L'avènement de l'adoption par le couple non marié
La nouveauté concernant l'adoption a été de tenir compte des nouveaux modes de conjugalité pour ouvrir l'adoption aux couples non mariés liés par un pacte civil de solidarité et aux concubins notoires, alors qu'avant ce texte, seuls les couples mariés ou les célibataires pouvaient adopter. Jusque-là , l'adoption en couple ou l'adoption de l'enfant de l'autre membre du couple était réservée aux couples mariés.
En 2018, les juges français ont prononcé l'adoption de 12 500 personnes. Pour les adoptions simples qui maintiennent le lien avec la famille d'origine et additionnent un nouveau parent, 98 % étaient intrafamiliales. Pour les adoptions plénières (27 % des adoptions), près de 60 % des adoptés l'étaient aussi par le conjoint de leur parent contre 6 % en 2007, ce qui prouve que la famille recomposée est de plus en plus souvent une réussite sociologique qui se prolonge par une recomposition juridique. Cependant, jusqu'à la loi de 2022, il fallait nécessairement être marié pour adopter l'enfant du conjoint. Seul l'époux, « conjoint de droit », se voyait reconnaître cette faculté de devenir parent adoptif de son bel-enfant et de partager l'autorité parentale avec le parent, tout en faisant du bel-enfant « son enfant ». Au contraire, l'adoption de l'enfant du concubin ou du partenaire n'était pas facilitée par la loi civile. Pourtant une demande existait. La loi de 2022 répond à cette demande, malheureusement sans prolongement sur le plan du droit fiscal.
Le droit civil, facilitateur de l'adoption en couple ou de l'enfant de l'autre membre du couple
La promotion de la co-parentalité dans le couple non marié
Suivant les évolutions des modes de conjugalité, la réforme de 2022 a poursuivi trois objectifs : rendre plus d'enfants adoptables, sécuriser les parcours d'adoption afin de garantir le respect des droits des enfants et simplifier les démarches pour les parents adoptants. L'innovation majeure de la loi tient à l'ouverture de l'adoption aux couples non mariés, ce qui leur permet de devenir parents ensemble d'un même enfant. Cette mesure met les couples mariés et non mariés à égalité sur le plan du droit civil. Jusque-là , ces procédures d'adoption leur étaient interdites : la famille de l'enfant adopté hors mariage était nécessairement monoparentale.
La facilitation de l'adoption dans la famille recomposée
Dans la mesure où il fallait aussi être marié pour utiliser la voie de l'adoption de l'enfant du conjoint, les familles recomposées hors mariage étaient privées du droit d'offrir à un enfant un double soutien parental légal. Désormais, le concubin ou le partenaire peut choisir de devenir le parent adoptif de l'enfant de son compagnon ou de sa compagne.
La prise en compte de l'homoparentalité
Une des grandes ouvertures de la loi tient aussi à l'accès à l'adoption en couple aux concubins et partenaires
(C. civ., art. 343), y compris lorsque les candidats à l'adoption sont de même sexe. Il en résulte une meilleure prise en compte de l'homoparentalité. Dorénavant, qu'ils vivent dans un couple de sexe différent ou de même sexe, il ne leur est plus nécessaire de se marier pour devenir parents adoptifs d'un même enfant.
Jusqu'à présent, les couples non mariés devaient choisir lequel des deux membres deviendrait le parent adoptif. Faute de mariage du couple, le conjoint ne pouvait avoir de lien juridique de filiation avec l'enfant. Ce dernier était nécessairement accueilli dans une famille non mariée juridiquement monoparentale. Seule une délégation partage de l'autorité parentale pouvait être envisagée au profit de l'autre (parent d'intention).
L'adoption de l'enfant du concubin ou partenaire
L'ouverture de l'adoption aux couples non mariés leur permet de mettre en place une « bi-parenté » pour l'enfant, l'autre concubin ou partenaire étant maintenant à même d'adopter l'enfant de sa compagne ou de son compagnon. Le législateur par la loi de 2022 a consacré le droit de l'enfant à avoir deux parents lorsque son parent biologique a choisi de vivre en couple avec un nouveau compagnon investi dans l'éducation de l'enfant.
Un projet familial commun abouti
Avec le nouveau texte, le législateur propose une meilleure protection pour les enfants dans la mesure où ils pourront, si tel est le souhait de la famille recomposée hors mariage, avoir deux parents au sein du couple non marié. Rappelons en effet qu'être beau-parent ne donne aucun droit. De surcroit, la recomposition familiale avec des enfants non communs peut complexifier la transmission du patrimoine familial. En droit français, le bel-enfant n'est pas l'héritier de son beau-parent. En soi, la règle conserve tout son sens dans la mesure où toutes les familles recomposées ne font pas « clan ». Pas plus que leurs beaux-enfants, certains beaux-parents n'entendent pas devenir des « parents » au sens juridique du terme, par la création d'un lien de filiation. L'adoption ne doit jamais relever de la gestion de patrimoine. Elle est un acte d'amour. Elle consiste à donner un parent à un enfant avec tout ce qui s'y attache.
Vers un droit commun des couples
L'élargissement de l'adoption de l'enfant du conjoint à tous les couples mariés ou non est une bonne chose car elle permet à un parent d'intention de devenir « parent légal ». Par conséquent, il peut exercer l'autorité parentale conjointement avec son concubin ou son partenaire, de même que l'enfant peut hériter de lui. Cette nouveauté permet aux personnes qui élèvent un enfant qui n'est pas le leur de tisser avec lui des liens juridiques majeurs, grâce à l'adoption simple qui est ouverte, même si l'enfant a déjà une filiation établie à l'égard d'un père et d'une mère biologique. L'enfant a alors pour l'avenir trois parents. Il est ainsi mieux protégé, y compris si le couple recomposé se sépare dans la mesure où l'adoption simple est en principe irrévocable.
Accordant les mêmes droits aux époux, concubins et partenaires en matière d'adoption, la loi s'inscrit également dans la construction d'un droit commun des couples au moins sur le plan du droit civil. Il reste, en revanche, des discriminations flagrantes en droit fiscal.
Le droit fiscal discriminant de l'adoption de l'enfant de l'autre membre du couple non marié
Les familles recomposées ont aussi recours à l'adoption afin que l'enfant d'un conjoint ou d'un partenaire puisse hériter des biens de son parent adoptif. L'adoption plénière substitue la nouvelle filiation à l'ancienne, voire crée une filiation ex nihilo, lorsque l'enfant n'a qu'un parent. Se contentant d'ajouter un parent à ceux existants, l'adoption simple est favorisée par la loi, facilitant le maintien des liens avec la famille d'origine.
La fiscalité de l'adoption plénière
Cette solution, possible avant les 15 ans de l'enfant, place ainsi les enfants adoptés sur un pied d'égalité avec les enfants biologiques tant civilement que fiscalement. Fiscalement, ils bénéficient d'un abattement sur les successions jusqu'à 100 000 euros, abattement applicable tous les 15 ans pour les donations consenties par les parents à leurs enfants. Au-delà de ce montant, les biens transmis sont imposés en ligne directe de parent à enfant et vice-versa selon un barème progressif de 5 % à 45 % sans rarement dépasser, en pratique, 20 %.
La fiscalité de l'adoption simple
Dans ce cas, l'adopté simple bénéficie sur le plan du droit civil de la même part successorale que les enfants du sang ou adoptés plénièrement. Malheureusement, sur le plan fiscal, le sort de cet enfant est moins enviable qu'en cas d'adoption plénière, car il est taxé au tarif entre non-parents (60 %), s'il n'est pas l'enfant de l'époux. L'enfant du concubin ou du partenaire reste un étranger vis-à -vis de son beau-parent ou de ses frères et sœurs adoptifs, ce qui peut être ressenti comme une véritable discrimination entre les enfants selon le statut matrimonial de leurs parents. Par exception, il bénéficie du tarif en ligne directe (abattement de
100 000 euros et taxation de 5 % à 45 % ensuite), lorsque, soit pendant sa minorité durant 5 ans au moins, soit pendant sa minorité et majorité pendant 10 ans au moins, il peut prouver qu'il a reçu de la part de son parent adoptif une prise en charge non interrompue. En revanche, depuis le 16 mars 2016 (loi du 14 mars 2016), le tarif des droits de succession en ligne directe s'applique sans condition, lorsque l'adopté simple est mineur au moment du décès de l'adoptant.
Conclusion
Ainsi, même en droit fiscal, les choses évoluent. Pour autant, on ne peut nier que l'égalité entre enfants n'est pas encore acquise puisque, malheureusement, lorsque l'adopté simple est majeur au moment du décès, il doit impérativement prouver qu'il a bénéficié d'une prise en charge ininterrompue par son parent adoptif pendant une certaine durée. La preuve peut être rapportée par tous moyens : factures des frais scolaires, vacances, vêtements, mais ces investigations sont vécues comme une discrimination entre enfants adoptifs, selon qu'ils sont enfants d'un couple marié ou non.