La régularisation des permis de construire

par Me Gonzague Laumet
Lundi 28 juillet 2025

Face aux risques d'annulation totale, le droit de l'urbanisme a progressivement intégré des mécanismes de régularisation. Ces outils permettent aujourd'hui de corriger certains vices sans compromettre l'ensemble du projet, tout en encadrant strictement les conditions de leur mise en œuvre.

Le besoin de pouvoir « sauver » des autorisations d'urbanisme

Les prémisses

Longtemps, une illégalité même légère pouvait conduire à l'annulation totale d'une autorisation d'urbanisme et ce, alors même que les règles du plan d'occupation des sols/plan local d'urbanisme avaient pu évoluer durant le temps de la procédure et ne permettaient plus qu'un projet corrigé soit déposé puis accordé. Ces légers vices pouvaient porter tant sur la délégation de signature accordée à l'adjoint, que sur une pente de toiture légèrement faussée ou tout simplement un dossier incomplet.

Par une loi du 13 juillet 2006, le législateur a permis de limiter l'annulation en instaurant le mécanisme d'annulation partielle, c'est-à-dire limitée à une partie identifiée et divisible du projet : « Lorsqu'elle constate que seule une partie d'un projet de construction ou d'aménagement ayant fait l'objet d'une autorisation d'urbanisme est illégale, la juridiction administrative peut prononcer une annulation partielle de cette autorisation. L'autorité compétente prend, à la demande du bénéficiaire de l'autorisation, un arrêté modificatif tenant compte de la décision juridictionnelle devenue définitive. »

Puis, le Conseil d'État a posé une première pierre dans l'édifice en jugeant que lorsqu'un permis de construire est entaché d'une illégalité qui peut être corrigée par l'obtention d'un permis modificatif, le juge peut, sur le fondement de l'article L. 600-5 du Code de l'urbanisme, prononcer l'annulation seulement partielle de ce permis de construire (CE, 23 février 2011, SNC Hôtel de la Bretonnerie, n° 325179).

La volonté forte du législateur avec l'accroissement du rôle du juge administratif

Le tournant du parti pris des pouvoirs publics en faveur de la régularisation des autorisations d'urbanisme a été franchi avec l'ordonnance n° 2013-638 du 18 juillet 2013, relative au contentieux de l'urbanisme. Ella a ajouté un article L. 600-5-1 dans le Code de l'urbanisme permettant un mécanisme de sursis à statuer.

Concrètement, lorsque le juge identifie un ou plusieurs vices, il prononce une décision avant-dire droit qui, d'une part écarte les moyens infondés, et d'autre part identifie ceux fondés tout en accordant un délai aux porteurs de projets pour déposer un permis de construire de régularisation. Si ce dernier est accordé par l'autorité administrative, il est ensuite versé au dossier contentieux. La contestation de ce permis de régularisation se faisant dans le cadre de l'instance en cours, synonyme d'un gain de temps pour le porteur du projet.

En vertu de l'article L. 600-5-1 du Code de l'urbanisme, la mise en œuvre du mécanisme est subordonnée à deux conditions : un vice entachant l'acte est susceptible d'être régularisé et que les autres moyens ne sont pas fondés.

Avec la loi ELAN (loi n° 2018-1021) la recherche d'une possible régularisation n'étant plus une faculté, mais une obligation pour la juridiction administrative : « Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire [...] estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé. »

Si le texte ne parle que parle que « d'un vice » au singulier, la régularisation d'une autorisation d'urbanisme peut évidemment concerner plusieurs vices (CE, 3 juin 2020, no 420736).

La possibilité offerte au porteur du projet de jouer un rôle moteur

La régularisation d'un vice identifié par le promoteur ou son avocat peut aussi conduire non pas à attendre la décision avant-dire droit mais à obtenir un permis de construire modificatif spontané.

Dans ce cas, lorsque le juge reçoit en cours d'instance cet acte, il peut le prendre en considération sans être tenu de surseoir à statuer, dès lors qu'il a préalablement invité les parties à présenter leurs observations sur la question de savoir s'il permet une régularisation en application de l'article L. 600-5-1.

Le contentieux qui pourrait se nouer autour de ce permis spontané se ferait dans le cadre de l'instance en cours (article L. 600-5-2 c. urb.), ce qui est un gain de temps pour le projet, mais aussi il offre une meilleure visibilité sur le sort du projet pris dans son ensemble.

Un champ vaste et encadré

Qu'est-ce qu'une « mesure de régularisation » ?

La loi ELAN a supprimé de l'article L. 600-5-1 la notion de permis modificatif, ne laissant subsister que celle de régularisation, une notion plus large qui permet d'affranchir les possibilités de régularisation des limites attachées au permis modificatif. Tirant les conséquences de cette évolution textuelle, le Conseil d'État a dit pour droit qu'un vice entachant le bien-fondé de l'autorisation d'urbanisme est susceptible d'être régularisé « même si cette régularisation implique de revoir l'économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d'urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n'implique pas d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même » (CE, sect., 26 juillet 2022, Mme Vincler / commune de Montreuil, n° 437765).

Une « mesure de régularisation » ne peut pas être implicite ou déduite : la seule évolution favorable d'une réglementation ne peut, à elle seule, être regardée comme une mesure de régularisation de l'autorisation d'urbanisme contestée. (CE, 4 mai 2023, n° 464702).

Les limites de la fraude

Le juge ne peut faire application des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 lorsque l'autorisation d'urbanisme dont il est saisi est entachée de fraude (CE, 11 mars 2024, commune de Saint-Raphaël, no 464257), ni ne recevoir de permis modificatif spontané (CE, 18 décembre 2024, n° 490711). Celle-ci s'appréciant à la date à laquelle l'administration se prononce (CE, 15 février. 2019, commune de Cogolin, no 401384).

Quid des vices qui perdureraient après tentative de régularisation ?

Tout d'abord, s'agissant d'une règle de fond (non-respect du PLU, du Code de l'urbanisme, de la loi Montagne...) ; les règles applicables pour savoir si la mesure de régularisation est fondée s'apprécient à la date à laquelle le juge statue et non pas à la date du permis initial.

Ensuite, dans l'hypothèse où, après un premier sursis à statuer, la mesure de régularisation notifiée n'a pas été de nature à régulariser le vice affectant l'autorisation d'urbanisme initiale, le juge ne peut pas prononcer un second sursis à statuer, il doit annuler la décision (CE sect., 14 octobre 2024 société Saint-Saturnin Roussillon Ferme, n° 471936). Cette solution ne vaut que si un vice propre entache la mesure de régularisation. Dans ce cas précis, le juge a toujours la faculté de sursoir à statuer ou d'annuler partiellement l'autorisation contestée afin de permettre la régularisation de la mesure de régularisation (CE, 17 mars 2021, req. n° 436073).

Ainsi, en cas de sursis à statuer infructueux, le juge administratif n'a pas à sursoir à statuer, à nouveau, ou bien annuler partiellement l'autorisation viciée pour offrir au pétitionnaire la possibilité de la régulariser. Une fois sa chance passée, le pétitionnaire n'a pas le droit à une seconde chance.