The Limits of control
Caprice arty ou suicide commercial, le nouveau Jim Jarmusch laisse tomber intrigue et enjeux pour une narration poétique faite d'associations libres, de temps suspendu et d'espaces désertés. Difficile donc, mais pas sans charme.Christophe Chabert

Jarmusch établit une logique de la répétition poussée à l'extrême : échanges de boîte d'allumettes (rouge contre bleue, bleue contre rouge) avec un message à l'intérieur qu'il faut avaler après lecture ; conversations commençant toujours par la même phrase («Vous ne parlez pas espagnol, n'est-ce pas ?») où l'on entend systématiquement une question commençant par «Vous ne seriez pas intéressés par...» ; les exercices entre yoga et arts martiaux de Bankolé... De fait, The Limits of control ne possède aucune intrigue, et sa narration obéit à une logique de rêve éveillé et de poésie cinématographique qui agacera sûrement, mais qui possède aussi un charme réel. En élaborant un monde suspendu et fantomatique (le temps se dilate, les villes sont froides, les villages sont déserts) qu'il filme en plasticien esthète, le cinéaste semble viser très haut : quelque part du côté de Godard (rien que ça...), première et dernière manières fusionnées. Et ce jusqu'au double titre du film : The Limits of control au début, mais No limits, no control à la fin. Avec cette variation sur l'art et l'imaginaire, Jarmusch se pose en cinéaste libre et sans barrière. Le risque est celui d'un certain autisme ; l'atout, celui d'un plaisir certain à se perdre dans son labyrinthe.The Limits of control
De Jim Jarmusch (Espagne, 1h55) avec Isaach de Bankolé, Tilda Swinton, Paz de la Huerta...