Divorcer en ligne : une économie qui peut coûter cher

par Me Laetitia Voisin
Mercredi 21 mai 2025

Un divorce par consentement mutuel, c'est une solution rapide et peu conflictuelle pour les couples qui sont d'accord tant sur le principe que sur toutes les conséquences de la séparation.

Créée en 1975, la procédure de divorce se déroulait devant le juge avec un avocat commun. À compter de 2017, le divorce se déroule sans juge, chaque époux bénéficiant de son propre avocat.

Dans ce contexte, de nombreuses plateformes juridiques en ligne ont vu le jour, proposant des divorces à bas coût, généralement pilotés par des avocats partenaires. Si la démarche peut paraître séduisante, elle comporte néanmoins des risques juridiques, humains et pratiques qu'il convient de ne pas négliger.

Ne pas sous-estimer la relation directe avec son avocat

Dans un divorce classique, l'avocat joue un rôle central : il conseille, alerte sur les enjeux, évalue les déséquilibres potentiels et accompagne émotionnellement son client. En ligne, le lien personnel entre l'avocat et son client est souvent réduit (échanges par courriel, formulaires automatisés). Ce manque de proximité peut empêcher l'avocat de saisir les subtilités d'une situation familiale ou patrimoniale. Or, un divorce n'est jamais une simple formalité administrative : il suppose de prendre des décisions engageantes, parfois irréversibles, en matière de résidence des enfants, de partage des biens, de pensions alimentaires ou de prestation compensatoire.

En théorie, chaque époux doit être assisté de son propre avocat, même dans le cadre d'un divorce par consentement mutuel. En pratique, certaines plateformes ne respectent pas cette règle ou la contournent en proposant un « pack » géré par deux avocats partenaires. La déontologie de l'avocat impose une loyauté et une écoute active des intérêts de son client : cela implique une disponibilité, une transparence et surtout un contact direct et personnalisé, difficile à assurer dans un modèle low-cost

Un désintérêt à l'asymétrie d'information et de pouvoir entre les époux

Le divorce par consentement mutuel suppose un accord total sur toutes les conséquences du divorce. Mais derrière un consensus apparent peuvent se cacher des déséquilibres importants. L'un des époux peut être dans une position de domination économique, affective ou psychologique. L'un parle mieux français ou est plus familier de l'usage du numérique. C'est souvent celui-là qui va proposer de financer la totalité de démarches en ligne.

Or, les plateformes en ligne ne sont pas toujours en mesure de détecter ces situations, ou du moins leur process ne s'y intéresse pas. Il arrive que l'un des conjoints accepte des conditions défavorables par ignorance de ses droits, par volonté d'aller vite ou par pression implicite. Le risque est alors celui d'un consentement vicié, en contradiction avec l'esprit même du divorce par consentement mutuel.

La rapidité calcule mal la complexité

Les plateformes en ligne fonctionnent souvent sur le modèle de formulaires types et d'algorithmes qui génèrent des conventions standardisées. Si cela peut convenir à des couples sans enfant, sans patrimoine commun ni dettes, cela devient problématique dès que la situation se complique. Comment prendre en compte une indivision immobilière ? Des dettes communes ? Des enfants en résidence alternée complexe ? Une prestation compensatoire en capital ou en rente ? Ces choix requièrent une analyse sur mesure, impossible à garantir dans un traitement automatisé.

Les plateformes en ligne vendent souvent leur service sous la promesse d'un divorce « simple, rapide et pas cher ». Derrière la volonté d'en finir vite, certains époux ne prennent pas le temps de réfléchir aux conséquences à long terme de leurs choix. La convention de divorce, une fois déposée chez le notaire, acquiert force exécutoire : elle est définitive et difficile à contester.

Le divorce en un clic qui n'empêche pas les clashs !

Sans intervention du juge, le divorce par consentement mutuel est un contrat. Ainsi, il peut être annulé sur la base pour le non-respect des formes et en raison d'un vice du consentement !

Et ce n'est pas un cas d'école : par jugement en date du 30 avril 2024, le tribunal judiciaire de Versailles a annulé une convention de divorce par consentement mutuel extra-judiciaire, conclue le 17 octobre 2018. L'épouse a fait valoir en effet que son avocat était absent à la signature et n'avait jamais agi que comme prête-nom pour valider la procédure, que l'avocat avait rédigé seul la convention alors qu'au surplus, elle maîtrisait mal le français.

Attention : si plusieurs difficultés ont été soulevées, le tribunal de Versailles a annulé sur le seul argument de l'absence de l'avocat à la signature. Le tribunal ne prononçait pas l'exécution provisoire mais sans appel ou accord à nouveau réalisé : les époux divorcés en 2018 étaient donc « juridiquement » à nouveau mariés en 2024. Dans un pareil cas, l'épouse peut donc à nouveau solliciter une prestation compensatoire à laquelle elle avait renoncé dans le premier divorce. Le divorce par consentement mutuel devant également finaliser la liquidation du régime matrimoniale : les sommes qui n'auraient pas été déclarées dans la masse à partager, peut-être même sur la base d'un accord de rédaction, sont de nouveau en jeu. Pire, elles seront considérées comme « cachées » par l'autre et définies comme un recel de communauté : celui qui devait en rapporter la moitié devra alors le tout. Alors, économies ?