L'évaluation de sociétés : de la valeur de l'activité à celle des titres
Article publi-rédactionnel / Entreprendre l'évaluation des titres, c'est élargir la valeur à l'ensemble du patrimoine de la société, en ajoutant à la valeur du fonds la position financière nette (telle que définie ci-après), qui intègre l'ensemble des actifs et passifs, autres que l'actif économique.
Les deux dimensions de l'évaluation d'entreprise
L'évaluation d'entreprise est un sujet comprenant plusieurs réalités : celle de l'évaluation de l'activité, et celle de l'évaluation des instruments juridiques transmis, c'est-à-dire les titres de sociétés.
Ainsi, lorsqu'on s'intéresse à la valeur d'une entreprise, on se focalise souvent sur l'évaluation de l'activité, désigné le « fonds », à savoir les éléments corporels et incorporels, ainsi que le besoin en fonds de roulement (BFR) d'exploitation normatif. On rappelle que la valeur de ces éléments s'apprécie souvent par une combinaison de différentes méthodes d'évaluation (méthodes patrimoniales, méthodes de rentabilité et méthodes comparatives). Ces méthodes cherchent à déterminer la valeur créée par l'exploitation, qui se fonde, en principe, par la capacité à générer un retour sur investissement.
Le lecteur trouvera une documentation abondante sur ce sujet, et cet enjeu que représente l'évaluation de l'activité économique, désigné sous la forme juridique de « fonds de commerce ».
Mais lorsqu'il s'agit de transmettre, céder, ou acquérir des titres de société, quelle que soit la forme juridique de ces titres (parts ou actions), la démarche change et devient plus complète. Il ne s'agit plus seulement d'évaluer des actifs économiques, au travers la performance économique de l'activité, mais bien de valoriser la société dans son ensemble, c'est-à-dire un patrimoine comportant un périmètre plus élargi, qui concerne l'entité juridique dans sa globalité, à savoir : l'actif économique (comprenant le BFR d'exploitation normatif), les autres actifs non opérationnels, ainsi que la position financière nette (trésorerie excédentaire
et dettes financières).
Là encore, le lecteur trouvera une documentation abondante sur ce sujet, et notamment sur l'enjeu de la distinction entre les éléments d'actifs et de passifs qui doivent être intégrés ou pas à l'actif économique, ou être ajoutés, ou retranchés pour aboutir à la valeur des titres.
Typologie des sociétés et spécificités de valorisation
Outre la valeur des titres de sociétés opérationnelles, disposant d'une (ou plusieurs) activités économiques dans leur patrimoine qui a fait l'objet d'une évaluation préalable, la notion de « titres » désignent les différents instruments juridiques qui matérialisent la propriété d'une société : parts sociales (SARL, SCI, sociétés civiles, etc.) ou actions (SA, SAS, etc.) selon la forme juridique.
Ainsi, l'évaluation des titres ne concerne pas uniquement les entreprises opérationnelles : Pour une société exerçant une activité économique, on cherche à déterminer la valeur issue de l'exploitation, corrigée de la structure financière, c'est-à-dire l'écart de valeur liée aux autres éléments d'actifs et de passifs, communément regroupée sous le vocable « dette financière nette », qui constitue une position financière nette (ou « structure financière ») à ajouter ou retrancher à la valeur de l'activité économique pour déterminer la valeur des titres.
En effet, tous les actifs et passifs faisant partie du patrimoine de l'entité juridique, peuvent être « cumulés » pour aboutir à une position financière nette qui viendra corriger la valeur de l'actif économique. Ainsi, une société disposant d'une trésorerie excédentaire, et sans endettement financier, verra sa valeur des titres plus élevée que la valeur de son actif économique.
À l'inverse, une société disposant d'emprunts bancaires (qui ont pu par exemple servir à financer l'acquisition du fonds par le passé), qui sera toutefois diminuée par la valeur de sa trésorerie positive hors exploitation, verra sa valeur des titres réduite par rapport à la valeur de l'actif économique.
Au cas d'espèce, le repreneur des titres reprendra l'ensemble du patrimoine, c'est-à-dire l'activité ainsi que la dette financière ayant servi à son acquisition, antérieurement.
Pour une société foncière ou patrimoniale, l'approche de valorisation reste la même, à ceci près que la valorisation de l'actif économique est, en général, plus aisée à réaliser : il s'agit de la valeur actuelle de marché des actifs patrimoniaux (immobiliers et mobiliers) qui la composent.
À ces valeurs d'actifs vient s'ajouter ou se déduire la position financière nette, telle qu'exposée ci-avant, permettant ainsi de déterminer la valeur des titres.
Points de vigilance dans l'évaluation des titres
L'évaluation des titres va donc reposer sur une approche exhaustive des droits et des obligations de l'entité juridique, et peut nécessiter certains points d'attention :
La distinction entre « actif économique » et « éléments hors exploitation » : le bilan comptable fait état des actifs et des passifs répertoriés par la direction, sans en faire une distinction économique entre exploitation (par exemple : stocks, créances d'exploitation, dettes fournisseurs), ou hors exploitation (par exemple : emprunt bancaire, ou dettes fournisseurs échues mais non réglées). Également, il convient de déterminer quel est le niveau de besoin en fonds de roulement normatif, ainsi que le niveau de trésorerie normatif requis pour l'exploitation. La valeur des éléments non normatifs du BFR et de la trésorerie (dite excédentaire) sera alors incluse à la « position financière nette » à additionner à la valeur de l'actif économique, pour déterminer la valeur des titres.
Les éléments exceptionnels et hors-bilan : l'activité conduite par l'entreprise comporte des risques d'exploitation, qui peuvent générer des passifs non répertoriés au bilan comptable (par exemple : passif RH, engagements de retraite, coûts de dépollution, créance litigieuse, etc.). Ces éléments doivent être identifiés et valoriser précisément, afin d'être intégrés dans la valorisation des titres.
L'impact de la fiscalité : la fiscalité d'entreprise a un impact financier fort pour l'entreprise et peut donc influer sur la valeur nette des titres, en venant réduire la valeur des actifs qui seraient cédés. Elle doit donc être intégrée à l'exercice de valorisation, car c'est la société qui devra acquitter ces impositions. Ainsi, les plus-values latentes sur la réévaluation des actifs, outre l'actif économique qui n'a pas vocation à être cédé dans une évaluation de titres, ainsi que les régimes fiscaux spéciaux applicables aux sociétés foncières ou sur certains actifs, sont également à intégrer.
En conclusion
De la valeur du fonds de commerce à celle des titres, il y a un pas décisif : inclure trésorerie, patrimoine et dettes pour approcher la valeur nette que reflètent réellement les parts sociales ou les actions. C'est l'importance accordée à l'étape des retraitements et de l'analyse des points d'attention qui permettra d'aboutir à une évaluation pertinente
des titres.
Enfin, la valeur ne constitue en rien un prix, mais davantage un point de référence, une estimation, servant de base à la négociation (qui, lui, tient compte de l'offre et de la demande). En effet, l'évaluation d'entreprise (appliqué à l'activité et aux titres) reste une science et un art qui a pour but d'approcher la valorisation d'une entreprise, fondée sur des paramètres objectifs, mais sans tenir compte des paramètres propres à une transaction, qui eux, vont concourir à l'émergence d'un prix accepté par les parties.
Pour autant, l'exercice de valorisation reste une étape importante dans le processus de cession d'une entreprise, qui ne doit pas être négligée et menée trop tardivement. En maîtrisant mieux les « drivers » (facteurs clés) de la valorisation, le chef d'entreprise pourra travailler sur ces leviers afin de maximiser la valorisation de son entreprise, et donc de son patrimoine.