L'homme éléphant

Portrait / Petit focus sur la carrière et l’œuvre d’Adam Eliott, auteur intègre et exigeant d’un cinéma d’animation loin des mastodontes pixélisés hollywoodiens. Jérôme Dittmar

À l’heure où le cinéma d’animation se digitalise pour le pire et le meilleur, certains continuent à faire exister d’autres voix. Ils s’appellent Tim Burton, Henry Selick ou bien Nick Park et tous sont amoureux du ‘stop motion’, technique antédiluvienne consistant à filmer image par image le renouveau du théâtre de marionnettes. Adam Eliott a rejoint depuis peu la bande. Il vient d’Australie, a grandi dans les terres reculées de son pays, sa mère était coiffeuse et son père clown à la retraite reconverti dans l’élevage de crevettes. Enfant timide, il passe son temps dans sa chambre à s’inventer des mondes faits de boîtes à œufs et autres cure-pipes. De là lui vient cette affection pour un cinéma d’animation qu’il qualifie de «manuel, hors du temps, où on a le nez fourré dans les odeurs de colle, de peinture et de celluloïd». Après une adolescence révélant d’étonnants talents artistiques, il passe cinq ans à dessiner des T-Shirts avant de se décider à apprendre le cinéma d’animation. Son premier film, Uncle’(1997) est suivi de près par Cousin et Brother (1998 et 1999). Ils composeront une trilogie d’ou naîtra sa signature : une affection pour les gens ordinaires, la biographie, les constructions régentées par la voix démiurgique d’un narrateur inventant une forme de récit ‘présynchronisé’.

Beautiful losers

En 2003, Eliott obtient enfin la consécration en décrochant l’Oscar du meilleur court-métrage d’animation avec Harvey Krumpet, dans lequel il prolonge ses obsessions en racontant la vie d’un immigré polonais atteint du syndrome de Tourette. La maladie mentale et comment vivre avec sera l’un de ses thèmes principaux. Lorsqu’on lui demande d’où viennent ses influences, Eliott préfère ainsi parler du dessinateur Michael Leunig et surtout de la photographe Diane Arbus. Parce que «ses personnages vous regardent droit dans les yeux en provoquant une profonde empathie». Celle dont les dernières images étaient consacrées à des handicapés mentaux partage effectivement des points communs avec le cinéaste : vision traumatique de la condition humaine, intérêt pour les classes moyennes, composition du cadre. Mais la clé de son œuvre vient peut-être d’ailleurs, lorsqu’il finit par nous avouer son admiration pour Elephant Man : «le film a eu un tel impact sur ma vie, il y a tellement d’humanité dedans». On comprend alors mieux cette tendresse sincère et teintée d’innocence pour les marginalisés et les losers, avec lesquels Eliott s’amuse (mais jamais à leur dépend). C’est sa manière de faire, comme il dit, «des films sur tout le monde».

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