Kids / L'association d'autrices et d'auteurs de bandes dessinées lyonnais L'Épicerie séquentielle lance un financement participatif pour Rue des gones, un trimestriel pour enfant qui devrait voir le jour à l'automne prochain. Rencontre avec deux de ses autrices, Marianne Tesseraud et Tam Jouvray.
Le Petit Bulletin : Pouvez-vous nous rappeler l'avènement de l'Épicerie séquentielle et de sa publication phare, Les Rues de Lyon ?
Tam Jouvray : L'association a vu le jour en 2004 avec une vingtaine d'adhérents, partant du constat que le métier d'artiste de BD était très solitaire, trop solitaire. On a participé à la création du Lyon BD festival, et, plus tard, deux personnes du collectif, Olivier Jouvray et Virginie Ollagnier, ont participé à la création de La Revue dessinée. Ils ont rapidement eu l'idée de créer quelque chose de similaire au niveau local, valorisant l'histoire de Lyon avec précision, gardant en tête l'exigence d'une rémunération juste pour les artistes tout en restant accessibles. En signant avec la plupart des maisons d'édition, les artistes de bandes dessinées touchent 6 à 12% de chaque vente, et encore, 12% c'est plutôt rare. À l'Épicerie séquentielle, un tiers de chaque vente (chaque numéro est vendu 3€) va à l'association, pour les frais de fonctionnement, un autre tiers va aux libraires et le dernier tiers est destiné aux artistes.
Les Rues de Lyon a vu le jour en 2015, à la suite d'un financement participatif. On a sorti les huit premiers numéros d'une traite, et on les a vendus au Lyon BD festival : ça a très bien marché, on a été très bien accueillis, et ça fonctionne toujours très bien aujourd'hui. L'année dernière, on a lancé Rue des sciences, une revue annuelle, très dense, qui revisite la recherche scientifique lyonnaise en BD. Aujourd'hui, on doit être autour de 85 adhérents, ça varie beaucoup et on pense beaucoup notre organisation collective : personne n'enguirlande jamais personne, on essaye de créer une démocratie horizontale.
LPB : Pourquoi avoir voulu lancer Rue des gones ?
Marianne Tesseraud : L'idée était là depuis longtemps. Notre enjeu est d'expliquer le fonctionnement de la ville de Lyon aux plus jeunes, de leur permettre de comprendre leur espace quotidien, de l'apprivoiser autrement. Quand on est petit, c'est la période des « pourquoi ? », une BD documentaire est un bon outil pour répondre et aiguiser la curiosité des enfants.
TJ : Il y a énormément de BD de fiction pour enfants, qui empruntent toujours la voie d'un apprentissage léger, il existe moins de BD documentaires pour enfants. Il faut d'ailleurs trouver le ton juste, ne pas se placer en éducateur, mais ne pas non plus transformer Rue des gones en pur divertissement. On est passés de 50 à 85 adhérents en quelques années, c'était le moment de se lancer de nouveaux défis !

LPB : Comment avez-vous défini le format ?
MT : On a choisi un format original, celui d'un journal un peu "à l'ancienne" qui s'ouvre comme une bande dessinée et qui se déplie pour devenir un grand poster. Le contraste était intéressant : des enfants qui lisent un journal au format un peu désuet.
TJ : Le papier était très important pour nous, on est intéressé(e)s par le retour haptique, le toucher. Une des membres de l'association a étudié précisément les formats, les papiers, ça nous a aidé(e)s à faire un choix éclairé : on a sélectionné un papier très légèrement jaune, au retour légèrement granuleux mais pas trop. Et surtout, solide ! Nous nous occupons nous-mêmes de la distribution, et le papier n'est pas forcément emballé, il fallait qu'il ne s'abîme pas. Ce format nous permet d'inclure un poster par numéro. Auquel s'ajoute aussi un Papertoy, pour le côté ludique.
MT : Plein de jouets à collectionner ou à refaire ! Le premier sera un camion de la poste – sans le logo car on n'a pas les droits – ensuite un petit métro, puis un insecte... On est ambitieuses ! (rires).
LPB : Quelle en sera la ligne éditoriale ?
MT : Magazine Georges, J'aime lire... On a récupéré beaucoup de presse pour enfants pour nous en inspirer, comprendre quel ton adopter. Puis on a défini les duos qui seront aux manettes de chaque numéro. Tam participera au deuxième, au scénario et je participerai au troisième, au scénario et au dessin. Le premier numéro abordera la poste, l'histoire de ce métier un peu oublié, qui remplaçait les mails il y a peu. Le second sera sur les métros : on se penchera sur leur histoire et leur fonctionnement, à l'heure du pilotage automatique sans conducteur. Le troisième, celui du printemps, évoquera la biodiversité et les insectes à Lyon. Celui de l'été sera un peu plus léger, on évoquera l'été en ville, les lieux à visiter, il y aura peut-être de la fiction.

LPB : Quel est le modèle économique de Rue des gones ?
TJ : L'objectif de la cagnotte est de 9 000€. Aujourd'hui, on se concentre sur la communication pour atteindre cette somme et imprimer les quatre premiers numéros. Cela nous fera une bonne base d'envoi pour lancer la machine, c'est un peu le coup de pouce de départ. Avec l'inflation, on va sans doute devoir un peu augmenter le prix des Rues de Lyon [pour l'instant 3€ par numéro ndlr], alors on a préféré mettre le prix de base de Rue des gones à 5€.
Cette fois-ci, on mise plutôt sur de l'abonnement et de l'envoi à domicile ainsi que sur de la vente en festival plutôt que de la disponibilité en librairie. C'est moins rentable et plus compliqué pour nous de nous organiser car peu de librairies acceptent de faire de l'achat ferme.
Un premier retrait en main propre pourra être fait fin juin, date de clôture du financement participatif. On a prévu d'organiser une après-midi festive, avec – entre autres – des ateliers pour enfants au Collège graphique.
Cagnotte à retrouver en tapant Rue des gones sur le site Helloasso