La définition du résultat exceptionnel d'une société et sa distribution
Le résultat d'une société représente la différence entre les produits (revenus) et les charges (dépenses) de la société, sur une période donnée (généralement un exercice comptable d'un an).
Lorsqu'une société dispose de la personnalité juridique, les bénéfices qu'elle réalise (qu'ils soient courants ou exceptionnels) appartiennent à la personne morale elle-même et ne peuvent être directement perçus par les associés. La personnalité juridique fait écran : elle empêche toute appropriation immédiate des sommes par les associés. Ces bénéfices constituent une richesse propre à la société, intégrée à son patrimoine. Même si leur existence peut indirectement augmenter la valeur des droits sociaux des associés, ces derniers ne peuvent en disposer directement.
Pour que les associés puissent intégrer dans leur patrimoine personnel les richesses produites par la société, une opération juridique préalable est indispensable : la décision de distribution. Ce n'est qu'à compter de cette décision que les sommes peuvent être attribuées aux associés.
Cette décision de distribution s'applique tant aux résultats courants, qu'aux résultats exceptionnels. Peu importe donc l'origine de la somme. Elle ne profite à l'associé que lorsqu'elle est distribuée. La différence de qualification entre résultat courant et résultat exceptionnel est néanmoins primordiale. La qualification du résultat va déterminer le bénéficiaire de la somme, notamment en cas de démembrement des parts. Autrement dit, selon la nature de l'opération à l'origine du résultat, celui-ci sera distribué soit à l'usufruitier des parts, soit au nu-propriétaire.
Définition du résultat exceptionnel
Par arrêté du 26 décembre 2023, la définition comptable du résultat exceptionnel a été profondément revisitée. Désormais codifié à l'article 513-5 du plan comptable général (PCG), le résultat exceptionnel est défini comme « les produits et charges directement liés à un évènement majeur et inhabituel ».
Un événement est présumé inhabituel lorsqu'il ne s'est pas produit au cours des derniers exercices comptables et qu'il est peu probable qu'il se reproduise au cours des prochains.
L'événement est majeur s'il a des conséquences importantes sur le patrimoine de la société, son résultat ou s'ils obligent les associés à prendre des décisions exceptionnelles.
Les opérations, dont la réalisation concerne l'activité normale et courante de l'entité, sont exclues du résultat exceptionnel et sont inscrites dans le résultat courant.
La distribution du résultat
L'article 582 du Code civil dispose qu'en présence d'un démembrement de propriété, l'usufruitier a le droit aux fruits produits par l'objet dont il a l'usufruit.
Si je suis titulaire d'un usufruit sur un bien immobilier, j'ai donc le droit de percevoir les revenus générés par ce bien immobiliers (exemple : les loyers). De la même manière, lorsque je suis titulaire de l'usufruit de parts sociales, j'ai le droit de percevoir le résultat courant, qualifié de fruit par la jurisprudence. Dans une société patrimoniale, le résultat courant serait par exemple constitué de tous les revenus des biens sociaux.
La qualification de fruits a pu être rejetée par la Cour de cassation en présence de sommes mises en réserve. Pour elle, la mise en réserve modifie la nature du bénéfice. Aussi, le 27 mai 2015, la chambre commerciale affirmait que la somme placée en réserve revient au nu-propriétaire ou à l'usufruitier sous la forme d'un quasi-usufruit, sauf convention contraire. Le 22 juin 2016, la première chambre civile affirmait que « si l'usufruitier a droit aux bénéfices distribués, il n'a aucun droit sur les bénéfices qui ont été mis en réserve, lesquels constituent l'accroissement de l'actif social et reviennent en tant que tel au nu-propriétaire ».
Dans un arrêt récent rendu le 19 septembre 2024, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a dû répondre à la question suivante : les bénéfices ayant pour origine des résultats exceptionnels, tels ceux issus de la vente d'un actif social, peuvent-ils faire l'objet d'une distribution à l'usufruitier, ou doivent-ils revenir au nu-propriétaire ou donner lieu à un quasi-usufruit ?
Le contexte était le suivant : une société civile vend l'ensemble de ses actifs immobiliers, dont un bien constituant un centre commercial. Les associés réunis en assemblée générale décident de l'affectation du résultat exceptionnel et de sa distribution partielle. Certaines parts étant démembrées, c'est l'usufruitier qui prend part au vote et décide à qui la société verse l'intégralité du dividende relatif auxdits titres. L'un des associés nu-propriétaire conteste. Selon lui, le résultat constitué par la vente de l'actif unique de la société n'était pas un bénéfice lié à l'activité courante de la société et n'avait pas vocation à être distribué aux usufruitiers.
Pour répondre à ce litige, la Cour de cassation rappelle les dispositions du Code civil (art 582) : « l'usufruitier a le droit aux fruits de la chose objet de l'usufruit. Il a l'obligation de conserver la substance de cette chose. » Cet article signifie que dès lors que la substance de la chose est affectée, il n'y a plus « un fruit » mais il y a « un produit ». Le fruit revient à l'usufruitier et le produit au nu-propriétaire.
Elle considère, en l'espèce, que « la distribution sous forme de dividendes, du produit de la vente, de la totalité des actifs immobiliers d'une société civile immobilière, affecte la substance des parts sociales grevée d'usufruit en ce qu'elle compromet la poursuite de l'objet social et l'accomplissement du but poursuivi par les associés ». En conséquence de cette affectation, le dividende aurait dû revenir au nu-propriétaire, ou à l'usufruitier au titre d'un quasi-usufruit.
La solution aurait-elle été la même si seulement un actif de la société avait été vendu ? Si la cession d'un seul actif ne compromet pas l'objet social et n'affecte pas la substance des parts, la qualification de fruits pourrait être retenue. Ce dividende, issu pourtant d'un résultat exceptionnel, pourrait ainsi être tourné vers l'usufruitier. La simple distinction entre résultat courant et résultat exceptionnel n'est pas suffisante. La question à se poser dorénavant et la suivante : la distribution compromet-elle l'objet social ? Affecte-t-elle la substance des droits sociaux ?
La Cour de cassation nous rappelle que ces règles s'appliquent à défaut d'aménagement conventionnel. Les parties pourraient ainsi décider, dans les statuts, de définir exactement la nature de chaque résultat et les modalités de son attribution (exemple : attribution au titre d'un quasi-usufruit, obligation de remploi, partage entre nu-propriétaire et usufruitier).
La rédaction de vos statuts doit être effectuée avec précision par vos professionnels du droit. Rapprochez-vous de votre notaire.