Salle de concert / La Rayonne, salle de concert située à l'Autre Soie et ayant pour seul actionnaire le CCO de Villeurbanne fêtera bientôt ses un an. L'occasion de faire le point sur son évolution avec sa programmatrice, Bérengère Allegret.
Pouvez-vous rappeler les prémices du projet ?
Bérengère Allegret : Il y a une dizaine d'années, le CCO a appris qu'il allait perdre leur ancien lieu, le hall Jean-Pierre Lachaize. Le groupe a souhaité poursuivre le développement de la vie sociale, associative et culturelle des quartiers proches dans un lieu pérenne. L'équipe a été mise en lien avec le projet qui était en train de se monter à l'Autre Soie, porté par des acteurs sociaux du territoire : des bailleurs sociaux (Rhône-Saône Habitat, Est Métropole Habitat), l'association Alynea (en charge du Samu social) et la fondation Aralis. Ensemble, ils ont monté une entité en SAS, et ont installé le nouveau CCO de Villeurbanne. Puis, Rhône-Saône Habitat a construit la salle de concert juste à côté, et pour exploiter cette salle, ils ont monté une SASU dont le CCO de Villeurbanne est le seul actionnaire, c'est La Rayonne. L'idée motrice de ce projet était que le CCO ne puisse plus jamais se faire "virer" d'un lieu.
Des dettes ont été contractées par le CCO de Villeurbanne, il y avait donc une exigence de rentabilité sur cette première année.
Le bâtiment appartient à 60% au CCO et à 40% à la Banque des territoires. C'est plus comme un prêt immobilier, qu'il faut effectivement rembourser.
Il est encore un peu difficile de dire comment on s'en sort, c'est quand même un pari de la part du CCO de Villeurbanne d'être propriétaire d'un bâtiment alors que souvent ce sont des villes qui prêtent des salles en délégation de service public. Nous n'avons touché aucune subvention, à part pour Sensitive abstraction, un projet ponctuel.
Même s'il reste des incertitudes, notre fréquentation est très bonne, on a touché de nombreux publics, et ce, dès notre premier mois. On a été les premiers surpris.
Quelles sont vos relations avec les habitantes et habitants du quartier ?
Le CCO a occupé le parc chaque été pendant trois ans avant de s'installer, avec différentes associations. Les équipes de terrain étaient présentes, notamment notre médiatrice culturelle, notre médiatrice informatique, qui connaissaient déjà bien les voisins ainsi que le centre social.
À La Rayonne, on a parfois mis du temps à rencontrer les gens du quartier. Il y a eu des événements où ils sont venus en nombre, notamment la soirée Plavace car c'était gratuit. Depuis peu, on a aussi sanctuarisé une dizaine de places gratuites pour chaque concert, disponibles à la maison de quartier.
Quel était l'enjeu le plus important pour ce nouveau lieu ?
Il a fallu montrer que la Rayonne était une salle professionnelle. Le CCO était punk, tout le monde pouvait faire sa soirée dedans, ce n'était pas cher, c'était la grande liberté. Ça a permis beaucoup de choses, mais de ce fait, la salle n'était pas identifiée par les grosses tournées.
Il a fallu penser la communication, les stratégies à destination de chaque public. Comment toucher les fans de metal, de techno, de rap, les jeunes et les moins jeunes... On a fait appel à un influenceur rap par exemple, Playlistor qui présente beaucoup d'artistes sur Tiktok. On lui a demandé d'annoncer quelques noms de notre programmation, ceux qu'il souhaitait. Ensuite il venait aux concerts et réalisait des vidéos.
On a aussi organisé une soirée-rencontre avec les twitcheurs de Zawa prod et Raphaël Arnault [député LFI ndlr] suivi d'une soirée avec des DJ sets. Sur place on était 1000, notre jauge maximale, mais sur Twitch, 60 000 personnes ont suivi le live. Tout ça participe à nous faire connaître, à imposer notre salle dans l'histoire des musiques actuelles.
Il y a un an, vous avez dit au Petit Bulletin : « Le CCO a un prêt à rembourser une jauge à mille places, notre objectif premier est de remplir la salle ». Pourtant, vous avez proposé des soirées gratuites comme la Collect party avec la Halte des femmes, Les rencontres des arts participatifs, la soirée Plavace...
Notre modèle économique est effectivement de programmer majoritairement des "grosses soirées" et on fait de temps en temps des pas de côté, pas assez à mon goût. J'aimerais qu'on programme plus souvent de l'action sociale ainsi que des soirées gratuites.
Je suis très contente des soirées rap organisées par Plavace. J'apprécie le format nuits, ce qui me frustre c'est qu'il s'adresse souvent à un public techno, trance ou dub. Là, on a un public complètement différent, des jeunes hyper enthousiastes, respectueux, beaucoup moins difficile que ne peut l'être un public rompu aux musiques électroniques par exemple.
Diriez-vous que La Rayonne est une salle de concert engagée ?
On n'est pas non plus un lieu autogéré, mais on reste fermes sur un certain nombre de questions, ça vient de l'histoire du CCO. On n'a pas cessé d'accueillir l'Antifa festival, le Réveillon des luttes, de penser des nouveaux formats pour créer des espaces d'échanges, de réflexion. Ça fait 60 ans que c'est comme ça, ce n'est pas maintenant — alors que l'extrême-droite est aux portes du pouvoir — qu'on va changer.
Un an de la Rayonne
Vendredi 11 octobre à La Rayonne (Villeurbanne) ; préventes de 8 à 15€