La médiation, outil révolutionnaire pour désamorcer un conflit en construction ?

par Me Noémie Berthier
Jeudi 3 juillet 2025

Depuis 2023, la médiation poursuit sa structuration dans les textes et trouve une résonance particulière auprès des praticiens dans le ressort de la cour d'appel de Grenoble. À la veille du 14 juillet, voici un point d'étape sur ce puissant mode amiable de règlementdes litiges.

Voilà l'été, le temps des éventuelles déclarations d'amours ou de sinistres. Et l'heure, aussi, des bilans et guides pour préparer son itinéraire vers la rentrée de septembre. À la mi-2025, qu'en est-il de l'offre positive de médiation ? Sa structuration se poursuit au sein de la justice civile amiable (elle-même en cours d'écriture) et elle se distingue dans le ressort de la cour d'appel de Grenoble, en matière civile au sens large, et dans le BTP en particulier.

Période bleue : la médiation, un Mard 1 phare, en cours de construction

Outil ancien de prévention et de résolution des conflits, la médiation connaît une seconde jeunesse, au cœur d'une réforme au long cours de la justice civile, appelée à une révolution culturelle juridique 2.

Au programme : favoriser les voies alternatives de règlement des litiges, tout en préservant le droit fondamental d'accès au juge 3.

Différentes pistes ont été explorées :

- Désignation en 2023, de neuf ambassadeurs de l'amiable, lesquels, à l'issue d'un tour de France de toutes les cours d'appel, ont présenté un rapport en juin 2024 pour favoriser le recours aux Mard ;

- Installation d'un Conseil national de la médiation, lequel a rendu un « rapport d'étape juin 2023 - novembre 2024 » au soutien de la médiation - version XXIe siècle.

- Création et réécriture de différentes dispositions de procédure civile par décrets successifs entrés en vigueur en 2023-2024, dont celui du 29 juillet 2023 favorisant le règlement amiable des litiges devant le tribunal judiciaire, afin, notamment, de favoriser le recours à une médiation à tout moment d'un litige : avant toute action, au cours d'une instance, et même après une décision.

Depuis lors et tout au long du premier semestre 2025, la réflexion collective s'est poursuivie entre praticiens du droit, professeurs d'université et juridictions, avec, entre autres :

- En mars dernier, la première édition des États généraux de l'amiable, organisée par le Conseil national des Barreaux ;

- En avril dernier, un colloque sur « la pratique de l'audience de règlement amiable (ARA) 6 et le régime juridique des Mard », mis sur pied par la cour d'appel de Grenoble,

- En juin dernier, le séminaire « Penser la complexité, pratiquer la médiation : les défis du dialogue et des intelligences », monté par l'Université Toulouse Capitole.

Lors de chacune de ces trois journées, la Direction des Affaires Civiles et du Sceau a annoncé la publication d'un décret portant recodification substantielle du Code de procédure civile, au soutien d'une offre de justice civile amiable novatrice, durant cet été. Affaire à suivre en septembre.

Page blanche : une convention pour la médiation sur la cour d'appel

Le 3 mai 2024, une convention pour favoriser, structurer et harmoniser la tentative de médiation en appel a été signée par la cour d'appel de Grenoble, tous les Barreaux de son ressort (Ordres de Grenoble, de Gap, de Bourgoin-Jallieu, de Vienne et de Valence) et treize associations œuvrant pour la médiation, en présence des cinq tribunaux judiciaires du ressort de la cour.

Ces praticiens se sont accordés sur les principes suivants :

- Définir et structurer l'offre de médiation lorsqu'elle est tentée en appel, en matière civile, commerciale, familiale et sociale ;

- Favoriser le recours aux Mard si la recherche d'une solution à l'amiable paraît adaptée et proportionnée aux besoins des parties concernées.

- Harmoniser les pratiques en cours entre juridictions, auxiliaires de justice et praticiens intervenant dans et hors périmètre du droit, pour garantir l'égal accès à la justice civile.

Depuis, l'offre de médiation se décline ainsi dans le ressort de la cour d'appel de Grenoble :

- En amont, appréciation des dossiers pour lesquels une tentative paraît adaptée ;

- Lors d'une audience, présentation d'une proposition de mode amiable : il s'agit d'en expliquer le processus de médiation et de montrer en quoi il diffère des autres Mard et peut répondre aux besoins spécifiques des dossiers appelés.

- Si le consentement libre et éclairé des parties est recueilli à l'issue de cette audience, ou ultérieurement, désignation d'un médiateur.

Le Conseil national de la médiation a mis en lumière cette convention de la cour d'appel de Grenoble lors du Congrès international des médiations qui s'est tenu à Angers en mars dernier.

Aux dires de Nathalie Fricéro, professeur des universités, membre du Conseil national de la médiation et ambassadrice de l'amiable, après le colloque d'avril dernier,  « l'audience de règlement amiable et les modes de résolution amiable des différends sont vraiment en marche dans le ressort de la cour d'appel de Grenoble ».

Oui, à charge pour les entreprises et leurs conseils de s'emparer pleinement de cet outil.

Guide rouge : la médiation, un outil de paix sociale en puissance

Sous réserve que le différend s'y prête, la médiation est un puissant outil de résolution amiable des différends en matière civile. Y compris, donc, dans le BTP.

Nombre d'assurances favorisent désormais le Mard, en finançant tout ou partie des honoraires des avocats et des médiateurs concourant à la tentative de médiation. Cependant, ce recours à mauvais escient peut être délétère. Il est donc impératif d'apprécier si l'entrée en médiation est adaptée au conflit et d'en sortir si ce n'est plus le cas.

Ces quelques exemples, non exhaustifs, sont utiles pour analyser chacune des situations.

Ainsi, la médiation est inadaptée si le recours au juge est nécessaire pour trancher un point de droit, si le différend porte sur des droits indisponibles, touche à l'ordre public, et/ou implique des parties prises dans une relation déséquilibrée, voire d'emprise psychologique et/ou économique.

En revanche, une médiation peut et doit être tentée dans l'intérêt des justiciables, si la relation en jeu est à fort intuitu personae (par exemple : entre associés de TPE et de PME, voisines), si le différend survient entre cocontractants et/ou partenaires habituels (client, fournisseur, maître d'ouvrage, maître d'œuvre, sous-traitant, assureur, etc.), si le litige mobilise un temps, une énergie et des moyens disproportionnés au regard des résultats espérés et de l'aléa judiciaire.

En pratique, les dossiers en construction sont coûteux en temps, énergie et argent, voire en réputation. Chevillés à l'entreprise, plus ils durent, plus ils deviennent lourds.

En l'état du droit positif, il est désormais possible de tenter une médiation avant, en cours de procès et même après celui-ci. Une décision peut en effet, dans certaines circonstances et conditions strictes, être redéfinie par les parties.

À l'issue d'une médiation au dénouement positif, un accord est coconstruit par les parties elles-mêmes, assistées de leurs éventuels conseils respectifs. Cet accord peut demeurer oral ou être écrit, rester confidentiel ou être officialisé.

Formalisé dans un acte d'avocats et revêtu de la formule exécutoire ou homologué en justice, il aura force exécutoire.

Alors, la médiation est-elle entrée en révolution ? Oui, ce qui, dans le contexte de notre État de droit, paraît opportun. Bel été, et bon 14 juillet, pourquoi pas au musée de la Révolution française de Vizille 7.

1 - Mode de résolution amiable des différends.
2 - Lancement de la politique de l'amiable | Ministère de la Justice : appel à « une révolution culturelle » juridique.
3 - Lire par exemple la « proposition n° 7 : développer la confiance dans les Mard par une offre de justice civile amiable structurée et de qualité » - annexe XII, in Le rapport des États généraux de la Justice | Ministère de la Justice 2021-2022.
4 - Rapport_mission_ambassadeurs_amiable.pdf.
5 - Décret n° 2023-686 du 29 juillet 2023 portant mesures favorisant le règlement amiable des litiges devant le tribunal judiciaire - Légifrance.
6 - « L'audience de règlement amiable : premier anniversaire ! », article de Me Christophe Michoud, paru dans Les Affiches de Grenoble et du Dauphiné du 21 novembre 2024.
7 - https://musees.isere.fr/musee/domaine-de-vizille-musee-de-la-revolution-francaise.