Les principales mesures fiscales de la loi de finances 2025
Initialement rejeté par l'hémicycle en novembre 2024 avant que le gouvernement Barnier ne soit balayé par une motion de censure, le texte aura vu son examen suspendu pendant qu'une procédure exceptionnelle prenait temporairement le relais dans le cadre d'une loi spéciale destinée à assurer la continuité de l'État.
Après de nouvelles négociations, l'utilisation de l'article 49.3 par le nouveau Premier ministre François Bayrou et le rejet d'une nouvelle motion de censure, la loi de finances 2025 sera finalement promulguée le 14 février dernier, tournant enfin la page d'une crise parlementaire symptomatique des tensions politiques auxquelles la France fait face.
Désormais en vigueur, cette loi de finances mérite l'habituel décryptage des principales évolutions fiscales qui affecteront particuliers et entreprises.
À titre liminaire et pour couper court à toute inquiétude, il sera confirmé aux particuliers que la revalorisation du barème de l'impôt sur les revenus (IR) perçus en 2024 aura bien lieu conformément au rituel annuel consistant à indexer ce barème sur l'inflation officielle. En revanche, il est regrettable que les autres barèmes d'imposition, notamment celui de l'impôt sur la fortune, demeurent toujours tenus à l'écart de cette indexation.
Plusieurs nouveautés notables pour les particuliers
Nouvelle venue dans le paysage fiscal, on notera surtout l'instauration d'une contribution différentielle sur les hauts revenus (CDHR) à charge des contribuables domiciliés fiscalement en France déjà assujettis à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (CEHR), c'est-à -dire disposant d'un revenu fiscal de référence supérieur à 250 000 euros ou 500 000 euros (pour un couple). De caractère temporaire, car prévue pour s'appliquer sur les seuls revenus 2025, cette CDHR vise à préserver un taux effectif d'imposition de 20 %. Concrètement, la mécanique est la suivante : si le total des cotisations d'impôt sur le revenu et de CEHR ressort inférieur à ce seuil, la CDHR viendra combler la différence ! Mais attention aux nombreuses subtilités : sans prétendre à l'exhaustivité, les prélèvements sociaux restent toujours dus en sus de ce qui précède et le revenu fiscal de référence est susceptible d'englober bien plus que le revenu imposable, comme certaines plus-values de cession de valeurs mobilières avant abattements proportionnels pour durée de détention. La tentation étant souvent forte de pérenniser des dispositifs initialement présentés comme temporaires, reste à voir si cette contribution ne finira pas, comme tant d'autres avant elle, par s'installer durablement...
Autre grande nouveauté pour les salariés et dirigeants impliqués dans des opérations de leverage buy out,  qui devront composer avec le nouveau régime fiscal des gains de management packages. En grande synthèse, ce dispositif a été conçu pour apporter une réponse législative aux nombreuses incertitudes nées des arrêts rendus par le Conseil d'État au cours de l'été 2021 en matière de requalification de tels gains en salaires. Désormais, ces gains pourront être imposés comme des revenus salariaux (au barème de l'IR avec un prélèvement social additionnel de 10 %), exception faite d'une fraction de ces derniers qui pourra encore être taxée comme plus-value mobilière sous certaines conditions, à savoir notamment dans la limite d'un multiple de performance financière égal, sans s'aventurer ici dans les méandres du calcul, à trois fois la prise de valeur de la société sur la base de ses fondamentaux économiques. Ce nouveau dispositif légal ayant laissé persister un certain nombre de zones d'ombre, de futurs éclaircissements administratifs sont attendus afin de dissiper les ambiguïtés.
Une réforme majeure vient ensuite pénaliser les propriétaires exerçant sous statut de loueur en meublé non professionnel (LMNP). Jusqu'à présent, les amortissements permettaient de réduire les revenus imposables mais sans affecter le calcul du gain à la vente puisqu'ils n'étaient pas déduits du prix de revient de l'immeuble cédé. Dorénavant, et il s'agit d'une petite révolution, c'est la valeur nette comptable, intégrant les amortissements déduits, qui servira de référence au calcul de la plus-value, renchérissant de facto le montant de la plus-value taxable année après année, au fur et à mesure des amortissements pratiqués. À noter que quelques dérogations ont été prévues en faveur des résidences étudiantes et des établissements médico-sociaux.
Dans un contexte où les avantages fiscaux se raréfient, deux exceptions méritent enfin d'être soulignées.
Tout d'abord, le maintien pour les cessions intervenant jusqu'au 31 décembre 2031 de l'abattement forfaitaire de 500 000 euros réservé aux plus-values des dirigeants faisant valoir leurs droits à la retraite. Ce régime de faveur, dont il était prévu qu'il s'éteigne au 31 décembre 2024, restera ainsi accessible sous les mêmes conditions que celles déjà connues, étant notamment rappelé qu'il ne s'applique qu'en matière d'IR, les prélèvements sociaux demeurant intégralement exigibles.
Ensuite, la loi de finances réintroduit un régime d'exonération temporaire pour certains dons familiaux de sommes d'argent consentis jusqu'au 31 décembre 2026 au profit d'un enfant, petit ou arrière-petit enfant (ou neveu à défaut de descendance) et qui, à condition qu'ils soient affectés sous six mois au financement de l'acquisition, de la construction ou de la rénovation énergétique de la résidence principale, bénéficieront d'un abattement de 100 000 euros par donateur à un même donataire (dans la limite de 300 000 euros par donataire). Cet avantage exceptionnel pourrait s'avérer particulièrement intéressant dans la mesure où il devrait pouvoir se cumuler avec les dispositifs que l'on connaît déjà et qui sont l'abattement de 100 000 euros en ligne directe et l'abattement de 31 865 euros réservé aux dons d'argent au profit de certains enfants ou neveux majeurs.
Deux dispositions fiscales touchant les entreprises
Du côté des entreprises, rien de très novateur à se mettre sous la dent, le législateur ayant fait le choix de recourir à la bonne vieille recette consistant à augmenter le fardeau fiscal de qui dispose du plus de capacités contributives.
En premier lieu, il sera en effet noté l'institution d'une contribution exceptionnelle sur l'IS ciblant les bénéfices des sociétés réalisant un chiffre d'affaires supérieur ou égal à 1 milliard d'euros, étant souligné que seul le chiffre d'affaires réalisé en France entrera ici en compte. L'assiette de cette contribution sera égale à la moyenne de l'IS de l'exercice concerné et du précédent, et son taux fixé à 20, 6 % jusqu'à 3 milliards d'euros de chiffre d'affaires (soit un taux effectif d'IS de 30, 98 % avec la contribution sociale additionnelle à l'IS déjà due à hauteur de 3, 3 %) ou 41, 2 % au-delà (soit un taux effectif d'IS de 36, 13 %).
En deuxième lieu, les opérations de rachats de leurs propres actions, en vue de leur annulation dans le cadre d'une réduction de capital non motivée par des pertes, lorsqu'elles sont réalisées par des sociétés cotées ou non cotées ayant leur siège en France et affichant plus de 1 milliard d'euros de chiffre d'affaires mondial, seront à l'avenir taxées à hauteur de 8 % sur la base de la valeur nominale des titres rachetés. Encore un coup dur, bien que des exceptions aient été prévues afin de ne pas trop entraver certains dispositifs d'actionnariat salarié.
Avec cette dernière loi de finances, le gouvernement ambitionne de ramener le déficit public de 6, 1 % à 5, 4 % du PIB, tout en misant sur des prévisions de croissance optimistes. Une trajectoire suffisante pour redresser les finances publiques ? Rien n'est moins sûr.
À l'heure où nous écrivons ces lignes, l'agence de notation S & P exprime ses doutes en dégradant la perspective de la dette française de stable à négative, pointant un manque de soutien politique aux réformes. La sonnette d'alarme est tirée, mais qui l'entendra ?