Haro sur le travail dissimulé, contrôles Urssaf renforcés
Le monde économique en parle, beaucoup s'en plaignent et certains doivent en répondre : le travail dissimulé est traqué et les sanctions sont alourdies. L'Urssaf est aux avant-postes et cible les employeurs, mais aussi les travailleurs indépendants. Le particulier-employeur est également concerné. Le fait de participer à la réalisation de tels agissements est sanctionné (article L 8221-1 du Code du travail).
La situation
En 2024, l'Urssaf a redressé pour près d'1, 6 milliard d'euros au titre de la lutte contre le travail dissimulé, soit une progression de 100 % depuis 2022. L'Urssaf a pour objectif d'atteindre 5, 5 milliards d'euros de redressements pour la période 2023-2027 et a renforcé les moyens pour respecter cet objectif.
Devant la multiplication des contrôles (inopinés ou suite à un contrôle de cotisations), une approche pragmatique et la mise en place de process deviennent nécessaires pour sécuriser les cotisants.
De quoi s'agit-il ?
Constitue l'infraction de travail dissimulé toute situation de fraude, dans laquelle l'employeur ou le cotisant omet intentionnellement de déclarer à l'administration compétente l'ensemble ou une partie des salariés ou d'une activité économique, dans le but d'échapper aux obligations légales, notamment le paiement des charges sociales et fiscales.
La dissimulation d'emploi salarié est révélée par :
- L'absence de déclaration préalable à l'embauche d'un travailleur,
- Un bulletin de paie ne mentionnant pas toutes les heures effectivement travaillées (y compris leur paiement sous forme de prime),
- L'absence de déclarations obligatoires (Urssaf, impôt, prévoyance...),
- Tout faux document tentant de justifier des déclarations obligatoires.
La dissimulation d'activité concerne le fait de :
- Ne pas inscrire son activité au registre du commerce ou au répertoire des métiers,
- Ne pas déclarer les revenus générés par cette activité,
- Omettre de s'enregistrer auprès de l'Urssaf,
- Ne pas déclarer ou faire une déclaration mensongère concernant l'activité de ses salariés,
- Se prévaloir frauduleusement des dispositions applicables au détachement de salariés.
Les travailleurs indépendants, quel que soit leur statut fiscal, sont ainsi visés. Rappelons qu'est présumé travailleur indépendant celui dont les conditions de travail sont définies exclusivement par lui-même ou par le contrat les définissant avec son donneur d'ordres.
La participation au travail dissimulé est interdite, à travers :
- Toute publicité tendant à favoriser en toute connaissance de cause le travail dissimulé,
- Le fait de recourir sciemment, directement ou par personne interposée, aux services de celui qui exerce un travail dissimulé.
Ainsi le responsable de publication ou diffusion d'offre de service ou d'activité professionnelle est tenu de conserver durant six mois les justificatifs afférents à la réalité de cette publication.
Le travail dissimulé constitue l'une des composantes du travail illégal, au même titre que :
- Le prêt de main-d'œuvre illicite,
- Le marchandage qui vise à contourner les dispositions légales et/ou conventionnelles lorsqu'elles portent préjudice au salarié,
- L'emploi d'un étranger sans titre de travail,
- Le cumul irrégulier d'emplois pour un salarié qui réalise un travail rémunéré au-delà de la durée maximale du travail, tous contrats de travail confondus,
- Les fraudes et fausses déclarations concernant les revenus de remplacement, tels que la CPAM, le chômage, etc.
Afin de lutter contre le travail dissimulé, les entreprises ont une obligation de vigilance qui consiste à collecter des documents justificatifs du respect des règles en vigueur, tels que le titre de séjour, le certificat de vigilance, l'extrait Kbis...
Ce devoir de vigilance est étendu au donneur d'ordres sur son sous-traitant et sur les auto-entrepreneurs qu'il fait régulièrement travailler. La solidarité financière du donneur d'ordre permet de lui réclamer le paiement de sommes dues au titre du travail dissimulé.
Le travail dissimulé constitue une infraction sévèrement punie par différents textes
Les sanctions pour travail dissimulé ne s'appliquent pas au salarié, sauf si ce dernier avait connaissance de cette dissimulation et décide de travailler bien que les obligations ne soient pas remplies. Les faux travailleurs indépendants, les faux stagiaires et les faux bénévoles sont aussi concernés.
Les personnes morales et physiques sont passibles d'une :
- Sanction fiscale : redressement et majoration des cotisations non payées de 25 à 40 %,
- Sanction pénale : amendes pouvant aller jusqu'à 45 000 euros pour les personnes physiques et/ou jusqu'à 3 ans d'emprisonnement (portés à 5 ans et 75 000 euros, si cela concerne un mineur), 225 000 euros pour les personnes morales par infraction,
- Sanction administrative : paiement rétroactif des salaires et des cotisations, exclusion des aides publiques, exclusion des marchés publics, fermeture administrative de l'entreprise pour une durée plus ou moins longue avec confiscation du matériel professionnel.
Le salarié victime de travail dissimulé a droit à une indemnité égale à 6 mois de salaire à ce titre. Lorsqu'une fermeture administrative est prononcée, les contrats et toutes les obligations perdurent à l'égard des salariés (paiement des salaires, cotisations...).
Les moyens renforcés de l'Urssaf
- Optimisation du ciblage par méthode de datamining,
- Recrutement d'inspecteurs spécialisés,
- Intensification des contrôles pour les entreprises et recours au travail détaché,
- Développement de partenariats stratégiques avec la police, la gendarmerie, l'Office central de lutte contre le travail dissimulé, Tracfin et autres acteurs.
Pour améliorer le recouvrement des fraudes, l'Urssaf va rendre effectif le recouvrement des sanctions en actionnant plus rapidement la solidarité financière des donneurs d'ordres et saisir les avoirs, dès la mise en place du contrôle. Les Parquets spécialisés dans la fraude économique sont également mobilisés, ainsi que des moyens comme la formation spécifique, des logiciels utilisant l'IA...
Parce que tous les redressements/sanctions ne sont pas justifiés, quels sont vos recours ?
Lorsqu'une situation de travail dissimulé est reconnue par l'Urssaf, ou lors d'un contrôle au cours duquel l'Urssaf intervient, un procès-verbal de la situation est dressé et transmis au Parquet et un avis de redressement est émis par l'Urssaf, le plus souvent sur des bases forfaitaires. Une audition du cotisant peut être organisée par l'Urssaf et des documents lui être réclamés, un compte rendu sera rédigé.
La contestation de la décision ou de la mise en demeure de l'Urssaf se fait par la saisine de la commission de recours amiable (CRA) de l'organisme de recouvrement et ce, dans un délai de deux mois à compter de sa notification. La CRA dispose alors d'un délai de deux mois pour statuer, à savoir pour réformer la décision ou la confirmer (implicitement ou explicitement).
En cas de rejet explicite ou implicite du recours, cette décision est contestée en saisissant, par requête, le pôle social du tribunal judiciaire compétent dans un délai de deux mois.
Il faudra aussi solliciter le contrôleur qui a prononcé la sanction pour obtenir le renouvellement de l'attestation de vigilance, nécessaire à la poursuite de l'activité du cotisant, demande qui peut être refusée.
L'Urssaf peut en effet exiger le paiement de la totalité du montant de la sanction pécuniaire en contrepartie de la délivrance de l'attestation dans le cas d'un travail dissimulé (article L.243-15 alinéa 2 CSS). Il sera souvent demandé des garanties avant octroi de ladite attestation.
Il s'agit d'un pouvoir souverain de l'Urssaf, dont la Cour de cassation fait une application stricte et qui peut avoir des conséquences irrémédiables sur l'activité de la société sanctionnée, en fonction de son domaine d'intervention (marchés publics...).
Compte tenu des risques encourus, il est donc recommandé de bien se renseigner sur les différentes obligations et de pouvoir justifier de leur respect. Se faire accompagner par un professionnel dès le début de la procédure évite de commettre des erreurs. Ainsi l'adage « Faute avouée, à moitié pardonnée » n'a aucune valeur dans ce type de procédure, où est plutôt appliqué le postulat : faute avouée = sanction assurée !