Succession internationale : tous concernés !
Bien anticiper sa succession est la garantie que vos biens seront transmis à vos héritiers dans les meilleures conditions et que leurs intérêts seront préservés. Néanmoins, dans un contexte international, la transmission successorale peut s'avérer plus compliquée qu'en droit interne.
Est-ce la loi française qui va régir ma succession ? Mes biens seront-ils taxés en France ou à l'étranger ? Ce sont autant de questions qui, si elles n'ont pas été résolues en amont avec l'aide d'un notaire spécialisé en droit international privé, peuvent exposer votre entourage à de mauvaises surprises. Tour d'horizon du sujet en trois questions.
Qui peut être concerné par une succession internationale ?
Nul besoin d'être un globe-trotter pour être confronté à cette problématique. Il suffit que votre succession présente un élément dit « d'extranéité » pour être qualifiée de succession internationale. Et ces éléments d'extranéité sont beaucoup plus fréquents qu'on ne l'imagine :
- Si l'un des héritiers est étranger ;
- Si le défunt possède un ou plusieurs biens dans un pays autre que celui de sa nationalité ou de sa résidence ;
- Si le défunt décède à l'étranger.
Travailleur transfrontalier, expatrié ou installé définitivement à l'étranger : nous sommes tous potentiellement concernés par le sujet.
Quelle est la loi applicable à la succession internationale ?
La très médiatique affaire de la succession de Johnny Hallyday a mis en évidence l'importance cruciale de la détermination de la loi applicable en matière successorale. L'enjeu est de taille, car c'est en effet la loi applicable à la succession qui détermine notamment :
- Les bénéficiaires de votre succession (votre conjoint, vos parents, vos enfants... ) ;
- Si vous pouvez déshériter un membre de votre famille ;
- Si une partie de votre succession peut être réservée à certaines personnes (vos enfants par exemple) ;
- Si les libéralités que vous avez consenties de votre vivant sont considérées comme des avances sur votre succession ;
- Les droits de vos héritiers.
Selon la loi applicable, les règles de dévolution successorale peuvent réserver de très mauvaises surprises aux héritiers, en les privant notamment de leur part réservataire, ou en créant des inégalités entre héritiers masculins ou féminins par exemple.
Le principe : la loi de la résidence habituelle. Depuis le 17 août 2015, date d'entrée en vigueur du règlement européen (UE) n° 650/2012 sur les successions, l'ensemble de la succession est régi par une loi unique : celle de la dernière résidence habituelle du défunt. Il faut noter que l'intégralité du patrimoine du défunt est concernée par cette règle, quels que soient la nationalité de la personne décédée, le lieu de situation de ses biens, la nature des biens (biens meubles comme les comptes bancaires ou les parts de société ; biens immeubles).
Une personne résidant en France au moment de son décès voit ainsi sa succession soumise à la loi française, même si elle est de nationalité étrangère. Inversement, la succession d'un Français qui réside à l'étranger peut être régie par une loi étrangère, alors même que l'essentiel du patrimoine de cette personne est situé sur le territoire français.
Le règlement UE a un caractère universel. Cela signifie que les États signataires de ce règlement (États de l'UE sauf le Royaume-Uni, l'Irlande et le Danemark) doivent appliquer la loi désignée par le règlement, qu'il s'agisse de la loi d'un État signataire ou d'un état tiers non-membre de l'UE. Attention ! Il peut arriver que la loi de l'État tiers désignée par le règlement UE, renvoie elle-même à une autre loi successorale. Exemple : Monsieur Armand, de nationalité française, décède à Milan où il résidait habituellement ; c'est la loi italienne qui s'applique (l'Italie étant un État membre de l'UE). Mais si Monsieur Armand décède à Marrakech où il vivait, la loi marocaine, désignée par le règlement, prévoit un renvoi à la loi nationale du défunt ; c'est donc la loi française qui, en définitive, s'appliquera (le Maroc étant un État tiers).
Par exception, si le défunt présentait des liens manifestement plus étroits avec un État autre que celui de sa dernière résidence habituelle, on appliquera la loi de cet autre État (c'est le cas par exemple du salarié français qui vit en France avec sa famille et qui est en mission de six mois à l'étranger ; la loi française s'applique dans ce cas).
Définir la résidence habituelle ? Pas simple... La difficulté tient au fait que le règlement UE ne définit pas ce qu'est la résidence habituelle, critère pourtant déterminant pour connaître les règles qui vont régir la succession. Il faut comprendre que la notion de « résidence » se distingue de celle de « domicile » :
- Le domicile est le lieu où se situe une personne « en droit », c'est-à-dire le lieu auquel tous les actes officiels lui sont transmis.
- La résidence est une situation de fait, qui correspond au lieu où une personne habite la plupart du temps.
Si, le plus souvent, ces deux notions coïncident, elles n'en demeurent pas moins distinctes, de sorte que la « résidence habituelle » peut être différente du « dernier domicile du défunt ». Par exemple, s'agissant d'une personne qui vivait en France depuis plusieurs années pour des raisons de santé, sans y avoir déplacé son dernier domicile resté à l'étranger, on peut penser que la loi étrangère serait applicable à la succession.
La « résidence habituelle » peut différer par ailleurs du « domicile fiscal », défini en droit français comme le lieu où la personne a son foyer/son lieu de séjour principal, ou son activité professionnelle principale, ou le centre de ses intérêts économiques.
Et si la loi de la résidence habituelle ne me convient pas ? À travers les exemples que l'on vient de citer, on mesure combien il peut être compliqué de définir la loi applicable à la succession. Afin de sécuriser la transmission successorale dans un contexte international, il est désormais possible (et même conseillé !) de choisir, comme loi régissant l'ensemble de sa succession, la loi de l'État dont on possède la nationalité. Si vous avez plusieurs nationalités, vous pouvez choisir la loi de l'un de ces pays. Ce choix (appelé professio juris) doit se faire de manière expresse dans un testament rédigé avec l'aide de votre notaire. On peut choisir la loi de tout État dont on a la nationalité. Exemple : un Franco-Belge peut désigner la loi française ou belge pour régir sa succession. À l'inverse, choisir une loi étrangère, par pure convenance personnelle, pour éluder l'application de certaines règles d'ordre public (comme la réserve héréditaire par exemple), serait totalement inefficace.
Que deviennent les dispositions prises en France ? Vous êtes nombreux à prendre, de votre vivant, certaines précautions en faveur de vos proches. Il faut savoir que certains montages, tels que les donations entre époux ou les donations-partages, peuvent ne pas être reconnus à l'étranger et leur efficacité réduite à néant. Là encore, la consultation préalable auprès d'un notaire s'impose avant tout projet de départ à l'étranger, afin de s'assurer de la cohérence entre la loi applicable à ce que vous avez déjà mis en place et celle qui pourrait l'être à votre succession. D'une manière générale, on recommande à nos clients concernés par un élément d'extranéité de préciser, dans chaque acte notarié, la loi applicable à cet acte et à leur succession.
Quelle est la fiscalité applicable en matière de succession internationale ?
Le règlement UE n° 650/2012 ne régit que les règles civiles applicables aux successions. La fiscalité applicable relève, quant à elle, des règles de droit fiscal des pays concernés. En clair, une succession peut, sur le plan civil, obéir aux règles d'un État, mais être taxée dans un autre État. Le plus souvent, il existe des conventions internationales qui visent à éviter une double imposition. Dans quels cas la loi fiscale française s'applique ? Sauf convention fiscale contraire avec un autre État, l'administration fiscale française taxera selon ses propres règles :
- Tous les biens (en France ou à l'étranger) des défunts qui étaient résidents fiscaux français ou de leurs héritiers à condition qu'ils aient été résidents fiscaux français pendant six ans au cours des dix dernières années ;
- Tous les biens situés en France des défunts non-résidents.
Pour éviter la double imposition, les droits de succession payés le cas échéant à l'étranger sont déductibles de l'impôt exigible en France. Au final, le maître-mot à l'international est d'anticiper.