Hollywood : a voté !

Cinéma / Alors que l’Amérique s’apprête à élire son 44e Président, que les stars hollywoodiennes se mobilisent derrière Barack Obama et qu’Oliver Stone tire le portrait de George W. Bush, petit panorama des Présidents américains, réels ou fictifs, au cinéma. Christophe Chabert

Dans ce gros nanar qu’est le deuxième Benjamin Gates, le réalisateur John Turteltaub reconstitue l’assassinat du Président Lincoln. Scène fondatrice et traumatique pour la nation américaine, elle devient dans ce film au nationalisme insupportable une image d’Épinal façon Mont Rushmore. 70 ans avant cette sombre bouse, John Ford avait eu beaucoup plus d’intelligence : dans Je n’ai pas tué Lincoln, il ne s’intéressait pas à l’histoire de l’assassin, mais à celle du médecin qui l’avait soigné après sa fuite, et qui fut condamné pour complicité. Ainsi va le cinéma américain vis-à-vis de son histoire et de ses présidents : il y a ceux qui utilisent l’image pour muséifier la réalité et ceux qui choisissent de dénuder la légende à partir de ses anecdotes, questionnant ainsi la vérité derrière le mythe.

Pacte faustien
John Fitzgerald Kennedy fut lui aussi assassiné et sa mort est à l’origine du plus célèbre des films amateurs, le «film Zapruder», du nom de celui qui filmait le cortège à Dallas au moment de la balle fatale. Dès lors, c’est comme si Hollywood et la Maison-Blanche avaient signé un pacte faustien : plus les présidents sont devenus cinégéniques — jusqu’à l’élection d’un authentique acteur, Ronald Reagan — plus le cinéma se chargeait de les raconter. Le président des États-Unis et le bureau ovale n’étaient plus des sanctuaires interdits à la fiction, mais des figures que l’on visite comme on écrit un personnage de plombier dans son pavillon de banlieue. Exemple typique : au début d’X-Men 2, un président aux traits bushiens manque de se faire embrocher par un mutant diabolique ! On a même assisté à un surprenant affrontement gauche-droite sur fond d’invasion martienne entre le président d’Independance Day et celui de Mars Attacks. Chez Emmerich, il s’agit d’un républicain va-t-en-guerre et patriote (Bill Pulman, le pauvre !) ; on lui doit cette réplique hautement comique : La Guerre du Golfe, c’était si simple !. Chez Burton, au contraire, le président joué par Jack Nicholson est un démocrate dont le pacifisme assez pleutre accélère la catastrophe.

Image manquante
Revenons à JFK et Zapruder. Le film de l’assassinat est sans contre-champ : d’où vient la balle ? Qui a tiré ? Oliver Stone, dans JFK, cherche à élucider cette énigme, comme une grande analyse de film de trois heures dont les conclusions sont tirées avant la démonstration (oui, il y a complot). L’image manquante, c’est aussi celle d’un président jamais représenté à l’écran (personne n’a osé adapter le puissant American Tabloïd de James Ellroy), «intouchable» malgré son caractère romanesque. Le même Oliver Stone, avant de s’attaquer à W. Bush, avait réalisé une bio filmée de Nixon avec Anthony Hopkins dans le rôle-titre. Film magnifique, au souffle presque shakespearien, sur un personnage ambivalent que Stone n’arrive pas à condamner, Nixon reste un modèle du genre. Là encore, cela tient beaucoup à la trajectoire de ce président et à son crépuscule, qu’Alan J. Pakula avait raconté dans le magistral Les Hommes du président sur l’affaire du Watergate. Globalement, l’assassinat de Kennedy et la corruption de Nixon sont ainsi responsables du vent paranoïaque qui a soufflé sur la fiction américaine des années 70.

Présidents cathodiques

En revanche, les années Clinton s’avèreront moins fructueuses. À part un navet de Mike Nichols avec le scientologue Travolta évoquant les turpitudes du président (Primary Colors), l’époque est globalement dépolitisée. Il faudra attendre l’arrivée de George W. Bush pour que les cinéastes retrouvent l’envie d’aller fouiner dans les poubelles présidentielles. Mais pas seulement les cinéastes… Ce sont les séries télé qui ont fait la majorité du boulot. À la Maison Blanche d’Aaron Sorkin notamment, est une uchronie où un président de fiction (démocrate, donc) doit gérer des événements similaires à la réalité traversée par Bush et ses faucons. Quant à 24 heures chrono, la série aura peut-être été visionnaire, en faisant de son président un afro-américain. Personnage ultra-positif jamais entaché par la corruption qui le cerne, le président Palmer est le Obama dont Hollywood a rêvé. Le rêve deviendra-t-il réalité ?

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