La vente en viager : modalités et enjeux
La vente en viager, une pratique ancestrale remontant au Moyen Âge, connaît un regain d'intérêt en France ces dernières années. Cette méthode de transaction immobilière, qui consiste à vendre un bien tout en repoussant la libération des lieux au décès du vendeur et en lui garantissant un revenu régulier, présente des avantages pour les deux parties à l'acte. Petit tour d'horizon.
Qu'est-ce que la vente en viager ?
Lorsqu'un propriétaire vend son bien en viager, il se réserve le droit de vivre dans le bien vendu sa vie durant, ou jusqu'à son départ anticipé (par exemple en cas de départ en maison de retraite). On parle alors de « droit d'usage et d'habitation ».
Il peut choisir de se réserver également le droit de mettre le bien en location en cas de départ anticipé, on parle alors « d'usufruit ».
Dans les deux cas, la valeur de ce droit doit être déterminée et déduite de la valeur du bien pour déterminer le prix de vente. L'évaluation de ce droit dépend de l'âge du vendeur au jour de la vente et de divers paramètres, tels que les revenus du bien et les charges qu'il génère. Il existe plusieurs barèmes permettant de simplifier les calculs.
Le prix de vente ainsi déterminé sera ensuite séparé en deux parties :
- L'une sera payée comptant par l'acquéreur au vendeur le jour de la vente. On l'appelle « bouquet ».
- L'autre sera convertie en rente viagère, payable mensuellement durant toute la vie du vendeur et indexée pour tenir compte de l'érosion monétaire.
L'incertitude sur la durée de la vie du vendeur crée sur ce point un aléa qui devra être compris et accepté par les deux parties : si le vendeur vit moins longtemps que son espérance de vie, le prix réellement payé sera inférieur à la valeur du bien, et inversement si le vendeur dépasse son espérance de vie au jour de la vente.
L'existence de cet aléa est par ailleurs une condition de validité de la vente en viager. Elle sera impossible si le vendeur est déjà mourant ou gravement malade au jour de la signature de l'acte.
À noter cependant qu'il est tout à fait possible de convertir l'intégralité sous forme de rente viagère, le bouquet n'étant pas une obligation. À l'inverse, l'existence d'une rente étant l'une des caractéristiques essentielles de la vente en viager, les opérations consistant à prévoir un prix payable comptant en totalité sont plutôt appelées « vente de la nue-propriété », avec des enjeux très différents pour l'ensemble des parties
à l'acte.
Quelle fiscalité pour le vendeur ?
Comme la vente en viager porte sur la résidence principale du vendeur, elle est à ce titre exonérée de l'impôt sur la plus-value.
La rente n'est que partiellement soumise à l'impôt sur le revenu. La fraction imposable est déterminée selon un barème prévu au 6° de l'article 158 du Code général des impôts en fonction de l'âge du vendeur au jour de la vente. Elle est de 70 % s'il a moins de 50 ans ; 50 % entre 50 et 59 ans ; 40 % entre 60 et 69 ans et 30 % au-delà.
Les enjeux pour le vendeur
Du côté du vendeur, l'opération présente plusieurs avantages.
Tout d'abord, elle lui permet de bénéficier d'un complément de revenu régulier, souvent nécessaire pour compléter une retraite parfois insuffisante. De plus, il conserve le droit de l'habiter jusqu'à la fin de ses jours, lui assurant ainsi un logement sécurisé et confortable sans avoir à supporter le coût des charges et des impôts fonciers, qui incombent désormais à l'acquéreur.
L'opération revient pour lui à percevoir de manière anticipée la valeur de son bien.
En contrepartie, ce dernier est définitivement vendu et ne sera donc pas transmis à ses héritiers. De plus, en raison de l'étalement de l'encaissement du prix, il lui sera plus difficile à l'avenir de réemployer ces fonds en vue d'une nouvelle acquisition.
Pour résumer, la vente en viager est particulièrement indiquée si :
- Vous êtes propriétaire de votre résidence principale et n'envisagez pas d'en changer (sauf pour un éventuel futur départ dans un établissement adapté),
- Vous n'avez pas d'héritiers en ligne directe,
- Vous avez besoin d'un revenu complémentaire et/ou d'un capital.
Les enjeux pour l'acquéreur
L'objectif de l'acquéreur est de réaliser un investissement à long terme.
L'objectif premier est l'acquisition d'un bien immobilier à moindre coût, puisque réduit de la valeur du droit conservé par l'acquéreur et avec un financement facilité du fait de l'étalement de la rente dans le temps.
Enfin, le principe de cet investissement est relativement sécurisé, puisque la propriété du bien est définitivement acquise.
En contrepartie, l'acquéreur doit accepter que son investissement ne produise ses effets qu'à une date future et incertaine, alors que de son côté il doit être en mesure de garantir le paiement régulier de la rente (voire son augmentation en cas de départ anticipé).
En outre, il n'existe aucune protection pour le cas où la longévité du vendeur dépasserait largement les prévisions, faisant ainsi perdre tout intérêt à l'investissement.
Pour résumer, l'achat en viager est particulièrement indiqué si :
- Vous disposez des fonds nécessaires au paiement d'un bouquet,
- Vous disposez de revenus réguliers et durables, vous permettant d'assumer le paiement d'une rente pendant une durée indéterminée,
- Vous avez l'objectif de vous constituer un patrimoine à moyen/long terme.
Les garanties
Lors de la conclusion de l'acte de vente en viager, il sera systématiquement prévu des garanties pour l'ensemble des parties.
Le vendeur sera garanti du paiement de la rente par une hypothèque légale, et surtout, une clause résolutoire lui permettra de reprendre la propriété du bien en cas d'impayé. Il pourra être également utilement prévu un droit de visite.
L'acquéreur sera garanti de la conservation du bien par un droit de visite qui lui sera octroyé, avec la possibilité de demander la déchéance du droit de jouissance du vendeur, s'il ne veille pas à cette conservation.
Et le viager libre ?
À noter que la réserve du droit d'usage et d'habitation ou de l'usufruit par le vendeur n'est pas une obligation. Il est tout à fait possible de vendre la pleine propriété, seul le prix se retrouve alors partiellement ou totalement converti en rente viagère. L'esprit de l'opération est cependant très différent, puisqu'elle se rapproche alors plus d'un crédit consenti par le vendeur à l'acquéreur pour l'acquisition du bien.
Conclusion
La vente en viager, bien qu'ancienne, redevient une piste d'investissement intéressante, particulièrement en période de taux d'intérêt élevés.
Elle offre aux vendeurs la possibilité de sécuriser leur retraite tout en restant chez eux, et aux acquéreurs une opportunité d'investissement rentable et diversifiée.
Cependant, cette pratique nécessite une réflexion approfondie et une compréhension claire des obligations et des risques pour les deux parties.