Art contemporain / La Galerie Ceysson & Bénétière nous fait découvrir un pan méconnu de l'œuvre de Claude Viallat : ses assemblages d'objets bricolés, comme un retour aux sources de la création artistique.
En 1966, à trente ans, Claude Viallat invente un procédé de peinture dont il ne se séparera pas : une forme quasi rectangulaire (comme une sorte d'osselet aplati) qu'il peint de manière répétitive sur toutes sortes de surfaces sans châssis (de la toile classique à la bâche militaire, en passant par différents textiles, planches de bois, etc.). Ce motif obsessionnel lui permet de se dégager de tout expressionnisme et de (presque) toute subjectivité, pour travailler la couleur et les éléments les plus fondamentaux de la peinture. Claude Viallat fit partie au début des années 1970 du groupe Supports-surfaces (avec Vincent Bioulès, Daniel Dezeuze, Louis Cane...), groupe dont le mantra était : « l'objet de la peinture, c'est la peinture elle-même, et les tableaux exposés ne se rapportent qu'à eux-mêmes ». Exit donc, comme chez les minimalistes américains : la narration, le pathos, la représentation... Sans être véritablement fan de Viallat, nous avons toujours été admiratifs de sa persévérance au long cours et du fait ne rien avoir lâché sur ses principes de base : son « empreinte » traverse toute sa carrière, comme le noir celle de Soulages, les bandes verticales celle de Buren, ou le blanc et le décompte du temps celle de Roman Opałka.
Viallat et son double
En répétant un même motif, les œuvres de Viallat flirtent toujours avec le décoratif et l'idée de papier peint ! Mais comme le précise Didier Semin, en insistant sur le fait que la forme Viallat est peinte à la main, « Tout se passe comme si Claude Viallat s'était toujours efforcé de remonter en amont du décoratif, vers un modèle de la peinture qui serait antérieur, plus primitif si l'on veut, ou même primaire et trivial. Ce modèle existe : c'est celui de l'empreinte. L'empreinte est le produit de gestes simples, immédiats : empreintes de pas sur le sable, empreintes digitales, cannelures sur les pâtisseries, buée sur la vitre, tampon sur un passeport, et jusqu'aux draps froissés du matin... » L'historien de l'art rappelle la fascination de Viallat pour l'art pariétal, les empreintes préhistoriques des mains négatives... Et l'on comprend mieux alors une autre pratique moins connue de Viallat et qui fait l'objet de son exposition à la galerie Ceysson & Bénétière : l'assemblage de matériaux pauvres et bruts, de bric-à-brac récupéré ici et là. C'est le retour, là aussi, à une manière primaire de la création : l'artisanat archaïque, l'objet rituel, le montage chamanique. La galerie présente une grande quantité d'objets, accrochés aux cimaises ou mis en espace, qui évoquent une atmosphère de peuplade archaïque ou d'art pauvre. Certains datent des années 1980, d'autres de 2024 ou 2025, et tous montrent tout un pan méconnu de l'œuvre de l'artiste.
Claude Viallat, Item, jusqu'au 24 mai à la Galerie Ceysson & Bénétière (Lyon 1er) ; entrée libre
