Signe particulier : acteur

Théâtre / Aurélien Portehaut, comédien, se lance à 27 ans sur la scène du Rideau rouge avec À chacun sa méthode, un premier one man show en forme de mise en abyme de son propre métier, loin des scories du genre. Propos recueillis par Christophe Chabert

Petit bulletin : Quand tu as élaboré ce one man show, as-tu réfléchi avant d’écrire à ce que signifiait faire un one man show aujourd’hui ? Est-ce que ça a inspiré la trame du spectacle ?
Aurélien Portehaut : Quand j’ai décidé de faire un one, je ne me suis pas posé cette question-là. Par contre, je savais ce que je ne voulais pas que ce soit ! Pas du stand up comme on en voit, à mon goût, un peu trop ; je ne dénigre pas car c’est très dur à faire. Mais le truc genre, «bonsoir, je ne sais pas si vous avez remarqué, l’autre jour…», non ! Au début, je voulais créer un one avec un fil rouge, quelque chose qui tienne le spectacle de A à Z, mais je savais aussi que je voulais qu’il y ait des sketchs isolés. J’ai commencé à écrire et mon idée de trame est devenue plus secondaire…Une des particularités du spectacle, pourtant, c’est de ne parler que du fait d’être acteur !
C’est un sujet que je connais assez bien pour pouvoir me permettre de dire quelque chose dessus ! La seule chose que je voulais absolument faire dès le départ, c’est l’ouverture du spectacle : arriver sur scène sans être prêt. Si ça se passait vraiment, qu’est-ce que je ferais ? Comme acteur, j’aime bien avoir un minimum de temps avant pour me chauffer. Donc jouons avec ça : je me prépare devant les gens !Tu te moques de certains codes du théâtre contemporain, mais dans un registre, le spectacle comique, qui en général s’adresse à des gens qui ne vont pas voir ce théâtre-là. C’est un peu casse-cou, non ?
Je sais… Mais je ne me suis pas posé la question avant. Effectivement, il y a un public de café-théâtre et un public de théâtre. C’est peut-être anti-commercial, je ne sais pas ! Je me rends compte que ces différents types de public existent, mais c’est quelque chose qui me fait chier. Justement, pouvoir faire un truc que certaines personnes n’iraient pas forcément voir dans un théâtre classique, c’est assez excitant.Mais tu pourrais rencontrer la même incompréhension dans l’autre sens : un spectateur de théâtre te reprocherait les passages de pure comédie, le fait d’interpeller le spectateur…
J’ai envie d’aller jusqu’au bout de ça. C’est sûrement risqué commercialement : quand les programmateurs commenceront à connaître le spectacle, ils me diront peut-être qu’ils n’en veulent pas. Mais au moins j’aurai proposé quelque chose de personnel.Contrairement aux comiques d’aujourd’hui qui misent sur la tchatche, toi, tu es plutôt économe en mots. Certains sketchs relèvent même carrément du mime…
C’est lié à mes influences. Un type qui me fait hurler de rire, c’est Rowan Atkinson, et notamment le one man show qu’il avait créé avant de faire Mr Bean. Ses sketchs sont souvent très avares en paroles. Quand j’écrivais, j’ai regardé d’autres one man shows, et je me disais souvent «ça, je veux pas». Le seul qui me motivait, c’était celui-là. J’ai toujours eu une affection particulière pour les gags visuels : Pierre Richard dans Les Compères qui arrive à se prendre deux fois de suite le même poteau dans la rue, j’adore !Le passage sur Euripide est hilarant, et illustre assez bien cela : ce que tu racontes n’a aucune importance, c’est juste du son vocal !
Exactement. Ce sketch, je l’ai écrit en trois jours, juste avant la première. Et j’étais parti sur une idée inverse : un acteur sérieux qui vient faire une lecture très théâtrale. La veille, je me suis dit que ce personnage allait donner trop d’importance aux mots, et le spectateur allait avoir la tentation de suivre un minimum ce qu’il raconte. Et ce n’était pas ça que je voulais, je m’en fous d’Euripide. Le soir de la première, j’ai donc décidé de changer ce personnage, et il est littéralement né devant les gens.On ne rit pas tout le temps pendant le spectacle, mais par contre on y repense après…
J’accepte cette critique-là, et même, elle me fait plaisir. Si les gens rentrent chez eux et y repensent, je trouve ça mieux que s’ils se sont marrés tout le temps mais qu’ils oublient le lendemain les trois-quarts des vannes. Je préfère voir des gens qui ont le sourire pendant le spectacle plutôt que d’accumuler les éclats de rire. Il faut qu’il reste quelque chose après.

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