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Laurent Wauquiez, une politique culturelle de plus en plus illisible

Politique Culturelle / Théâtres de la Renaissance et de Vénissieux, Bizarre!, Institut d'Art Contemporain ou encore Komplex Kapharnaum : de nouvelles structures culturelles sont visées par les baisses de subvention de la Région. Si la métropole lyonnaise est particulièrement ciblée, le tableau complet ne permet pas de comprendre quelle est la politique voulue par Laurent Wauquiez. Si ce n'est que l'art contemporain, le spectacle vivant et les écoles artistiques sont dans son collimateur.

Cette fois, la liste est complète, a priori. Et elle ne s'arrête pas aux noms déjà révélés dans les différents médias comme Tribune de Lyon et Lyon Capitale ou dans nos pages ces derniers jours. D'autres apparaissent, comme c'était craint. La Région Auvergne-Rhône-Alpes, sous l'impulsion de son président Laurent Wauquiez, a décidé de couper sèchement dans les budgets de plusieurs institutions. L'exécutif de droite a expliqué au Progrès (et l'a répété au Petit Bulletin de Grenoble) ces coupes par la volonté de ne plus attribuer de rentes mais de subventionner désormais au projet, chaque année. Ce qui, évidemment, rend difficile toute projection dans le futur, ôte toute certitude pour les actrices et acteurs du monde de la culture, met en péril toute construction solide d'un projet et d'une programmation sur la durée. On pourrait presque soupçonner Laurent Wauquiez de vouloir rendre plus docile tout un secteur qui ne lui est guère favorable, en l'obligeant à revenir chaque année se présenter au guichet...

Parmi les enseignements de cette liste de subventions qui seront votées ce vendredi 20 mai par l'exécutif régional en commission culture, ne se dégage pas de réelle ligne de conduite. On note que l'art contemporain est particulièrement visé. Les écoles et les formations aux enseignement artistiques supérieurs (une compétence confiée aux Régions par l'acte II de la décentralisation en 2004) aussi : elles perdent au total 445 000 €. Ainsi de Cinéfabrique à Lyon (moins 100 000 €), et des écoles d'art qui perdent 34 000 € à Annecy et 180 000 € à Saint-Étienne.

Les Fêtes Renaissance du Roi de l'Oiseau, au Puy-en-Velay en septembre, garderont elles l'intégralité de leur subvention de 60 000 €. Mais tout le monde n'est pas aussi bien loti, même au Puy-en-Velay, le fief du président : ainsi le festival Interfolk va perdre 1800 € (de 12 000 à 10 200 €). Le festival des Nuits de Saint-Jacques dans la même ville passe de 50 000 € à 42 500€, perdant 7500 €. Il n'y a donc pas ce favoritisme redouté en faveur des villes de droite, puisque celle-ci est tenue par un UDI, Michel Chapuis. Et qu'à l'inverse, à Lyon, certains acteurs conservent bel et bien l'intégralité de leur subvention. Ainsi du producteur de concerts Mediatone, qui conserve ses 20 000 €. Idem pour le tourneur AFX, qui reste à 15 000 €. Il n'en reste pas moins que Villeurbanne (PS) et Grenoble (EELV) sont deux villes particulièrement ciblées par les coupes. Comme Lyon (EELV). La métropole lyonnaise concentre à elle seule près de 50% des baisses.

L'art contemporain dans le viseur

Mais même à Villeurbanne, tout n'est pas si évident : ainsi le Pôle Pixel, qui n'avait jusqu'ici pas de subvention, se voit doté de 20 000 €. Les Ateliers Frappaz conservent leur subvention de 80 000 €. Les compagnies Blöffique Théâtre, Petit Travers ou encore Premier Acte ne  sont pas impactées non plus. Mais la majeure partie des institutions de la Capitale Française de la Culture 2022 sont maltraitées : ainsi de l'URDLA, qui perd 30 000 € (passant de 120 000 € à 90 000 €). De l'Institut d'Art Contemporain, qui héberge l'un des deux FRAC de la région, qui perd 50 000 € de sa subvention de fonctionnement (de 450 000 € à 400 000 €) et 100% de sa subvention d'investissement de 150 000 €. Le Centre des Musiques Traditionnelles en Rhône-Alpes perd 10 000 € (de 85 000 à 75 000 €). La compagnie de théâtre Ariadne perd 5000 € (de 55 000 à 50 000 €). Le Théâtre National Populaire perd bel et bien 150 000 €, passant de 500 000 à 350 000 €. 

Dans la métropole lyonnaise, La Machinerie à Vénissieux, qui gère le théâtre de la ville et la salle de musiques actuelles estampillée rap Bizarre! perd 50 000 €, passant de 130 000 € à 80 000 €. À Oullins, le Théâtre de la Renaissance perd 40 000 € (passant de 130 000 € à 90 000 €). La radio rock Sol FM conserve elle sa subvention de 25 000 €. Le Théâtre de Givors perd 5000 € (passant de 46 000 à 41 000 €). Côté danse, la compagnie Maguy Marin perd 10 000 €, AADN (arts numériques) 3640 €.

Clermond-Ferrand, à part le second FRAC de la région (qui perd 60 000 € en investissement, mais conserve toutefois ses 240 000 € de fonctionnement), est quasi épargnée par les coupes. 

Machine arrière pour le Musée Urbain Tony Garnier ?

Rares sont les structures à qui toute la subvention est retirée. C'est le cas de la Villa Gillet et du Musée Urbain Tony Garnier à Lyon mais aussi des Musiciens du Louvre à Grenoble où 100 000 € disparaissent. L'orchestre fondé par Marc Minkowski en 1982 avait déjà subi la première faute d'Éric Piolle, le maire EELV de la ville, lors de son premier mandat, lequel avait supprimé les 438 000€ annuels alloués dès 2014. Le nom de Grenoble avait alors disparu de son appellation. Cet orchestre s'autoproduit en très grande partie. Il est à noter que le maire LR du 2e arrondissement de Lyon, Pierre Oliver, a annoncé ce jeudi 19 mai en conseil municipal qu'après discussion avec Laurent Wauquiez, le Musée Urbain Tony Garnier conserverait finalement sa subvention de 35 000 €.

Pour en savoir plus sur les baisses opérées à Grenoble, où La Belle Électrique et la MC2 sont impactées, lire l'article que Le Petit Bulletin de Grenoble consacre au sujet, ici.

Le Petit Bulletin de Saint-Étienne a fait de même concernant la Loire. où la Cité du Design perd 180 000 € en pleine Biennale.

À Lyon, outre les coupes déjà révélées ces derniers jours, on note que la compagnie Adrien M & Claire B perd 5000 € (de 40 000 € à 35 000 €). Turak Théâtre perd 15 000 €. Les Trois-Huit 25 000 €. Nuits sonores perd bel et bien 15 000 € et Woodstower 6000 €. Le festival Les Inattendus 2250 €. Lyon BD Festival 2250 € (de 15 000 à 12 750 €). Le festival Cinémas du Sud perd 1500 €. la MAPRAA perd 54 000 €, soit là aussi 50% de son soutien. La Maison de la Danse 180 000 €. La Caravane des Cinémas d'Afrique à Sainte-Foy-les-Lyon perd 1200 €. Komplex Kapharnaum (théâtre de rue) perd 10 000 €, passant de 60 000 à 50 000 €. 

Pas de redistribution dans les territoires périphériques

Il est à noter que l'on ne perçoit pas vraiment de redistribution des richesses sur les territoires éloignés des métropoles urbaines, contrairement à ce que la vice-présidente à la Culture, Sophie Rotkopf, avait déclaré à nos confrères du Progrès. Ainsi, l'association Arts et Musiques d'Ambronay, qui gère le célèbre festival, voit sa subvention baisser de 33 000 € (passant de 310 000 à 277 000 €). Le Théâtre de Bourg-en-Bresse, qui vient d'être labellisé par l'État Scène nationale, perd 14 000 € (de 130 000 à 116 000 €). H2M, l'espace d'art contemporain de Bourg-en-Bresse perd 100% de subvention, soit 8000 €. Le festival Parfum de Jazz à Buis-les-Baronnies perd 1350 €. Le Sémaphore dans le Puy-de-Dôme perd 5000 €. À Chambéry, plusieurs structures sont impactées durement également. Même le festival Cosmojazz à Chamonix perd 3000 €. Crest Jazz Festival perd 4500 €. Le festival Cordes en Ballade, au Teil en Ardèche, perd 2250 €. 

Chambon-sur-Lignon pas épargné

Lectures sous l'arbre, événement dédié à la littérature et à la poésie française comme internationale, piloté par les éditions Cheyne au Chambon-sur-Lignon, terre de "Justes", dont la mère de Laurent Wauquiez, Éliane Wauquiez-Motte fut maire de 2008 à 2020 est un des autres festivals qui voit l'entièreté de ses subventions de la Région disparaitre : moins 9000 €.

Fait notable, le festival Printemps de Pérouges voit lui sa subvention augmenter de 27 000 €, passant de 18 000 à 45 000 €. Jazz à Vienne n'est pas impacté et conserve ses 150 000 €, subvention qui avait été augmentée à l'arrivée de Laurent Wauquiez aux commandes de la Région. Mais ils sont bien les seuls car côté festivals, beaucoup sont visés : 1 189 000€ au total sont supprimés à ces événements fédérateurs. À Grenoble, Détours de Babel perd ainsi 60 000 €, le Festival Berlioz 22 500 €.

L'ARALD (Association Agence Auvergne-Rhône-Alpes livre et lecture) n'est pas impactée et conserve 444 000 € de subvention. Toujours côté livres, l'association Chez Mon Libraire qui regroupe 170 librairies de la région passe de 0 à 80 000 €. Alors que la Villa Gillet et plusieurs salons ou festivals ont une subvention qui diminue. Difficile de comprendre quelque chose à la politique autour du livre voulue par la Région. 

Festivals et spectacle vivant à la diète

Si les arts plastiques perdent au total 364 000 €, c'est surtout le secteur du spectacle vivant qui est le plus durement touché, accusant une perte sèche de 1 309 000 € sur l'ensemble de la Région — aucun territoire n'est épargné. 

L'ensemble de ces baisses de subvention va fortement fragiliser un secteur culturel déjà malade — les salles de spectacles n'ont pas retrouvé leur fréquentation d'avant Covid (on parle d'une baisse de 30% environ). De plus, l'effet domino est à craindre : prestataires, communicants, médias vont être mécaniquement touchés par contrecoup. Ce sont aussi de nombreux emplois qui sont mis en péril, pas seulement ceux des artistes, mais des techniciens, des administratifs.

Ce jeudi 19 mai, le cabinet de Laurent Wauquiez, contacté par Le Petit Bulletin Grenoble, a répondu que « les institutions culturelles des grandes métropoles mobilisent aujourd'hui une part importante du budget régional. Il ne s'agit pas de porter un jugement de valeur sur les actions qui sont aujourd'hui menées, mais de passer d'un financement de la rente, sans aucune marge de manœuvre, à un financement de projets. Il n'y a pas de rentes. Il y a des projets. C'est la raison pour laquelle il sera proposé un dispositif basé sur des appels à projet à rayonnement régional. Le rééquilibrage s'opérera en fonction des actions qui seront effectivement proposées dans les territoires. »

Et de souligner que « la région Auvergne-Rhône-Alpes porte la plus grande estime aux acteurs du monde culturel. Elle a toujours été à leurs côtés, notamment dans les périodes difficiles que nous venons de traverser. Encore une fois, il ne s'agit pas de dégrader la qualité de nos institutions mais d'évoluer, collectivement, sur un mode d'intervention qui prend davantage en compte la dimension régionale et qui permet d'irriguer l'ensemble du territoire. »

Sur l'ensemble des 313 structures culturelles examinées ce vendredi, alors qu'en 2021, les subventions votées représentaient un montant de 21 379 698 €, en 2022 pour ces mêmes structures le montant est de 17 594 665 €. Soit une baisse de 17, 7%. Où vont être réutilisés ces 3, 5 M€ ? Mystère.

 

 

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