Copropriété et gestion des Airbnb : vers une clarification ?
Avec l'arrêt de la 3e chambre civile de la Cour de cassation du 25 janvier 2024, la nature commerciale de l'activité Airbnb semble remise en cause entraînant ce que certains acteurs considèrent comme un revirement de jurisprudence. Ce nouvel arrêt permet d'éclairer un peu mieux les syndics sur leurs marges de manœuvre concernant l'encadrement de cette activité au sein des copropriétés qu'ils ont en gestion.
Rappel de la qualification de l'activité de location meublée de courte durée
La location meublée de courte durée n'est pas encadrée par la loi de 1989 relative aux baux d'habitation, mais uniquement par les textes généraux du Code civil et du Code de la construction et de l'habitation.
Ainsi, il sera rappelé qu'est considéré comme une résidence principale le logement occupé au mois huit moins par an, sauf raisons professionnelles, de santé ou en cas de force majeure.
La location de cette résidence principale par le biais d'une plateforme dématérialisée n'est possible que si cette location ne dépasse pas 120 jours par an. Ce n'est que si cette activité dépasse cette durée de 120 jours, que le propriétaire devra alors obtenir une autorisation spécifique et que l'activité sera qualifiée d'activité commerciale.
Concernant les résidences secondaires, pour pouvoir procéder à la location de courte durée, selon la typologie de la Commune, celle-ci doit donner une autorisation préalable obligatoire (permis de louer).
Dans ce cas, le local ne va plus être considéré comme un local d'habitation mais comme un local commercial.
Copropriété et encadrement de l'activité de location meublée de courte durée
L'article 9 de la loi du 10 juillet 1965, qui régit la copropriété, rappelle que chaque copropriétaire use et jouit librement des parties communes et privatives sous réserve ne pas porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l'immeuble.
Par principe, un copropriétaire peut louer son bien comme il l'entend concernant sa résidence principale et toute clause du règlement qui subordonnerait la signature d'un bail à l'autorisation de la copropriété serait nulle.
C'est là que rentre en jeu la notion de destination de l'immeuble.
Ainsi, il a été jugé que les immeubles de haut standing pouvaient interdire la location d'un appartement ou d'une chambre de bonne pour des courtes durées.
La destination de l'immeuble, qui est à rechercher dans les stipulations notamment du règlement de copropriété, permet de savoir si l'activité de location de courte durée peut être autorisée ou non.
En 2018, la Cour de cassation avait retenu que les locations de meublés de tourisme ne correspondaient pas à la destination d'un immeuble ayant une clause d'habitation bourgeoise ordinaire, c'est-à -dire acceptant une activité libérale et d'habitation, ce qui avait permis à certaines copropriétés de pouvoir interdire cette activité.
Cela est d'autant plus vrai dans un immeuble à usage d'exclusif d'habitation, dans lequel une activité professionnelle était admise à titre accessoire, qui ne pouvait donc poursuivre une activité commerciale de location de ses lots de courte durée.
Puis, il y a une distorsion en fonction des juridictions. Ainsi, il a été jugé en 2023 que l'activité de location saisonnière de courte durée en meublé n'était pas de nature commerciale mais civile, sauf si celle-ci s'accompagne de prestations hôtelières ou para-hôtelières. C'est ce qu'a confirmé ainsi la Cour de cassation en janvier 2024, lors de son arrêt du 24 janvier 2024 (n° 22-21.455).
La Cour de cassation a ainsi défini ce qui doit être entendu comme activité commerciale concernant cette location de courte durée : « L'article 15 du règlement de copropriété prohibait l'exercice d'une activité commerciale ailleurs que dans les lots du rez-de-chaussée, la cour d'appel a considéré que si la location en meublé est gérée par la société pour les appartements situés au sein de la copropriété [Adresse 14] et s'exerce pour des locations de courte durée, la fourniture de services annexes tels que le ménage, les transferts vers l'aéroport, la fourniture de petits-déjeuners sont optionnels et ne permettent pas d'apparenter cette exploitation à une activité commerciale. [...] Ayant souverainement relevé que l'activité exercée par la société MSC dans l'immeuble n'était accompagnée d'aucune prestation de services accessoires ou seulement de prestations mineures ne revêtant pas le caractère d'un service para-hôtelier, la cour d'appel en a exactement déduit que cette activité n'était pas de nature commerciale. »
Concrètement, dès lors, soit l'activité de location de courte durée s'accompagne de prestations hôtelières ou para-hôtelières et elle a alors un caractère commercial, soit ce n'est pas le cas, et dans ce cas-là , elle a une activité civile.
Quelles incidences donc pour les copropriétés ?
Désormais, les copropriétaires ne pourront donc plus se retrancher derrière une clause d'habitation bourgeoise simple ou exclusive pour tenter de s'opposer à la pratique du Airbnb dans leur copropriété.
Comment dès lors interdire ou encadrer cette activité de location de courte durée au sein d'une copropriété ? Il conviendra de se pencher très sérieusement sur le règlement de copropriété et la destination de l'immeuble.
À ce titre, la copropriété pourra se prévaloir de plusieurs arguments.
- Si la commune où se situe l'immeuble sollicite une autorisation préalable après déclaration avec enregistrement et qu'il y a eu un changement d'usage sans autorisation préalable, le syndic, en application du règlement de copropriété, peut agir pour interdire ce changement d'usage et donc la location.
- Si le local concerné a une vocation de commerce, il ne peut donc être transformé en appartement avec location de courte durée si celle-ci n'a pas de prestations hôtelières, cela engendre là encore un changement d'usage et de destination non autorisé.
- Si l'activité même engendre des troubles anormaux du voisinage, quand bien même le règlement de copropriété n'interdit pas les locations de courtes durées, le syndic peut agir, si ceux-ci sont constatés et s'ils entraînent une nuisance pour l'ensemble des copropriétaires.
- Mais surtout, il va falloir que les copropriétaires discutent de prévoir dans leur règlement de copropriété des modalités de jouissance des parties communes et privatives permettant de mettre en exergue la commune intention des copropriétaires de protéger la pérennité des locations de longue durée et ainsi la qualité de vie au sein des copropriétés.
Ainsi, la clause qui prévoit que le copropriétaire doit aviser le syndic d'un bail dans le cadre d'une copropriété où l'immeuble est à usage d'habitation a été validée par la Cour de cassation.
Toute la difficulté réside dans les copropriétés ayant un usage mixte, où là , il conviendra de contrebalancer entre la liberté individuelle et la volonté générale des copropriétaires. Dans ce cas, et si la copropriété souhaite pouvoir interdire les locations de courte durée dans son immeuble, il faudra faire procéder à un audit de son règlement de copropriété et proposer lors d'une assemblée générale une modification du règlement de copropriété.
La position juridique de chaque acteur n'est donc pas encore figée et il conviendra que chacun fasse preuve d'une particulière vigilance dans ses actions.