Acheter un bien immobilier aux enchères : est-ce une bonne affaire ?

par Me Virginie Hérisson Garin
Publié Mardi 16 septembre 2025

Article Partenaire / « À vendre aux enchères publiques sur la commune des Belleville un appartement de 180 m2. Mise à prix : 130 000 euros. » L'annonce est alléchante sur le papier, surtout dans le contexte du marché immobilier traditionnel avec des prix de vente toujours élevés et des transactions immobilières qui ont chuté de près de 20 % en 2024 *. Mais êtes-vous prêts à acheter votre bien immobilier aux enchères ?

Des ventes accessibles à tous ?

La réponse est oui, les ventes aux enchères judiciaires ne sont pas réservées ni aux professionnels de l'immobilier ni aux investisseurs aguerris. C'est le principe de liberté des enchères.

Cependant, en pratique, toute personne, physique ou morale doit disposer de la capacité juridique pour pouvoir porter les enchères. Ainsi, ni une société radiée du registre du commerce et des sociétés ni un majeur sous tutelle ne pourront enchérir lors d'une vente aux enchères publiques. De même, quelques incapacités et incompatibilités sont prévues par l'article R 322-39 du Code des procédures civiles d'exécution, ce qui interdit notamment au débiteur saisi, ou encore aux magistrats de la juridiction devant laquelle la vente est poursuivie, de porter les enchères.

Au-delà de ces restrictions, toute personne peut se porter enchérisseur si elle justifie des garanties de paiement.

Un formalisme strict et juridiquement encadré

Première condition : les enchères doivent être obligatoirement portées par le ministère d'un avocat. L'avocat doit être inscrit au barreau du tribunal judiciaire devant lequel la vente est poursuivie. Par exemple, un avocat de Toulouse ne pourra pas porter les enchères pour l'un de ses clients lors de la vente de l'appartement de 180 m2 situé sur la commune des Belleville. Le bien est situé dans le ressort du Tribunal judiciaire d'Albertville, seul un avocat inscrit au Barreau d'Albertville pourra porter les enchères pour ce bien.

Ensuite, tout enchérisseur devra, avant de porter les enchères, remettre à son avocat, un chèque de banque ou une caution bancaire irrévocable représentant 10 % du montant de la mise à prix, sans que cette garantie puisse être inférieure à 3 000 euros. Si nous poursuivons notre exemple, l'enchérisseur devra remettre un chèque de banque de 13 000 euros à son avocat pour pouvoir porter les enchères sur cet appartement. Il devra également justifier de son identité et de sa situation juridique.

En pratique, le particulier remettra à son avocat une copie valide de sa carte d'identité, et justifiera de sa situation personnelle (célibataire, marié...). Une société produira un extrait KBIS à jour datant de moins de trois mois.

Chaque enchérisseur doit également compléter une attestation sur l'honneur indiquant s'il fait l'objet ou non d'une condamnation à l'une des peines mentionnées à l'article L322-7-1 du Code des procédures civiles d'exécution, limitant le droit d'enchérir des personnes condamnées à une interdiction d'acheter un bien immobilier à usage d'habitation (autrement dénommées les « marchands de sommeil »).

Le jour de l'audience, l'avocat portera les enchères jusqu'au montant maximum de l'enchère fixée par son mandant, et s'il est déclaré adjudicataire (lorsque 90 secondes se seront écoulées depuis la dernière enchère), il remettra au Juge les documents susvisés.

Vous deviendrez ainsi propriétaire du bien mis aux enchères. Le jugement d'adjudication vaudra titre de vente et sera ensuite publié au service de publicité foncière.

Une opportunité pour les investisseurs

Les investisseurs immobiliers sont des acteurs fréquents des ventes aux enchères publiques.

Plus de 70 % des acheteurs lors des ventes aux enchères publiques sont des investisseurs particuliers, cherchant à développer leur patrimoine locatif et près de 20 % sont des professionnels, tels les marchands de biens, et les promoteurs (données de l'année 2023, issues de la plateforme VENCH).

Il s'agit d'une occasion intéressante d'acquérir des biens à des prix attractifs, des biens atypiques qui ne sont pas sur le marché classique, ou des biens nécessitant des travaux de rénovation. Acheter un bien aux enchères publiques permet souvent aux investisseurs une revente après rénovation ou valorisation, avec une plus-value.

Les mises à prix sont en effet généralement bien en deçà du prix du marché, les écarts allant de -20 % jusqu'à -60 % selon certaines villes de France.

Mais attention, si les bonnes affaires existent, notamment en cas de faible concurrence ou de biens très atypiques, l'engouement pour un bien très recherché peut vite faire grimper les enchères.

Un investissement à sécuriser pour les particuliers

Avec un marché immobilier traditionnel en crise et la hausse des taux d'intérêt, et même s'ils ne représentent que 10 % des enchérisseurs, les particuliers, qui souhaitent acquérir leur résidence principale ou secondaire, manifestent un vif intérêt pour les biens vendus aux enchères publiques.

En 2024, 81 % des Français rêvaient de devenir propriétaires (enquête Bricks.co). Le rêve immobilier peut devenir réalité, à condition de le sécuriser.

Deux conseils : visitez-le bien et épluchez le cahier des conditions de la vente.

La visite du bien est essentielle. La date et l'heure de la visite sont fixées en amont de l'audience de vente aux enchères et la visite est assurée par un commissaire de justice. Vous pourrez ainsi inspecter l'état général du bien et vérifier si le bien est occupé, loué...

Le jour de la visite, vous ne serez pas seuls, toutes les personnes intéressées susceptibles de porter des enchères seront là.

En complément de la visite du bien, il est indispensable d'examiner attentivement le cahier des conditions de la vente. Il contient toutes les informations juridiques et techniques relatives au bien mis en vente, ainsi qu'un procès-verbal descriptif dressé par un commissaire de justice.

Un avocat peut naturellement vous conseiller et vous aider à décrypter ces documents.

Une bonne affaire... si elle est bien maîtrisée et encadrée

Quelques précautions devront être prises avant de se lancer dans l'achat d'un bien immobilier aux enchères publiques.

En premier lieu, il ne faut pas se fier à la mise à prix, souvent très attractive et largement en deçà des prix du marché. Il est indispensable d'étudier le marché local avant d'enchérir.

En second lieu, il faut définir un budget maximal et s'y tenir. En effet, « la fièvre de l'enchère » existe et peut vous amener à payer un prix bien plus élevé que prévu. Il n'y a ni délai de réflexion, ni délai de rétractation, ni de condition suspensive liée à l'obtention d'un prêt immobilier. En effet, si vous êtes déclaré adjudicataire, vous êtes engagés, que votre banque vous suive ou pas ! Il n'y a donc aucune place pour l'improvisation et il est primordial d'établir un plan de financement, avec l'aide de son conseiller bancaire, en amont de la vente, et ce d'autant que les délais pour le paiement du prix sont courts : vous devrez payer le prix d'adjudication dans les deux mois.

Enfin, il faut penser aux frais annexes. Au prix d'adjudication de l'appartement de 180 m2 que vous aurez acquis pour la somme de 131 000 euros (quelle chance, vous étiez le seul enchérisseur ce jour-là !), il vous faudra ajouter des frais, liés à l'engagement de la procédure de saisie immobilière, les droits d'enregistrement, les frais de publicité foncière, les émoluments... Ces frais représentent entre
10 à 20 % du prix de vente.

Acheter un bien immobilier aux enchères reste un investissement immobilier qui ne doit pas être réalisé à la légère. La bonne affaire est possible, mais elle dépendra de votre niveau de préparation.

Alors, pour vous familiariser avec l'univers (impitoyable !) des ventes aux enchères publiques, n'hésitez pas, poussez les portes d'un palais de justice, et assistez à une audience de ventes aux enchères publiques. Elles sont ouvertes à toutes et à tous, que vous soyez enchérisseur ou simple observateur.

Par Me Virginie Hérisson Garin, avocat au Barreau de Chambéry.