Pourquoi recourir à un notaire pour régulariser un bail commercial ?

par Me Marion Batisse
Publié Mardi 23 septembre 2025

Article publi-rédactionnel / Si le recours au notaire pour établir un bail commercial n'est pas obligatoire, il peut s'avérer judicieux dans bien des cas.Entre sécurité juridique, conformité aux règles du Code de commerce et force exécutoire de l'acte, le bail notarié offre des garanties précieuses pour les parties.

Le recours au notaire pour établir un bail est facultatif, sauf dans quelques hypothèses spécifiques telles que le bail établi pour un débit de boissons ou le bail établi pour une durée supérieure à douze ans et de ce fait soumis à la publicité foncière. Alors pourquoi recourir à un notaire pour régulariser un bail, et plus particulièrement un bail commercial ? Autrement dit, quels sont les avantages d'un bail notarié ?

À l'exception des hypothèses ci-dessus visées, un bail peut valablement être régularisé directement entre les parties par acte sous seing privé... mais parfois suivant des modèles plus ou moins hasardeux. Or, pour établir un bail commercial en bonne et due forme, il est nécessaire de se conformer au statut d'ordre public des baux commerciaux régi par les articles L145-1 et suivants du Code de commerce, et respecter un certain nombre de règles de forme et de fond sous peine de nullité.

Les changements fréquents de législation et la complexité des textes justifient grandement la sollicitation du notaire pour des conseils avisés et la rédaction d'un bail commercial notarié utile à bien des égards et qui aura en outre une force exécutoire.

Pour illustrer les points de difficultés susceptibles d'être rencontrés dans la conclusion ou l'application d'un bail commercial, voici quelques exemples de pièges à éviter.

Bail dérogatoire ou bail commercial ?

Avant de s'engager sur un bail commercial proprement dit, le locataire peut avoir le souhait de vérifier la qualité de l'emplacement avant l'implantation définitive de son activité et le bailleur peut vouloir s'assurer de la solvabilité de son locataire. L'article L145-5 du Code de commerce permet d'établir un bail dérogatoire au statut du bail commercial pour une durée maximum de trois ans. Ce bail est exclu du statut d'ordre public du bail commercial et librement négociable.

À défaut de conseils avisés, les difficultés vont surgir à l'expiration du bail dérogatoire. L'article L145-5 du Code de commerce interdit expressément de conclure un nouveau bail dérogatoire, au-delà de trois ans, pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux. Donc la poursuite des relations entre bailleur et preneur basculera nécessairement et automatiquement sous le statut du bail commercial.

Aussi, il faut totalement écarter certaines pratiques qui consisteraient à faire sur les mêmes locaux plusieurs baux de trois ans successifs, en changeant seulement le nom du titulaire, alors que les mêmes activités resteraient dans les lieux. Ces pratiques ont été très tôt sanctionnées par la jurisprudence, qui a considéré que le statut des baux commerciaux trouvait à s'appliquer.

Également, il appartiendra au bailleur, qui ne souhaite pas être lié par un bail statutaire à l'issue du bail dérogatoire, de manifester par un acte positif clair et non équivoque, son intention de ne pas poursuivre la relation locative à l'approche du terme du bail dérogatoire et au plus tard un mois suivant l'expiration dudit bail.

Le dépôt de garantie, avec ou sans intérêt ?

L'article L145-40 du Code de commerce dispose que « les loyers payés d'avance, sous quelques formes que ce soit, et même à titre de garantie, portent intérêt au profit du locataire au taux pratiqué par la Banque de France, pour les avances sur titres, pour les sommes excédant celle qui correspond au prix du loyer de plus de deux termes ».

Cette disposition peu connue ou peu appliquée est pourtant d'ordre public, ce qui signifie que toute clause contraire serait réputée non écrite. Selon cette disposition, le bailleur sera tenu de verser des intérêts au locataire lors de la restitution du dépôt de garantie s'il exige plus de deux termes de loyer. Cela signifie que lorsque le loyer est payé par échéance mensuelle et d'avance, le dépôt de garantie, pour ne pas porter intérêt, ne pourra pas dépasser un mois de loyer. Ce qui n'est pas toujours le cas en pratique.

Qu'est-ce que le décret tertiaire ?

L'article L174-1 II du Code de la construction et de l'habitation, dispose notamment que « des actions de réduction de la consommation d'énergie finale sont mises en œuvre dans les bâtiments, parties de bâtiments ou ensembles de bâtiments existants à usage tertiaire, définis par décret en Conseil d'État, afin de parvenir à une réduction de la consommation d'énergie finale pour l'ensemble des bâtiments soumis à l'obligation d'au moins 40 % en 2030, 50 % en 2040 et 60 % en 2050, par rapport à 2010 ».

Tout local situé dans un bâtiment d'activités tertiaires, dont la surface de plancher est supérieure à 1 000 m², entre dans le champ d'application des dispositions relatives à une obligation d'amélioration de la performance énergétique des bâtiments tertiaires. Cela se traduit par une obligation de déclaration annuelle des données de consommation énergétique via une plateforme appelée OPERAT. Le contrat de bail doit mentionner cette obligation et déterminer qui fait quoi entre le bailleur et le preneur. L'un ou l'autre peut être en charge de faire la déclaration annuelle, l'un ou l'autre peut prendre à sa charge les travaux nécessaires pour parvenir aux objectifs de réduction de la consommation énergétique finale à l'exception des travaux mentionnés à l'article 606 du Code civil lesquels incomberont nécessairement au bailleur. Encore faut-il que la répartition des obligations soit déterminée dans le bail.

Qu'est-ce que la force exécutoire de l'acte notarié ?

Un acte notarié est un acte authentique qui a force exécutoire. Lorsqu'un acte authentique contient l'obligation de payer une somme d'argent et lorsque cette dette est certaine et exigible, le notaire peut délivrer une copie exécutoire. Cette dernière dispense le créancier d'obtenir un jugement de condamnation du débiteur et permet de faire procéder à une saisie par commissaire de justice. Un bail par acte notarié a ainsi la force d'une décision de justice et permet de mandater un commissaire de justice pour procéder à des mesures de saisies (sur salaires, comptes bancaires...) à l'encontre du locataire qui ne paierait pas son loyer.

Toutefois, attention à ne pas confondre mesure de saisies et mise en jeu de la clause résolutoire du bail pour laquelle l'intervention du juge reste requise. La clause résolutoire est une clause favorable au bailleur strictement réglementée par le statut des baux commerciaux. Elle permet la résiliation de plein droit du bail commercial en cas de manquement du locataire à l'une de ses obligations, sans que le juge ne puisse apprécier la gravité du manquement, ni la proportionnalité de la sanction. Pour mettre en jeu la clause résolutoire, le bailleur doit faire délivrer par commissaire de justice un commandement de payer ou de respecter les clauses et conditions du bail au locataire, et ce n'est qu'à l'expiration d'un délai d'un mois, si le commandement est demeuré infructueux, que le bailleur pourra demander au juge de faire constater la résiliation de plein droit du bail par le jeu de la clause résolutoire. Toutefois le locataire peut demander au juge des référés des délais de paiement, dans la limite de deux années, à la condition que la résiliation du bail n'ait pas été constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée.

Une nouvelle réforme du statut des baux commerciaux ?

Le projet de loi de simplification de la vie économique propose plusieurs nouvelles dispositions impactant la pratique des baux commerciaux. Il introduirait un nouvel article L. 145-32-1 du Code de commerce permettant à tout locataire commercial de demander le paiement mensuel du loyer, mesure d'application immédiate y compris pour les baux en cours. Plus impactant serait l'interdiction de refacturer la taxe foncière à son locataire commercial, pratique largement répandue à ce jour.

Ces futurs changements législatifs démontrent une nouvelle fois l'intérêt des conseils avisés d'un professionnel pour établir un bail commercial en bonne et due forme.