Droit de la copropriété : une matière toujours en mouvement
Depuis le début de cette année, le droit de la copropriété n'a cessé d'évoluer tant au niveau législatif que jurisprudentiel nécessitant une vigilance de tout instant notamment pour les professionnels du secteur. Panorama chronologique de l'actualité sur les six premiers mois de l'année.
Les impayés et la mise en demeure préalable
Dans un avis du 12 décembre 2024 n° 24-70.007, la Cour de cassation, saisie par le tribunal judiciaire de Marseille, indique que la mise en demeure, visée à l'article 19-2 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, doit préciser la nature et le montant des provisions réclamées au titre du budget prévisionnel de l'exercice en cours ou des dépenses pour travaux non comprises dans ce budget, à peine d'irrecevabilité de la demande présentée devant le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond sur le fondement de ce texte.
Les conséquences de la loi Climat et résilience
À compter du 1er janvier 2025, sont entrés en vigueur :
- L'obligation pour les copropriétaires de moins de 51 lots de constituer un fonds travaux, cette épargne collective vise à financer les rénovations énergétiques et les travaux d'entretien ;
- L'obligation pour les copropriétés de 50 à 200 lots de réaliser un DPE collectif pour les immeubles dont le permis de construire est antérieur à 2013.
- L'obligation pour les ventes de maisons individuelles ou immeubles en monopropriété classés E, de réaliser un audit énergétique qui s'ajoute au DPE ;
- L'interdiction de louer les logements classés G au diagnostic de performance énergétique (DPE).
Cette interdiction, qui s'applique aux nouveaux contrats, renouvellements et reconductions tacites, oblige les propriétaires à entreprendre des travaux de rénovation énergétique. Les bailleurs récalcitrants s'exposent à des sanctions accrues, incluant des amendes et l'impossibilité de percevoir des loyers jusqu'à mise en conformité. Cependant, cette règle semble avoir été assouplie en matière de copropriété avec une proposition de loi adoptée par le Sénat le 26 mars 2025 qui prévoit que si une copropriété a engagé un contrat basé sur un DPE, un audit énergétique ou un plan pluriannuel de travaux (PPT), l'indécence énergétique peut être suspendue pour une durée maximale de cinq ans. Ainsi, les copropriétés peuvent maintenir des milliers de logements F ou G sur le marché locatif, à condition de programmer des travaux.
Rappel du rôle limité d'un copropriétaire pour une action en justice concernant les désordres affectant les parties communes
Dans une décision de la troisième chambre civile de la Cour de cassation, en date du 30 janvier 2025 (n° 23-13.325), il est rappelé un principe fondamental du droit de la copropriété. Un copropriétaire ne peut pas, à lui seul, engager une action en justice pour obtenir une indemnisation liée à des désordres affectant les parties communes. Ce droit d'agir appartient exclusivement au syndicat des copropriétaires.
Ce point est crucial, notamment dans les situations où des travaux mal réalisés entraînent des pertes financières, comme une baisse de loyer ou une vacance locative. Dans l'affaire jugée, un copropriétaire tentait d'obtenir réparation à titre personnel pour des dommages concernant une partie commune. La haute juridiction a rejeté cette demande, car elle estime que seul le syndicat des copropriétaires peut le faire.
Ainsi, si un copropriétaire peut agir seul pour faire cesser une atteinte à ses droits, y compris venant de désordres affectant les parties communes, il ne peut obtenir de dommages et intérêts à ce titre.
Petit rappel jurisprudentiel en matière d'autorisation de travaux
Par un arrêt du 6 février 2025 (n° 23-18586), la troisième chambre civile de la Cour de cassation a rappelé que lorsqu'une décision d'autorisation de travaux est afférente à la fois aux parties communes générales et aux parties communes spéciales, cette décision doit être adoptée par l'assemblée générale réunissant les copropriétaires des parties communes générales.
L'obligation de formation des collaborateurs d'agents immobiliers enfin encadrée
La formation initiale et continue des collaborateurs de syndics est rendue obligatoire par un décret du Conseil d'État du 25 février 2025, avec une obligation de formation initiale de 42 heures.
Les conséquences de l'annulation de la désignation du syndic
Dans un arrêt rendu le 27 février 2025 (n° 23-14.697), la troisième chambre civile de la Cour de cassation a jugé que l'annulation de la désignation d'un syndic par l'assemblée générale oblige ce dernier à rembourser au syndicat des copropriétaires l'ensemble des honoraires perçus. Pour éviter ce risque, les syndics doivent convoquer une nouvelle assemblée générale dès qu'un doute juridique pèse sur la validité de leur nomination, afin de régulariser leur mandat.
Copropriété, résidence de tourisme, bail commercial et actions contre les constructeurs.
Les résidences de tourisme constituent des copropriétés particulières. Bien que soumises aux règles issues de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété, elles relèvent également de certaines dispositions du code du tourisme imposant l'intervention d'un exploitant.
Plusieurs immeubles, soumis au statut de la copropriété pour ensuite être exploités comme résidences de tourisme, ont été construits dans le cadre d'une vente en l'état futur d'achèvement.
Divers désordres ayant été constatés, les syndicats de copropriétaires de ces immeubles ont assigné en référé expertise l'assureur dommages-ouvrage, ainsi que les différents intervenants à la construction et leurs assurances respectives.
Dans deux arrêts du 22 mai 2025 (N° 23-19.544 et 23-19.545), la Cour de cassation rappelle que, même en présence d'une clause subrogeant l'exploitant dans ses droits et actions contre les constructeurs et leurs assureurs, celle-ci n'a pas pour effet de priver un syndicat des copropriétaires de sa qualité à agir à leur encontre en vue d'obtenir la réparation des dommages affectant les parties communes de l'immeuble.
Modalités d'affichage et de notification de l'arrêté de la personne publique procédantà une expropriation pour cause d'utilité publique
Rappelons que l'expropriation pour cause d'utilité publique est une procédure qui permet à une personne publique de contraindre une personne privée ou morale, y compris donc un syndicat des copropriétaires, à céder la propriété de son bien, moyennant le paiement d'une indemnité aux fins de réaliser un ouvrage public ou un aménagement urbain.
Lorsque l'expropriation concerne un bien situé en copropriété la situation se complique sur le plan juridique.
Le décret N° 2025-228 du 10 mars 2025 vise ainsi à encadrer les modalités d'affichage des arrêtés d'expropriation dans les lieux publics et les propriétés concernées, avec une notification formelle au syndic et à tous les copropriétaires avec des délais de recours strictement encadrés.
La transformation de bureaux en logements au sein d'une copropriété
Jusqu'à présent, la transformation des parties privatives à usage autre que d'habitation (bureaux, ateliers...) en logements ne pouvait se faire qu'à l'unanimité des copropriétaires, lorsque cette transformation contrevenait à la destination de l'immeuble. L'opposition d'un seul copropriétaire suffisait pour que le changement n'ait pas lieu.
La loi du 16 juin 2025 modifie cela : désormais, l'approbation de cette transformation par l'assemblée générale des copropriétaires se fait à la majorité des voix exprimées, soit la majorité de l'article 24. Cette majorité est également applicable pour la modification de la répartition des charges qui résulte de ce changement de destination.
L'obligation pour les professionnels du secteur d'une veille juridique permanente est de plus en plus accrue et nécessite l'accompagnement par un professionnel du droit pour cerner les conséquences dans l'exercice quotidien de leurs missions.