L'obligation d'information du vendeur non professionnel d'un bien immobilier

par Me Pascale Favier
Jeudi 10 avril 2025

Dans un contexte où le marché immobilier connaît une certaine fragilité, la stabilité contractuelle est plus que jamais cruciale. Cela passe par le respect de la transparence entre les parties, particulièrement dans le cadre des ventes « entre particuliers ».

Les particuliers, vendeurs et acquéreurs, sont considérés comme « non professionnels de l'immobilier », c'est-à-dire qu'ils ont a priori autant de connaissances juridiques en matière immobilière. Pourtant, il pèse sur l'une des parties, le vendeur, une obligation plus importante : celle de l'information. En effet, l'acquéreur est considéré comme un consommateur, et est protégé par la loi à ce titre, même lorsqu'il est face à un vendeur également particulier (et non professionnel). L'acquéreur est donc considéré comme étant la partie « la plus faible » du contrat de vente immobilière. Certaines informations doivent donc impérativement être portées à la connaissance de l'acquéreur par le vendeur avant même la signature des actes (notamment au titre des diagnostics et des données concernant la copropriété s'il y a lieu). D'une façon plus générale, le vendeur doit communiquer toutes les informations dont il a connaissance concernant le bien qu'il vend, et peut même dans certains cas engager sa responsabilité pour des problèmes touchant le bien (appelés « vices ») révélés après la vente, alors qu'il n'en avait lui-même pas connaissance.

L'obligation de garantie des vices cachés du vendeur

Cette obligation résulte de l'article 1641 du Code civil aux termes duquel : « Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus. »

Juridiquement, dans les termes « défauts cachés » il faut comprendre « non connus » (qui se distinguent des défauts « apparents » auxquels le vendeur n'est pas tenu en application des dispositions de l'article 1642 du Code civil) : il ne s'agit donc pas là des défauts dissimulés, mais bien ceux dont les parties (y compris le vendeur) n'avaient pas connaissance.

Par suite, en application de cette disposition, le vendeur d'un bien peut voir sa responsabilité engagée pour un défaut touchant le bien vendu, et ceci même s'il n'en avait pas connaissance.

Pour autant, dans un souci de sécurité juridique des transactions immobilières, les notaires insèrent d'usage dans les actes de vente, une clause générale spécifique à ce sujet, appelée « clause d'exonération de la garantie des vices cachés ». Cette clause prévoit que le bien est vendu en l'état (en clair : « avec ses qualités et ses défauts »).

Toutefois, cette clause ne jouera pas, et la responsabilité du vendeur pourra être recherchée dans certains cas :

- S'il est prouvé que le vendeur connaissait ce vice et qu'il l'a sciemment dissimulé,

- Si le vendeur n'a pas produit l'un des diagnostics obligatoires (ou des diagnostics incomplets),

- Si le vendeur est un professionnel de l'immobilier ou de la construction.

L'obligation générale d'information du vendeur

D'une façon générale, un vendeur doit informer son acquéreur de tout élément concernant le bien qui pourrait avoir une influence sur sa volonté d'acquérir, et donc pouvant modifier sur son consentement. Il s'agit là pour le vendeur d'être complément transparent vis-à-vis de son acquéreur. Ainsi, il ne suffit pas de dire « je vends en l'état », car il s'agirait là de viser uniquement les défauts apparents de l'immeuble. Pour autant, aucun état des lieux n'est effectué lors d'une vente, comme en matière de location, les défauts apparents étant censés être vus lors des visites précontractuelles.

Un vendeur prudent et diligent devra donc signaler à son acquéreur, ainsi qu'à son notaire (afin que cela soit rappelé dans l'acte), les problèmes importants pouvant toucher l'immeuble (fissures, fuites, défectuosités, problèmes juridiques de servitudes, d'autorisations d'urbanisme...). Il ne s'agit pas là de dresser une liste exhaustive des défauts esthétiques du bien (plinthe décollée, carreau cassé...), mais plutôt de signaler les défauts majeurs qui pourraient faire dire ensuite à un acquéreur : « Si j'avais su, je n'aurais pas acheté, ou alors pas à ce prix-là... »

Bien entendu, lorsqu'un vendeur est dans une démarche commerciale, il aura tendance à enjoliver la réalité. Mais où est la limite entre les informations devant être portées à la connaissance d'un candidat acquéreur, et celles qui peuvent être passées sous silence (ou édulcorées) pour présenter l'aspect le plus positif du bien ?

En cas de litige, tout est question d'interprétation par les juges du fond, et la jurisprudence illustre avec des cas concrets les situations dans lesquelles un vendeur a engagé sa responsabilité.

Les limites de l'obligation générale d'information du vendeur

Les troubles de voisinage : il a par exemple été retenu la responsabilité du vendeur qui a omis de signaler à un acquéreur qu'il subissait des troubles importants de voisinage (chiens très bruyants à proximité). Le principe étant que toute nuisance connue et durable doit être signalée par le vendeur, même si elle est extérieure au bien (émanation d'odeurs nauséabondes dues à la présence d'une activité agricole à proximité).

Tout dépend de l'importance du trouble et du traitement qui en sera fait par le juge.

Par exemple, il n'y a à ce jour pas de décisions jurisprudentielles liées à la prolifération des moustiques qui peuvent apporter une gêne importante, mais au regard des décisions actuelles qui tendent à la sévérité vis-à-vis des vendeurs, la prudence serait qu'un vendeur subissant des désagréments importants liés aux moustiques en fasse part à son acquéreur.

Les travaux effectués par le vendeur : les tribunaux ont une approche toujours plus stricte avec les vendeurs, et les décisions récentes tendent à retenir leur responsabilité pour des désordres liés à des travaux effectués par eux, même en l'absence de faute ou de connaissance du problème par le vendeur (qui ne pourrait pas, à ce titre, s'exonérer de la garantie des vices cachés).

La pollution du sol d'un terrain : le vendeur d'un terrain reste responsable, même en présence d'une clause d'exonération de garantie des vices cachés, en présence d'une pollution du sol, lorsque l'historique du site, connu du vendeur, pouvait laisser penser à un risque probable de pollution. À l'inverse, un particulier qui ne connaissait pas l'activité polluante ayant été exercée sur le terrain n'engage pas sa responsabilité (dans la mesure où il n'avait pas de moyen raisonnable de le savoir).

Quelles sont les conséquences du non-respect de cette obligation ?

L'acquéreur d'un bien immobilier peut intenter une action contre le vendeur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice (et dans un délai maximum de vingt ans à compter de l'acte de vente). Cette action pourra avoir les conséquences suivantes :

- Soit l'annulation pure et simple de la vente (avec remboursement du prix et des frais par le vendeur),

- Soit la restitution par le vendeur d'une partie du prix,

- Et s'il est démontré la tromperie par le vendeur, il peut avoir à verser des dommages et intérêts.

En la matière, restera la question de la preuve à apporter par l'acquéreur, qui devra démontrer qu'il n'avait pas connaissance du problème avant de signer la vente, et s'il y a une clause d'exonération de la garantie des vices cachés, prouver que le vendeur avait connaissance du problème et ne l'en a pas informé.

Si de nombreuses informations sont communiquées à l'acquéreur par le notaire dans le cadre des recherches et des documents obligatoires à produire avant la vente (risques naturels, règles d'urbanisme contraignantes, servitudes conventionnelles existantes, diagnostics immobiliers...), certaines sont liées au bien lui-même, que seul son propriétaire peut connaître et que le notaire ne peut deviner. Le vendeur doit donc échanger avec son notaire de façon sincère, afin que ce dernier le conseille au mieux, comme mener des diagnostics complémentaires non obligatoires, pour se décharger de sa responsabilité (diagnostic pollution, contrôle de l'assainissement, étude de structure en présence d'une fissure...) et prenne les dispositions nécessaires dans le cadre de la rédaction de l'acte de vente.