L'obligation de reprise des personnels en cas de remunicipalisation d'un service public
Lorsqu'une collectivité locale reprend en régie directe un service public jusqu'alors externalisé elle fait le choix d'exploiter elle-même le service, par ses propres moyens. Cela implique notamment de disposer de personnels dédiés.
Que ce soit dans le cadre d'une délégation de service public, d'un marché public, ou de manière moins régulière d'une convention d'objectifs, la reprise des personnels de l'ancien exploitant, principe bien connu, est prévue par l'article L. 1224-1 du Code du travail et s'applique à la sphère publique, en cas de remunicipalisation tant de services publics industriels et commerciaux (SPIC) (eau, assainissement, remontées mécaniques etc.) que de services publics administratifs (SPA) (crèche, accueil périscolaire, restauration scolaire notamment). Focus sur la reprise des personnels dans le cas de la reprise en régie d'un SPA.
Une obligation légale pour la collectivité
Le transfert des contrats de travail en cas de reprise d'une activité de droit privé par une entité de droit public est encadré par l'article L. 1224-3 du Code du travail. Il en est ainsi lorsque l'activité de service public est, non pas un SPIC (régi par l'article L. 1224-1), mais un SPA.
Ce principe s'applique à tout transfert d'une entité économique autonome conservant son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise. À ce jour, selon une jurisprudence constante,  « constitue une entité économique un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre » 1. Les moyens corporels sont le matériel, l'outillage, mais aussi les bâtiments et terrains 2, quand les éléments incorporels sont la clientèle 3, les licences,  etc. L'existence d'un personnel propre est un élément supplémentaire important.
Les articles L. 1224-1 et suivants s'appliquent à tous les titulaires d'un contrat de travail, peu importe le type de contrat. Il peut s'agir tant d'un CDI que d'un CDD, d'un contrat à temps complet ou à temps partiel,  etc.
La remunicipalisation de services publics concerne quasi-systématiquement une entité économique autonome. En effet, les locaux et certains biens (éléments corporels), la « clientèle » (ou plus exactement les usagers du service public - éléments incorporels) comme, enfin, le personnel dédié à ces services, vont être repris par la collectivité locale.
La proposition devant être faite à chaque salarié
Le principe de la reprise des contrats de travail par la personne publique oblige cette dernière à rémunérer les salariés transférés dans les conditions prévues par leur contrat de droit privé jusqu'à ce que l'une des deux options suivantes se réalise : soit ils acceptent le contrat de droit public qui leur sera proposé ; soit ils refusent ledit contrat et il est alors procédé à leur licenciement 4.
Ce faisant, la personne publique a tout intérêt à anticiper la mise en œuvre de son obligation légale pour ne pas avoir à rémunérer certains salariés qui, à la date de la reprise effective en régie du service public, n'auraient ni accepté le contrat proposé, ni été licenciés suite à leur refus.
Les litiges liés au transfert privé-public relèvent de la compétence du conseil de prud'hommes jusqu'à ce que les salariés soient placés dans un régime de droit public 5.
Il appartient à la collectivité de formuler auprès du salarié une proposition de contrat de droit public en reprenant les clauses substantielles du contrat de droit privé. Les clauses substantielles sont notamment celles touchant à la rémunération, à la durée (CDD ou CDI), au niveau de responsabilité, de qualification et d'ancienneté du salarié, mais aussi l'objet du contrat et la quotité du temps de travail 6.
S'agissant de la rémunération, le Conseil d'État retient que le salarié doit avoir la garantie que la rémunération qui lui est proposée est identique à la précédente. Le seul fait pour la collectivité d'arguer que celle-ci est supérieure au niveau de rémunération des agents publics ayant un niveau de responsabilité équivalent en fonctions en son sein à la date du transfert est insuffisant. Toutefois, la reprise de la rémunération sera illégale si elle excède manifestement celle qu'il appartiendrait à la collectivité de fixer en tenant compte, notamment, des fonctions occupées par l'agent non-titulaire, de sa qualification et de la rémunération des agents (notamment de l'État) de qualification équivalente et exerçant des fonctions analogues 7. La détermination du salaire proposé implique donc, pour l'employeur public, de tenir compte de cette double contrainte.
En cas de refus d'un salarié : le licenciement
En cas de refus d'un salarié d'accepter le contrat proposé, celui-ci prend fin « de plein droit ». La Cour de cassation a décidé qu'il n'est alors pas nécessaire de respecter la procédure de licenciement prévue par le Code du travail 8. Il s'agit d'un licenciement sui generis 9.
En cas de rupture de plein droit du contrat suite au refus du salarié, les conséquences sont les suivantes : la rupture du contrat de travail est faite par une notification écrite. À la suite de son refus, le salarié effectue son préavis selon les dispositions légales ou conventionnelles prévues par le droit privé, puisque le contrat de travail initial s'applique jusqu'à ce que le salarié ait accepté les nouvelles conditions d'emploi ou qu'il soit licencié. À défaut, il pourrait percevoir une indemnité compensatrice, sous réserve que cette inexécution du préavis ne soit pas de son fait. L'employeur public n'est pas tenu de respecter le formalisme de l'entretien préalable. Toutefois, même non obligatoire, la tenue d'un entretien préalable peut s'avérer utile en pratique pour s'assurer que le refus du salarié est éclairé.
Attention, une fois que le nouveau contrat proposé au salarié a été refusé par ce dernier, s'il comporte une diminution de la rémunération et si la personne publique n'invoque « aucune justification tirée de la nécessité de respecter les dispositions applicables aux agents contractuels, le juge judiciaire peut constater que le licenciement était, non sui generis, mais sans cause réelle et sérieuse ». Les conséquences d'une telle requalification sont autrement plus défavorables à la collectivité.
Autrement dit, en fonction de la proposition de contrat de la collectivité, il existe deux possibilités en cas de refus par le salarié :
- Soit la proposition de contrat est régulière, répondant aux exigences de l'article L. 1224-3, auquel cas la rupture du contrat est de plein droit, avec un respect minimal de garanties.
- Soit la proposition de contrat est irrégulière : elle sera alors assimilée à un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Aperçu de la procédure
concernant les personnels repris
Enfin, la collectivité devra prendre soin, en cas d'acceptation du contrat de droit public proposé, de respecter la procédure idoine. Celle-ci implique notamment l'avis du comité social territorial, l'adoption de délibérations (reprise en régie puis création des emplois au tableau des effectifs) et la déclaration de vacance de(s) poste(s) auprès du centre de gestion.