'apnée sont mes meilleurs souvenirs »

Tropic / Jumeaux engagés dans un programme spatial visant à l’exploration-l’exploitation des richesses extra-terrestres, la paire Lázaro et Tristán voit son équilibre rompu quand le second est victime d’un accident qui le fait muter. Riche en thématiques et en ambitions, Tropic abrite également des talents prometteurs, dont Pablo Cobo, interprète de Lázaro. Conversation à l’occasion des Rencontres du Cinéma de Gérardmer.

Quand on se trouve confronté à un tel rôle, quelles questions se pose-t-on pour être à la fois dans son personnage et dans sa relation gémellaire ?

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Pablo Cobo : C'est une question intéressante, mais que finalement je me suis très peu posée dans le sens où, dans le contexte du film, les jumeaux sont tellement différents que le but était vraiment de camper ma différence par rapport au personnage interprété par Louis Peres. Mon personnage aime son frère et il veut continuer à l’aimer, mais il ne sait plus comment. Et il ne s’interroge pas forcément sur qui il est à partir du moment où il ne sait plus qui est son frère. Cela primait sur la question de la gémellité – même si justement le fait d’être jumeau renforçait cette problématique. Après, ça pose une question de crédibilité : est-ce qu’on va être crédibles en tant que frères ? Là où j'ai eu beaucoup de chance – c’est le fruit du hasard, et surtout d’un très bon casting de la part de la directrice de la casting ainsi que d'Edouard Salier, le réalisateur –, ça a été qu'on s'est très vite entendus, très naturellement. Et tout ça a facilité mon travail.

Au début, j’avais passé le casting pour Tristán. Je pense que l'arrivée de Louis Peres a rendu des choses évidentes pour Édouard : je devais incarner Lázaro. Tout l’enjeu de ce genre de casting, c’est de trouver des gens qui fonctionnent ensemble. Ça m'étonnerait pas qu’Edouard dise qu'il a trouvé d’autres Tristán ou d’autres Lázaro potentiels mais qui ne fonctionnaient pas ensemble.

À l’écran, ça marche…

Oui, c’est vrai. On a des visages un poil différents, on n’est pas vraiment frères, on diffère physiquement…Mais dans les mêmes costumes, avec les mêmes coupes de cheveux, on a été les premiers surpris de voir à quel point ça pouvait fonctionner. C'était une plus-value pour le film – un pré-requis, même.

Le rôle est physique ; quelle préparation avez-vous dû suivre ?

En fait, j'ai été validé quatre mois à peine avant le tournage, donc on avait très peu de temps pour la transformation physique, que j’ai commencée trois mois avant. J'ai eu un coach, que je remercie d’ailleurs, qui m'a beaucoup aidé, beaucoup accompagné. J'ai eu plusieurs de séances de sport par semaine avec lui et je faisais en plus deux séances de sport chez moi – le but était d'être le plus indépendant possible pour continuer sur le tournage. Beaucoup de cardio, de la musculation, de la boxe pour pouvoir tenir les séquences de sport, les courses ou même les séquences de nage – par exemple, pour la scène où je fuis la lumière verte : on ne se rend pas compte mais le fait de faire 5-6 fois des sprints de nage comme ça à 4h du matin dans une eau assez froide, c'était physique ! Et tout ça, il fallait pouvoir l'enchaîner puis être prêt à recourir, à faire d'autres efforts physiques le lendemain… Édouard avait évidemment conscience de l'enjeu physique du film ; il fallait que je sois apte à l’encaisser.. Les scènes d’apnée sont mes meilleurs souvenirs. On n’est jamais resté six minutes sous l’eau ; en revanche, la prise est faite en une fois. Le seul "trucage", c’est que le temps est dédoublé pour donner une impression de temps plus long. Mais la durée est de presque deux minutes. Et on l’a répétée.

Tout ce travail était vraiment très intéressant: c’était la première fois que je me plongeais autant dans mon corps pour mon métier. Au-delà de mon métier, cette préparation physique a changé beaucoup de choses dans ma vie. Parce que le métier d’acteur est complexe dans sa régularité : souvent en attente, on appréhende des moments avec énormément d’activité, dans une intensité extrême – et autant qu'elle soit humaine avec les gens sur le plateau. Des moments très intenses dans l’exercice de notre métier avec un tournage comme Tropic qui s'étend sur deux mois où l’on joue énormément de choses, et puis d’un coup tout s’arrête, il faut reprendre les castings, se remettre dans cette attente que quelqu’un vous désire. Cela peut être très violent !

Le fait de faire du sport au quotidien permet de nettoyer l’âme, si je puis dire ; de rester focus, de ne pas se laisser aller à certains excès ; de faire très attention à rester dans une sorte de continuité.… 

Le fait de faire du sport au quotidien permet de nettoyer l’âme, si je puis dire ; de rester focus, de ne pas se laisser aller à certains excès ; de faire très attention à rester dans une sorte de continuité... Finalement, en tant que comédien, on ne travaille qu’avec son corps : c’est pour ça qu’on nous compare souvent à des athlètes. Alors dans ma vie privée, ma vie de tous les jours, mes proches disaient que je ne bougeais pas pareil, que j’étais plus à l’aise avec moi-même… Ça peut paraître anecdotique, mais le fait de me lever tôt pour les entraînements m’a fait me rendre compte que j'adorais le matin. Ce n’est pas que je n’étais pas matinal avant, mais ma vie me permettait d’avoir d'autres rythmes – je fais beaucoup de musique et c'est un milieu qui vit beaucoup la nuit.

Outre la gémellité, il y a un autre "dédoublement" dans le film : celui de la langue, entre le français et l’espagnol. Ce qui permet d’évoquer la présence de Marta Nieto. Quelle partenaire de jeu est-elle ?

J'avais demandé à Édouard : « Alors, pour la mère, tu as déjà des pistes, tu as déjà quelqu’un ? — moi j'aimerais bien avoir Marta Nieto. » J’avais déjà eu quelques scènes avec elle dans Madre de Rodrigo Sorogoyen ; ça avait été un honneur. L'ayant vue à l'œuvre, j’ai dit à Édouard qu’il ne pourrait jamais tomber mal en la prenant. Je lui ai bourré le chou avec elle, tellement j’avais été fasciné par cette immense actrice ! Je ne m’estime pas assez expérimenté pour dire : « Untel est un grand metteur en scène ; un tel est un grand acteur », mais elle, je l'ai vue de mes propres yeux, je l’ai ressenti dans mon corps, c'est une grande actrice…

Alors, jouer face à elle ? Il faut remettre mon personnage dans son contexte : il ne joue qu’en réaction ; sa nature est d’être extrêmement fermé, il ne fait que recevoir des chocs et de réagir à ces chocs. En même temps, ce qu’on lui demande en tant que futur astronaute, c’est de taire ses émotions et de faire passer le bien de la mission avant tout. Moi, en tant qu'acteur, être face à quelqu'un qui donne autant et autant de justesse, c’est un luxe immense. Je la remercie tous les jours ! Ça donne une vraie force au film.

C’est aussi impressionnant de la voir travailler sur la langue, puisque vous en parliez. Parce que sur Madre, elle avait travaillé en phonétique car elle ne parlait pas français à ce moment-là – sur Tropic, elle se débrouillait plutôt bien, honnêtement. Mais sur Madre, je me souviens avoir dit à un moment à un pote : « Ça se sent qu'elle ne comprend pas le français ». Et en fait, à l'écran, ça marchait extrêmement bien. quand j'ai vu le film, je me suis dit  « Bah voilà, une bonne claque dans ma gueule. » L’illusion était parfaite. Le cinéma, c'est aussi cette science de l'artifice. 

Avez-vous des projets ?

juste après Tropic, j’ai tourné dans une série réalisée par Ovidie, qui s'appelle Des gens bien ordinaires, produite par Magnéto et diffusée par Canal+. J’ai beaucoup aimé le thème : ça parle du milieu de la pornographie, mais dans un monde où les femmes auraient le pouvoir.

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