Biens sans maître : comment la commune peut-elle en devenir propriétaire ?
Un outil juridique permet à une commune de devenir propriétaire de biens immobiliers sans maître, qu'ils soient issus de successions anciennes ou dépourvus de propriétaire connu. Explications sur les types de biens concernés, les modalités d'appropriation, ainsi que les recours possibles.
En application de l'article L 1123-1 du Code général de la propriété des personnes publiques, deux catégories de biens sont appropriables par la commune :
- ceux faisant partie d'une succession ouverte depuis plus de trente ans et pour laquelle aucun successible ne s'est présenté
- ceux n'ayant pas de propriétaire connu et pour lesquels, depuis plus de trois ans, les taxes foncières n'ont pas été acquittées ou ont été acquittées par un tiers.
Le point commun entre ces deux catégories est qu'elles ne concernent que les immeubles, c'est-à-dire des parcelles bâties ou non bâties, dont les propriétaires ne peuvent être identifiés.
Les biens successoraux sans maître susceptibles d'appropriation par la commune
Ce sont des biens :
- autres que ceux relevant de l'article L. 1122-1 du Code général de propriété des personnes publiques, c'est-à-dire autres que les biens compris dans une succession en déshérence pour laquelle l'État a été envoyé en possession,
- qui font partie d'une succession ouverte depuis plus de trente ans,
- et pour lesquels aucun successible ne s'est présenté.
La loi prévoit que le délai est ramené à dix ans dans certaines zones : dans le périmètre d'une grande opération d'urbanisme ou d'une opération de revitalisation de territoire ; dans une zone de revitalisation rurale ; dans un quartier prioritaire de la politique de la ville.
Procédure d'appropriation : dès lors qu'il est établi que la succession des derniers propriétaires connus de l'immeuble a été ouverte depuis plus de trente ans (ou dix ans) sans que les héritiers se soient manifestés, l'appropriation par la commune de ce bien considéré « sans maître » a lieu de plein droit, sans formalités préalables. Le décès (ou « l'absence » qui produit les mêmes effets que le décès) doit être établi avec certitude pour que la commune puisse faire valoir ses droits à l'égard du bien concerné.
Délibération du conseil municipal autorisant l'acquisition du bien sans maître : le conseil municipal doit prendre une délibération autorisant l'acquisition par le maire d'un bien sans maître revenant
de plein droit à la commune. Les litiges relatifs à ces décisions relèvent de la compétence du juge administratif.
PV attestant la prise de possession : cette prise de possession est constatée par un procès-verbal, affiché en mairie.
Intégration dans le domaine communal : en règle générale, lorsqu'un bien est acquis par une commune, il relève de son domaine, au moment de son acquisition. Ce n'est que si un bien remplit les conditions fixées par la loi pour faire partie du domaine public qu'il relève effectivement du domaine public communal, même en l'absence d'acte formel de classement.
Charge des frais afférents à l'immeuble acquis : la commune n'est pas redevable des charges liées à l'immeuble acquis et dues avant cette acquisition. Néanmoins, les inscriptions hypothécaires portant sur l'immeuble demeurent.
Les biens « présumés sans maître »
Un immeuble, qu'il soit bâti ou non bâti, peut être considéré comme un bien sans maître à condition :
- qu'il n'ait pas de propriétaire connu : c'est le cas où il n'existe aucun titre de propriété publié au fichier immobilier, ni aucun document cadastral susceptible d'apporter des renseignements quant à l'identité du propriétaire. Il peut également s'agir des biens qui, ayant appartenu à une personne connue et disparue sans laisser de représentant, ne sont devenus la propriété d'aucune autre personne,
- et que les taxes foncières afférentes n'aient pas été acquittées ou aient été acquittées par un tiers depuis plus de trois ans, ou encore lorsque les taxes foncières font l'objet d'une exonération ou ne sont pas mises en recouvrement.
Procédure d'appropriation
Vérifications préalables : le maire doit vérifier la situation du bien avant son incorporation au domaine communal. Il peut notamment recueillir des éléments d'information auprès de l'administration (état-civil, cadastre, publicité foncière, recouvrement des taxes foncières) et des notaires. Il peut également procéder à une enquête de voisinage pour compléter les éléments recueillis
Arrêté constatant l'absence de propriétaire connu et le défaut de paiement de la taxe de publicité foncière : un arrêté du maire constate que l'immeuble satisfait aux conditions de mise en œuvre de la procédure d'acquisition des biens sans maître. Le maire doit, au préalable, recueillir l'avis de la commission communale des impôts directs. Pour faciliter les démarches du maire, la loi oblige l'administration fiscale à lui transmettre les informations nécessaires à la mise en œuvre de la procédure d'acquisition.
Formalités de publicité : il est procédé par les soins du maire à une publication et à un affichage de cet arrêté et, s'il y a lieu, à une notification aux derniers domicile et résidence du dernier propriétaire connu. Si l'immeuble est habité ou exploité, une notification est transmise à l'habitant ou à l'exploitant ainsi qu'au tiers qui aurait acquitté les taxes foncières. Cet arrêté est dans tous les cas notifié au préfet de département.
Appropriation de l'immeuble « présumé sans maître » : dans le cas où aucun propriétaire ne s'est fait connaître dans un délai de six mois à dater de l'accomplissement de la dernière des mesures de publicité, l'immeuble est présumé sans maître.
Incorporation de l'immeuble « présumé sans maître » dans le domaine communal : la commune dans laquelle est situé ce bien dispose d'un nouveau délai de six mois pour décider, par délibération de son organe délibérant, d'incorporer l'immeuble « présumé sans maître » dans le domaine communal. Cette incorporation est constatée par arrêté du maire. À défaut de délibération prise dans ce délai, la propriété du bien est attribuée à l'État et le transfert du bien dans le domaine de l'État est constaté par acte administratif.
Les actions ouvertes aux anciens propriétaires
Si une commune a diligenté à tort l'une des procédures ci-dessus décrites, les anciens propriétaires ont la possibilité de récupérer la propriété de leur bien. Le bien présumé sans maître ne sera en effet acquis de manière définitive par la commune qu'après un délai de trente ans (qui correspond au délai de prescription acquisitive en matière immobilière), sauf exceptions.
Néanmoins, la restitution sera subordonnée au règlement par le propriétaire (ou ses ayants droit) du montant des charges impayées, ainsi que du montant des dépenses nécessaires à la conservation du bien engagées par la commune.
L'ancien propriétaire ne pourra plus exiger la restitution de son bien si celui-ci a été vendu ou bien aménagé, notamment à des fins d'intérêt général. Il bénéficiera alors d'une indemnité égale à la valeur de l'immeuble.
Le rôle du notaire
Le rôle principal du notaire dans cette procédure tient, le plus souvent, dans l'accomplissement des formalités de publicité foncière, et ce même s'il n'est pas expressément prévu par la loi « l'obligation de recourir à un acte authentique pour le transfert du bien dans le domaine de la collectivité ». Cette publication peut prendre la forme d'une attestation de propriété reçue par acte authentique, établie sur déclaration du maire et au vu de la délibération et/ou de l'arrêté du maire.