Théâtre / À 32 ans, Élodie Guibert, revient aux Clochards célestes avec sa toute nouvelle création "7 rue des Alouettes", une exploration de la solitude qu'elle promet légère. Retour sur le parcours de cette metteuse en scène que l'on suit depuis sa sortie du Conservatoire de théâtre de Lyon en 2016.
Quand elle se présente son projet de fin d'étude au théâtre de l'Élysée en mai 2016, Élodie Guibert est entourée d'Antoine Mazauric, Marine Behar, Romain Blanchard et Savannah Rol qu'on retrouve toutes et tous au générique de 7 rue des Alouettes, créée le 20 novembre dernier à la Comédie de Saint-Étienne pour le festival Court-circuit. Il y a huit ans, elle avait rallié ses camarades de promo à l'écriture tranchante et sombre du britannique Dennis Kelly et de sa pièce de Occupe-toi du bébé dans laquelle une jeune femme était jugée irresponsable d'un double infanticide. Du Ken Loach sur les planches, sans salut. Elle tourne ce spectacle quelques années plus tard sous le titre original Taking care of baby.
Parallèlement, plusieurs projets s'entrecroisent : celui-ci donc mais aussi deux Molière instigués par Johan Boutin (un autre camarade de promo) qu'elle met ou co-met en scène : Monsieur de Pourceaugnac et Le Misanthrope. Ce dernier projet l'amuse plus qu'elle ne l'aurait pensé car « c'est la même bande d'acteurs, en intérieur et en extérieur, dans des lieux dédiés au théâtre ou pas ».
En 2017, elle crée le collectif Les Sillonneuses (avec Lucile Marianne et Pauline Drach) pour jouer en rue. D'abord Touffe de spleen puis, l'an dernier, Touffe d'errance. Mais surtout, elle écrit sans qu'il n'y est véritablement de récit. Avec sa compagnie Tumulte, qu'elle fonde en 2019, elle lance Le Tumulte grondant de la mer. Au plateau, sa troupe passe au travers d'une armoire vide, sorte de sas entre deux mondes, le réel et les fantasmes. Cette pièce est une base de lancement à 7 rue des Alouettes.
« Qu'est-ce que ça veut dire être seul ? »
Pour parler de ce nouveau travail, Élodie Guibert déroule son enfance. À 3 ans, elle quitte la brasserie-bar parisienne qui lui tient lieu de crèche et s'installe avec ses parents en Normandie où ils tiennent le même type d'établissement : « j'ai commencé à être très curieuse, à regarder beaucoup les gens, poser des questions sur les clients à mes parents. Il y avait beaucoup de mystère autour de ces personnes seules qui venaient parfois plusieurs fois par jour. J'étais en empathie avec eux ». C'est de là que lui vient l'envie d'écrire sur le sujet. Elle s'aperçoit, en questionnant son entourage, que « la solitude, quand elle n'est pas subie, peut être positive ».
Cinq personnages sont au plateau avec cette fois-ci un cadre fictionnel plus fixe que dans la pièce précédente : ils et elles – intérimaire, soignante en gériatrie, ado en échec scolaire... – se rencontrent via un dispositif mis en place par l'État : "TUCS" pour "Tous unis contre la solitude" dans une maison de quartier mise à l'honneur par le choix de ce titre, une adresse : 7 rue des Alouettes. « Leur pudeur est mise à l'honneur car, en travaillant, je me suis rendu compte que je les faisais trop parler – un réflexe de gens de théâtre – et ce n'était pas très crédible alors je fais attention aux petits gestes et aux regards et je fais en sorte que ce soit assez drôle sans que, bien sûr, on ne rit d'eux ».
Cette admiratrice des metteurs en scène de théâtre majeurs tels que Nathalie Béasse et Alexander Zeldin, sismographes des comportements humains, se définit toujours comme comédienne. Non seulement car elle joue encore parfois pour d'autres mais aussi et surtout parce que, dit-elle, « je me mets au-devant l'acteur. Ce qui m'intéresse la plus dans mon métier, c'est la direction d'acteur. J'adore les regarder, m'amuser avec eux, leur donner des retours. J'aime quand ça commence à bouger. C'est pour ça que j'adore le théâtre, c'est de l'art vivant dans les détails, dans l'écoute du public. C'est chaque fois différent au plateau, tout y est tellement fragile et décuplé. J'aime prendre soin de ça et je le fais comme si j'étais au plateau. Je porte l'attention d'une comédienne à la mise en scène que je fais » résume-t-elle joliment.
7 rue des Alouettes
Du 3 au 8 décembre aux Clochards célestes (Lyon 1er) ; 11 à 14€