Mary et Max

Pour son premier long-métrage, Adam Eliott approfondit les thèmes et procédés narratifs de ses courts-métrages, afin de peindre avec quelques inégalités un joli conte moral et mélancolique sur la solitude. Jérôme Dittmar

L’Australie n’est pas que la contrée sauvage de Peter Weir revisitée par les romans-photos de Baz Luhrmann. Elle compte désormais dans ses rangs une star de l’animation, Adam Eliott, passant enfin au long-métrage après une solide série de courts-métrages. Le bébé, qui lui a demandé cinq ans de gestation, s’appelle donc ‘Mary et Max’. Il s’inscrit dans la lignée ouverte d’un cinéma d’animation volontiers plus mature et réactualisant les méthodes traditionnelles du ‘stop motion’. Dès les premières images du film s’impose un ton où la technique est mise au service d’un univers. Il y a une esthétique propre à Eliott, une identité visuelle forte, imposant dans chaque personnage ou décor le regard expressif de son auteur. Cette stylisation se déploie jusque dans les enjeux du scénario. Inspiré par la propre expérience d’Eliott, il raconte sur plus de vingt ans l’histoire improbable d’une correspondance épistolaire entre une fillette australienne de huit ans et un Juif new-yorkais obèse de près de quarante ans son aîné. Elle est solitaire, joufflue, brimée à l’école et vit dans une famille quasi dégénérée. Lui totalement névrosé, vieux garçon et atteint du syndrome d’Asperger. Ils sont faits pour s’entendre.

Freaks et démocratie

‘Mary et Max’ relève presque du pari. Reprenant la forme utilisée dans ses courts, Eliott emploie durant l’intégralité du film un procédé narratif consistant à bâtir l’intrigue sur une voix-off et faire de l’image une illustration du commentaire. Un choix risqué dont le film paie un peu les frais : l’emprise tyrannique du récit sur les personnages est telle qu’ils sont pleinement soumis au dispositif. Pourtant, si la chose s’avère parfois laborieuse, elle n’est pas sans cohérence et permet au film de trouver étrangement sa voie. Pensé comme une double biographie constituée d’une succession généreuse de micro scènes tragi-comiques, le récit s’adapte ainsi à la forme épistolaire. De cette composition fragmentée évoquant aussi la lecture d’un album photo, il tire sa vision dévouée à une métaphysique du quotidien. Tout se joue en effet pour Eliott dans les détails propres à la solitude d’individus banals qu’il chérit tendrement. Amoureux des laissés pour compte, il fait de Mary et Max des freaks splendides. Le pathos prend alors un air de motif pour contraster avec la grâce de leur relation les menant à s’accepter tels qu’ils sont. Si le cinéma d’Eliott peut sembler un peu autiste, il est en vérité démocratique.

Mary et Max
D’Adam Eliott (Australie, 1h32) animation.

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