Art contemporain / L'exposition collective "In the hours between dawns" (entre deux aubes en français) aborde des thématiques pas toujours très gaies (violence, exploitation, domination, souffrance...) mais à travers des œuvres sensibles, résistantes, inventives et douces... Le tout sous l'égide de la poétesse et guerrière Audre Lorde.
« Autant de clitoris joyeux sur le dancefloor... » C'est littéralement en ces termes que l'artiste Benoît Piéron (né en 1983 et vivant à Paris) parle des mini projecteurs disco qu'il a placés au-devant de ses "Strap-on". Des assemblages aussi drôles que délicats (culottes ou harnais placés sur des mannequins tronqués, et faits de draps d'hôpitaux), évoquant aussi bien la maladie que l'érotisme dans une atmosphère aux tons pastel et caressants. Ces clitoris joyeux se révèlent même sensibles à nos paroles et y réagissent par différents éclats...
On ne pouvait sans doute trouver introduction plus incongrue et accueillante à une exposition qui, de manière plus générale, se propose, selon les mots de sa commissaire Sarah Caillet, « de visiter ces espaces-temps peuplés par les corps et pensées qui se tiennent dans la pénombre d'un devenir incertain... ». C'est-à-dire de corps et de pensées « minoritaires », bien souvent « dominés », qui, ici dans les œuvres exposées, trouvent des gestes poétiques, résistants, émancipants. L'esprit de l'exposition s'appuie sur l'œuvre de l'écrivaine américaine Audre Lorde (1934-1992) qui se définissait comme « poète, noire, féministe, lesbienne, mère, guerrière, professeure et survivante du cancer ».

Corps, danses
L'exposition qui réunit onze artistes ou duos d'artistes propose un parcours particulièrement « zen » aux propositions plastiques très différentes. On y découvre, par exemple, le clip survitaminé et ironique de la philippine Eisa Jocson qui met en scène un trio dans une esthétique de K-Pop pour mieux dénoncer violence, corruption, aliénation au travail... Ou, dans un tout autre genre, les sculptures métalliques tranchantes et menaçantes de Tarek Lakhrissi, ou le salon-installation de Laurie Charles qui dispose des organes en tissus et en mousse (poumons, cœur, intestins...) sur un canapé et des fauteuils...
On voit dans cette exposition beaucoup de vidéos ou d'installations vidéo, dont la plus impressionnante reste pour nous celle de Pauline Boudry & Renate Lorenz : des danseurs surgissent d'une scène indéterminée et obscure (celle d'un lieu de drague queer, d'un club déserté, d'un sous-sol ?), pour s'y mouvoir parmi des éclats de lumière et des halos de fumigènes. L'autre grande œuvre de l'exposition est l'installation de la kényane Phoebe Boswell, Mutumia : nous y sommes immergés au milieu d'une « forêt » de corps féminins dessinés et animés, en constante métamorphose ou changements d'expression. « Tout au long de l'histoire, écrit l'artiste, il y a eu des moments où les femmes ont utilisé leur corps dans des actes directs de protestation et de résistance, dans des situations où elles n'étaient pas autorisées à utiliser leur voix. Mutumia est un hommage à ces femmes ».
In the hours between dawns,
Jusqu'au 13 avril à l'Institut d'Art Contemporain (Villeurbanne) ; de 0 à 6 €