Chez Mado, des pains et des panettones

Boulangerie / Du côté de Saxe-Gambetta, une boulangerie engagée, immanquable, avec sa jolie devanture verte comme une rainette, aux lettres peintes qui expriment la stupéfaction : Mado(nna mia). 

On était venu chez Mado en (se) demandant s’il n'y aurait pas une mode de la boulange : les confinements, quand chacun fit son pain, et maintenant les désertions, les reconvertis qui mettent la main à la pâte. Charlotte Coing, ça ne lui a pas plu : « non, non, notre projet on le mûrit depuis tellement d’années ». Depuis qu’elle a rencontré, elle qui était prof’ de Français, Jacopo Bertola, qui était photographe : c'était en Argentine, il y a huit ans. Entre temps ils ont voyagé, lui a gagné sa vie comme pizzaïolo — à Lyon notamment à la Boîte Noire.

Mais comme c’est du pain qu’il voulait faire, il a fini chez Paume de Pain, une boulangerie du Plateau qui fait juste deux miches, avec ou sans graines, et des kouglofs aussi. Jacopo c’est plutôt les panettones qu’il aime, il faut dire que sa famille vient de Brescia, où sa grand-mère tenait un restaurant, c'est en Lombardie, patrie de cette pâtisserie. Ou plutôt de ce pain de luxe (de tono), une brioche qui héberge des fruits secs et qu’on aime à Noël.

Quand on est passé chez Mado, Jacopo travaillait le panettone justement, à base d’une farine de force, une farine pour pizza, dans lequel il avait déjà ajouté beaucoup de beurre et qu’il continuait de malaxer en introduisant les œufs, petit à petit, parce qu’explique-t-il, il y a un tel taux de matière grasse par rapport à la farine qu’il faut y aller mollo. Normalement dans le panetonne on trouve un bon cinquième de raisins secs et d’écorces d’agrumes confits. Mais chez Mado on est soucieux de la provenance des ingrédients : la farine vient principalement de l’Ain, les fruits et légumes de la Drôme. Or, les raisins sultanine dans la région c'est introuvable — on préfère visiblement faire du vin. Qu’à cela ne tienne, Jacopo se rattrape avec des citrons, des cédrats et bergamotes, toutes corses, à partir desquels il a fait une pâte, et puis les oranges de Sicile, dont il utilise les écorces. On n’a pas eu la chance de goûter ces panetonnes, il semble qu’il faille trois jours entiers pour les faire lever, grâce à un levain bien particulier, que Jacopo a ramené de son village natal. 

Un pain politique

Alors on s’est rattrapé avec les brioches (faites du même levain), avec les focaccias, ce jour-là aux pleurottes, et avec le pain, bien sûr. Mado, sur des affichées sérigraphiées s’engage « à faire du bon pain, plus sain, respectueux de l’environnement », un pain politique en somme. Un qualificatif emprunté au titre d’un ouvrage (écrit par des paysans et des meuniers), Notre pain est politique, qui retrace « la réalité de la production industrielle actuelle et ses conséquences désastreuses au niveau social, économique, environnemental et sanitaire ».

Concrètement ? Pour son pain au levain, Jacopo essaye de faire de la place à des farines de blés issus de semences paysannes, c’est-à-dire non sélectionnées, qui poussent dans la ferme agroécologique Le Bouchet . « Le paysan, dans un tel champ, peut avoir plusieurs dizaines de variétés différentes, il ne connaît pas la typologie de son blé, et cette population parce qu’elle est vivante peut changer d’une année sur l’autre ». Sur un pain fait de ces farines, « je suis obligé de réduire ma marge, parce que faire un pain à 10€ le kilo ça n’a pas d’intérêt, je vais en vendre peu et au final ça ne va pas aider le producteur ».

Ces farines ont un inconvénient qui est ici retourné en avantage : elles nécessitent plus d’attention lors de la panification, qui déjà réclame de s’adapter constamment au taux d’humidité, à la température, au levain, et donc à la farine : « quand on reçoit une nouvelle mouture d’un blé paysan, il faut essayer un ou deux sacs avant de trouver la bonne manière de l’aborder. Ce n’est pas stable, parce que c’est vivant ! » 

Boulangerie Mado
26 rue de la Thibaudière, Lyon 7e

Pain complet : 7, 20€ le kilo
Ouvert du mardi au samedi de 8h à 13h30 et de 16h à 19h

Notre pain est politique. Les blés paysans face à l’industrie boulangère (Éditions de la Dernière Lettre)

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