La fermeture administrative des établissements : qui est concerné et quels sont les recours possibles ?
L'administration peut décider de prononcer la fermeture d'un établissement recevant du public pour sanctionner le non-respect de la réglementation ou pour prévenir un risque d'atteinte à l'ordre public.
La fermeture administrative : de quoi parle-t-on et qui est concerné ?
La fermeture administrative est une décision prise par le préfet - ou dans certains cas, par le maire de la commune, pour mettre fin temporairement à l'activité d'un établissement soit à titre de sanction, suite au non-respect d'une réglementation applicable à l'établissement, comme en matière de droit du travail, soit à titre préventif, au fondement des pouvoirs de police du préfet, afin de prévenir une atteinte à l'ordre public, à la santé, à la tranquillité ou à la moralité publiques. L'infraction doit être suffisamment grave pour justifier une fermeture, dont la durée sera proportionnée à la gravité de l'infraction relevée.
Au surplus, le fait pour l'exploitant ou le propriétaire de ne pas se conformer à une décision de fermeture de son établissement, après mise en demeure du préfet, constitue une infraction pénale et est passible d'une peine d'amende (articles L. 334-1 et L. 334-2 du code de la sécurité intérieure).
Concrètement, la décision de fermeture administrative prend la forme d'un arrêté qui sera notifié directement à l'exploitant ou propriétaire de l'établissement.
Ce type de mesure peut concerner un bar ou débit de boissons, un restaurant, un établissement diffusant de la musique (discothèque, établissement de nuit...) ou encore de vente à emporter, fixe ou mobile. Sont également concernés l'ensemble des établissements recevant du public (salles de spectacle et de jeu, commerces et centres
commerciaux, salles de sport...) en cas de non-respect des règles d'hygiène et de sécurité (incendie par exemple) ou des normes d'accessibilité. De même, les établissements recevant des mineurs (crèches, écoles, centres de loisirs...) peuvent être concernés en cas de manquement à la réglementation spécifique d'accueil, de sécurité et de bien-être des enfants.
Cependant, avant de prononcer la fermeture, l'autorité administrative doit obligatoirement mettre en œuvre une procédure contradictoire ayant pour objet de permettre à la personne concernée de présenter ses observations, orales ou écrites, et, si elle le demande, d'être entendue, le cas échéant assistée ou représentée par un conseil (article L. 122-1 du Code des relations entre le public et l'administration). Pour ce faire, un délai suffisant doit lui être laissé pour lui permettre de répondre - le plus souvent à hauteur d'au moins quinze jours - et faire valoir ses arguments (et pièces éventuelles) en défense.
La procédure contradictoire vise aussi à délivrer une information préalable à la personne sur la nature des infractions reprochées ou du risque invoqué et la durée de fermeture envisagée par l'autorité administrative. En ce sens, elle offre une garantie substantielle pour la personne intéressée. C'est pourquoi, faute pour l'administration de respecter cette obligation ou même de tenir compte des observations reçues préalablement à sa décision, la mesure de fermeture prise sera entachée d'une illégalité dite externe (vice de procédure) et pourra être annulée en cas de contestation devant le juge administratif.
Quels recours possibles en cas de fermeture administrative ?
Dans l'hypothèse où la fermeture administrative est finalement prononcée par l'administration, la légalité de la décision peut être contestée devant le tribunal administratif (puis, le cas échéant, la cour administrative d'appel).
Le délai pour agir s'élève à deux mois à compter de la notification de l'arrêté, soit la date à laquelle il a été remis à son destinataire. Ce délai est impératif, de sorte que toute action postérieure serait déclarée irrecevable, car tardive, et sera rejetée par le juge sans débat, par simple ordonnance.
En pratique, les délais de jugement « au fond », c'est-à -dire pour obtenir l'annulation de l'arrêté, devant la juridiction administrative sont plus longs que la durée maximale d'une fermeture administrative. Par conséquent, pour rendre le recours contentieux efficace, il peut alors être pertinent d'envisager une action en référé. Deux types de référés se distinguent, les deux exigeant en tout état de cause la démonstration d'une urgence dont le degré varie.
D'une part, le référé liberté conduit le juge administratif à se prononcer sous 48 heures (article L. 521-2 du Code de justice administrative). Compte tenu de ce délai très court, l'urgence dont se prévaut le requérant doit donc être une urgence extrême.
Ainsi, si un établissement peut invoquer une importante perte de chiffre d'affaires en raison de l'annulation de réceptions qui devaient se tenir pendant la période de fermeture, il doit en outre verser aux débats les éléments permettant d'apprécier les conséquences de cette perte de recettes sur son équilibre financier, faute de quoi la condition de l'extrême urgence n'est pas caractérisée (CE, 21 mai 2016, n° 399955).
Deuxième condition du succès de la procédure en référé liberté, le requérant doit démontrer l'existence d'une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, telles que notamment la liberté d'entreprendre et la liberté du commerce et de l'industrie.
Le Conseil d'État a toutefois pu préciser que la liberté d'entreprendre « s'entend de celle d'exercer une activité économique dans le respect de la législation et de la réglementation en vigueur et conformément aux prescriptions qui lui sont légalement imposées, tout spécialement lorsqu'elles poursuivent une exigence aussi impérieuse que la protection de la santé publique ». Il en déduit qu'une société qui demande au juge des référés de faire cesser l'atteinte portée à sa liberté de poursuivre l'exploitation de son établissement, sans se conformer toutefois à certaines prescriptions légalement imposées, notamment dans l'intérêt de la santé publique, ne justifie pas d'une atteinte grave à une liberté fondamentale et rejette par conséquent sa demande (CE, ord., 25 avril 2002, société Saria Industries, n° 245414).
D'autre part, il reste toujours possible d'introduire un référé suspension, cette procédure ayant vocation à obtenir du juge qu'il suspende la décision de fermeture, la privant dès lors de ses effets (article L. 512-1 du Code de justice administrative). En pareille hypothèse, le juge administratif se prononce habituellement sous trois semaines à un mois, sans que ce délai ne soit fixé par un texte et donc ne s'impose à lui.
Pour qu'il soit fait droit à sa demande, le requérant doit remplir deux conditions : l'urgence de sa situation, laquelle est moins impérieuse qu'en matière de référé liberté, et la démonstration d'un doute sérieux quant à la légalité de l'acte contesté.
Il importe d'ajouter enfin que l'action en référé suspension doit nécessairement être adossée à une procédure en annulation, dit au fond, faute de quoi elle serait irrecevable.
En définitive, et avant toute saisine de la juridiction administrative, il y a lieu d'affiner la stratégie contentieuse afin de déterminer les objectifs poursuivis et de maximiser les chances de succès, en tenant compte de la durée de fermeture, des circonstances propres à l'établissement et des justificatifs disponibles. Qui plus est, les moyens à développer pour emporter la conviction des juges varieront selon la nature de la décision contestée, selon qu'elle constitue une mesure police ou une sanction.