Les salariés proches aidants : quels impacts dans la gestion des ressources humaines ?

par Me Marlène Pencoat
Publié Mardi 2 septembre 2025

Il est urgent pour les employeurs de prendre conscience que, dès 2030, un salarié sur quatre aura le statut de proche aidant. Se questionner maintenant sur les conséquences et les mesures de gestion RH possibles est fortement conseillé pour anticiper les enjeux de demain.

Qu'est-ce qu'un salarié aidant ?

Reconnaissons que la notion même de « proche aidant » est encore inconnue pour de nombreuses personnes. Se trouve en situation d'aidance, toute personne qui « vient en aide, de manière régulière et fréquente, à titre non professionnel, pour accomplir tout ou partie des actes ou des activités de la vie quotidienne » (article L.113-1-3 du Code l'action sociale et des familles). Le salarié devient ainsi aidant souvent à l'occasion de la perte d'autonomie d'un proche, du fait de l'âge, de la maladie ou du handicap.

Contrairement aux idées reçues, les aidants sont majoritairement (à 61 %) des personnes actives, ayant une activité professionnelle. Elles cumulent donc leurs engagements professionnels (35 heures hebdomadaires par principe) et la charge de l'aidance (en moyenne 8, 6 heures d'aidance par semaine). L'aide apportée peut être soit de la gestion administrative, du soutien moral de la personne ou encore de l'aide dans les actes de la vie courante.

Les employeurs doivent comprendre ce statut de salarié aidant pour mettre en œuvre les mesures qui limiteront ses conséquences sur l'emploi du salarié et leurs coûts économiques (évalué entre 20 et 30 milliards d'euros par an pour les entreprises).

Identifier les bénéfices, tant pour l'entreprise que pour chacun de ses membres

Investir dans des mesures de soutien aux salariés proches aidants n'est pas seulement une démarche sociale, c'est aussi une stratégie gagnante pour l'entreprise.

Les entreprises ont tout intérêt à accompagner leurs salariés pour :

- Limiter les départs du salarié et de ses compétences, en réduisant l'absentéisme et en améliorant la qualité de vie au travail ;

- Améliorer ou a minima maintenir la productivité du salarié grâce à moins de stress, de fatigue et plus de performance. Les salariés aidants développent aussi des compétences (gestion des priorités, meilleure organisation de leur temps, compétences émotionnelles...) qu'ils sauront mobiliser dans leurs fonctions.

- Donner une image positive de l'entreprise pour valoriser l'entreprise et renforcer son attractivité.

Activer les mesures existantes dans la loi

En droit du travail, la notion d'aidance n'apparaît non pas en tant que telle, mais plutôt au travers des dispositifs de protection et d'aide du salarié aidant.

Il existe tout d'abord trois types de congés légaux :

- Le congé proche aidant (articles L3142-16 à L3142-27
du Code du travail) en cas de handicap ou de perte d'autonomie d'un proche ;

- Le congé de solidarité familiale (articles L3142-6 à L3142-13 du Code du travail) en cas de pathologie mettant en jeu le pronostic vital ou au stade avancé ou terminal d'une affection grave et incurable du proche ;

- Le congé de présence parentale (article L1225-62
du Code du travail) pour un enfant de moins de 20 ans gravement malade ou en situation de handicap ou accidenté qui nécessite une présence soutenue et des soins contraignants.

Ces congés permettent aux salariés d'interrompre temporairement, à temps plein ou à temps partiel, leur activité pour s'occuper d'un proche. Chaque congé définit qui peut en bénéficier, dans quelles conditions, pour quelle durée... Le salarié ne perçoit pas de salaire pour les heures non travaillées, l'État verse des aides sous conditions.

Ensuite, depuis le 21 juillet 2023, toute charte sur le télétravail doit comporter une clause particulière sur les modalités d'accès au télétravail des salariés aidants. Et en l'absence de charte, lorsque le salarié aidant fait une demande de passage en télétravail, l'employeur doit motiver son refus (article L1222-9 du Code du travail). Les aidants familiaux et les proches d'une personne handicapée peuvent solliciter un aménagement de leurs horaires de travail afin qu'ils soient individualisés (article L3121-49 du Code du travail). Cela permet de répondre à leur besoin de temps et de flexibilité.

Enfin, tout salarié peut faire don d'un ou plusieurs jours de repos non pris à un collègue de travail qui fait face soit au décès ou à la grave maladie d'un enfant (article L1225-65-1 du Code du travail), soit qui vient en aide à une personne atteinte d'une perte d'autonomie ou présentant un handicap (article L3142-25-1 du Code du travail).

Le Code du travail garantit aussi des protections aux salariés aidants :

- À travers l'obligation de garantir la santé et la sécurité de ses salariés, l'employeur doit être vigilant à l'égard des salariés aidants pour détecter leur fragilité professionnelle et la prévenir.

- Toute discrimination en raison de la situation familiale est punie par le Code du travail et le Code pénal.

Être acteur au soutien de l'aidance en entreprise

Les entreprises ont tout intérêt à œuvrer pour une prise de conscience de l'existence de l'aidance en entreprise et à sensibiliser et former l'ensemble du personnel (service des ressources humaines, manager, collègues de travail).

Une fois que l'entreprise aura appréhendé les impératifs des salariés aidants, elle pourra choisir les mesures d'accompagnement qu'elle souhaite mettre en place.

Les salariés aidants ont besoin :

- D'informations (par exemple : connaître leurs droits en matière de prestations sociales). L'entreprise peut organiser des conférences avec des professionnels, diffuser un guide d'informations, désigner un interlocuteur dédié au sein du service des ressources humaines ou encore instaurer des temps d'échanges collectifs en interne.

- De temps et de flexibilité. L'employeur peut étayer les dispositifs légaux existants par des accords collectifs ou un engagement unilatéral accordant davantage de jours de repos, de flexibilité dans la gestion du temps de travail (pour permettre les suivis des rendez-vous médicaux par exemple), mettre en place un compte épargne-temps, etc.

- D'accompagnement professionnel : l'employeur peut mettre le salarié aidant en relation avec des organismes extérieurs tels que des « care managers »,  une assistante sociale, ou des associations de répit aux aidants... pour le soulager dans sa vie quotidienne. L'entreprise peut décider d'assumer tout ou partie du coût financier.

- De reconnaissance et de valorisation des compétences : intégrer dans les processus d'évaluation des compétences la détection d'atouts propres aux salariés aidants qui serviront au collectif de travail d'une culture d'entreprise inclusive.

Le dispositif légal d'égalité professionnelle est un parfait support pour intégrer les actions mises en œuvre au titre de l'aidance en entreprise. Lorsque l'on sait que 56 % des aidants sont des femmes, les entreprises peuvent inclure ces mesures dans leur plan d'actions lié à l'index égalité hommes/femmes afin d'améliorer le critère d'articulation vie professionnelle/vie personnelle.

Le chef d'entreprise et les services des ressources humaines doivent appréhender les enjeux que représente d'ores et déjà la présence de salariés aidants au sein de leurs structures. Les entreprises gagneront à s'adapter, innover et se montrer précurseur en la matière pour transformer la contrainte en opportunité.