Choisir de déléguer l'exercice de son autorité parentale

par Me Anne-Lise Barbier
Lundi 7 juillet 2025

Il peut arriver au cours d'une vie qu'un parent ne se sente plus en capacité d'assumer pleinement ses droits et devoir envers son enfant mineur, ou que l'intérêt de son enfant soit de pouvoir être élevé par un tiers. Dans ce cas, il est possible de transférer volontairement tout ou partie de l'exercice ce son autorité parentale.

Qu'est-ce que l'autorité parentale ?

Elle est définie par le Code civil comme un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l'intérêt de l'enfant. Elle appartient aux parents jusqu'à la majorité ou l'émancipation de l'enfant. La raison d'être de cette autorité parentale est de protéger l'enfant dans sa sécurité, sa santé, sa vie privée et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne.

Par principe, l'autorité parentale est exercée conjointement par les deux parents et cela signifie qu'ils doivent prendre ensemble, dans l'intérêt de leur enfant, les décisions importantes concernant sa santé, son orientation scolaire, son éducation religieuse ou son changement de résidence.

Pourquoi vouloir déléguer l'exercice de son autorité parentale ?

Les parents, ensemble ou séparément, peuvent choisir de déléguer l'exercice de leur autorité parentale à un tiers. Il ne s'agit pas ici d'aborder les situations les plus extrêmes dans lesquelles une délégation de l'autorité parentale est demandée par un tiers et imposée dans le but exclusif de protéger un enfant (exemple : désintérêt pour l'enfant, impossibilité d'exercer son autorité parentale par le parent ou contexte de crime ou agression sexuelle).

Il s'agit au contraire d'aborder des situations dans lesquelles il peut être de l'intérêt de l'enfant, à la demande de son/ses parents, qu'une tierce personne soit en mesure de prendre des décisions relatives à sa santé ou son éducation. Cela pourrait être le cas d'un parent qui souhaite donner un statut légal à son nouveau conjoint, lequel participe à l'éducation de ses enfants issus d'une précédente union. L'intérêt pour la délégation de l'autorité parentale pourrait également survenir, pour un parent, dans l'hypothèse où son enfant habite au quotidien avec un membre de sa famille qui a besoin de prendre des décisions concernant l'enfant avec plus d'autonomie. Un parent gravement malade pourrait aussi envisager une délégation de son autorité parentale au profit des grands-parents de son enfant par exemple.

Quelles sont les conditions
à la délégation de l'autorité parentale ?

La possibilité d'une délégation de l'autorité parentale est prévue par la loi, à la condition que le tiers bénéficiant de la délégation soit un tiers digne de confiance. Même si les textes mentionnent un seul tiers, la jurisprudence a même accepté que la délégation intervienne au profit de plusieurs personnes, en particulier d'un couple, ou de grands-parents.

Il faut également que les circonstances l'exigent et que l'intérêt supérieur de l'enfant soit respecté. Il ne suffit pas d'expliquer que la délégation correspond à la réalité de l'organisation quotidienne de l'enfant. Il faut pouvoir démontrer que la délégation permettra d'améliorer la protection de l'enfant ou ses conditions de vie.

Comment procéder ?

Pour obtenir une délégation de l'autorité parentale, il faut saisir le juge aux affaires familiales d'une requête exposant l'ensemble des motifs de la délégation. Si un parent fait seul la demande, l'autre parent doit obligatoirement être appelé à la procédure afin de donner son avis (si nous ne sommes pas dans un cas, bien sûr, où l'autre parent est décédé ou inconnu).

Lorsque l'exercice de l'autorité parentale est partagé entre les deux parents et que l'un s'oppose à la délégation, le juge ne pourra pas la prononcer, à moins que l'autre ne demande que le parent opposant soit déchu de son propre exercice de l'autorité parentale. L'enfant concerné par la procédure n'a pas à être entendu par le juge, sauf s'il en fait la demande et qu'il dispose d'un discernement suffisant (comme dans toute procédure le concernant).

Les parties, ainsi qu'éventuellement la personne à qui l'enfant a été confié, sont appelées à se présenter pour être entendues lors d'une audience, au cours de laquelle elles peuvent intervenir seules ou assistées de leur avocat. Le juge peut aussi entendre toute autre personne dont il estimerait l'audition utile à sa décision. Le procureur de la république devra enfin donner un avis sur la demande de délégation.

Si le juge considère que toutes les conditions ne sont pas remplies, et en particulier que l'intérêt de l'enfant n'est pas suffisamment préservé, il refusera purement et simplement la délégation. Mais il peut aussi, avant de prendre toute décision, décider de faire procéder à une mesure d'instruction, comme par exemple une enquête sociale ou une expertise médico-psychologique.

Si, au contraire, toutes les conditions sont remplies et que l'intérêt de l'enfant est respecté, le juge prononcera à l'issue du temps de son délibéré, la délégation totale ou partielle de l'autorité parentale.

Quelles sont les conséquences de la délégation ?

Les parents restent titulaires de leur autorité parentale. Ce n'est que son exercice qui est délégué. La délégation peut être totale ou partielle. Le parent demandant la délégation peut ainsi préciser si le tiers aura le droit de prendre des décisions concernant le suivi médical de l'enfant, le lieu de sa scolarisation par exemple, ou même de consentir à son émancipation ou à son mariage. Si la délégation est totale, le tiers délégataire pourra ainsi prendre toutes les décisions concernant l'enfant, et il en devient civilement responsable. La seule limite réside dans l'impossibilité de déléguer le consentement à l'adoption de l'enfant.

Par ailleurs, les parents demeurent, seuls, les administrateurs légaux des biens de leur enfant. Autrement dit, le patrimoine de l'enfant demeure géré par les parents, même si un débat peut encore subsister à ce sujet.

De surcroît, la délégation peut être partagée ou non. Avec la délégation-partage, le parent déléguant conserve lui aussi l'exercice de l'autorité parentale, laquelle est seulement partagée avec le tiers. Dans ce cas, les décisions les plus importantes devront être prises ensemble, entre le ou les parents et le tiers bénéficiaire de la délégation.

Il peut également survenir des difficultés ou des désaccords que le juge aux affaires familiales pourra être amené à trancher, comme il le ferait dans toute situation classique de désaccord entre parents.

La délégation de l'autorité parentale peut s'accompagner d'une modification de la résidence habituelle de l'enfant, avec mise en place d'un droit de visite et d'hébergement pour le ou les parents.

Par ailleurs, la délégation de l'autorité parentale ne met pas fin à l'obligation des parents de contribuer à l'entretien et éducation de leurs enfants. En pratique, ils pourront donc être condamnés à verser une pension alimentaire au tiers chez qui leur enfant a sa résidence habituelle.

Comment la délégation prend-elle fin ?

Dans l'hypothèse de circonstances nouvelles, il pourra toujours être revenu sur la délégation de l'autorité parentale, soit pour confier l'enfant à un autre tiers, soit tout simplement pour que les parents retrouvent seuls le plein exercice de leur autorité parentale.

Il ne s'agit donc jamais d'une mesure irrévocable. Il faut, ainsi, privilégier l'adoption de l'enfant du conjoint dans le cas où le souhait serait celui de créer un vrai lien de filiation, si les conditions légales d'une telle adoption, simple ou plénière, sont bien sûr remplies.

Quoi qu'il en soit, la délégation de l'autorité parentale prendra fin naturellement à la majorité de l'enfant s'il n'y est pas mis fin avant.